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Actualités - OPINION

Le point Le mauvais exemple

« Notre dernière rencontre a été positive, excellente même. Dans les jours à venir, nous allons avoir d’autres réunions, qui seront tout aussi décisives. » Décisives ? Si son manque d’humour lui épargne la corvée du sourire lorsqu’il débite de telles platitudes dignes d’un porte-parole du plus totalitaire des régimes, Jawad el-Maliki, de l’Alliance irakienne unifiée, ne s’étonne plus de n’éveiller chez les journalistes nulle curiosité. Même pas sur l’absence aux négociations en cours, depuis fin février, de la partie sunnite, deuxième composante en importance de la population du pays, mais qui avait choisi de boycotter le scrutin du 30 janvier dernier. On peut se rassurer en pensant que la prochaine session de l’Assemblée nationale se tiendra en principe dans les quarante-huit heures, mais seulement pour désigner le Conseil présidentiel et le bureau du Parlement, à condition qu’un accord intervienne avec les Kurdes sur ces deux points. La formation d’un cabinet, elle, prendra une semaine encore, selon les estimations les plus optimistes. C’est que, fort de leurs 77 élus, les émissaires de Jalal Talabani et de Massoud Barzani voudraient obtenir le maximum d’avantages, et notamment le rattachement à leurs régions autonomes du nord de la zone de Kirkouk riche de ce pétrole que convoitent tant les Américains. Face à eux, les chiites ne peuvent oublier que leur participation massive à la consultation populaire leur a été arrachée non point par l’Administration US, mais grâce à l’énergique intervention du grand ayatollah Ali Sistani, qui a pressé ses coreligionnaires de prendre le chemin des urnes. À l’époque, les grands vainqueurs furent les fondamentalistes du parti al-Da’wa et ceux du Conseil suprême de la révolution islamique. Aussi conviendrait-il, lorsque l’équipe ministérielle aura vu le jour, de s’interroger sur ses possibilités de survie au lendemain du retrait des forces de la coalition internationale. Déjà, après une courte et relative accalmie, les opérations de la guérilla ont repris sur une large échelle au cours des dernières quarante-huit heures, faisant un total de 40 morts et plus d’une cinquantaine de blessés. Policiers, commandos du ministère de l’Intérieur ou encore recrues de l’armée – et tout récemment de pauvres femmes de ménage employées dans des bases US – représentent autant de cibles pour les insurgés, sans parler des méprises dues à la multiplicité des organismes de défense. Tandis que les GI sont plus nombreux que par le passé à tomber. En cette fin de semaine, le nombre de victimes américaines est passé à 1 525, mais à Washington, des voix s’élèvent, qui se veulent rassurantes, pour soutenir que ce triste bilan n’a rien à voir avec ceux enregistrés dans les années les plus noires de la guerre du Vietnam. À l’époque, soutiennent les stratèges, arithmétique à l’appui, les décès représentaient un pour 4 000 Américains alors qu’actuellement, ils ne constituent qu’une proportion de un pour 200 000. Devant le désarroi qui touche l’ensemble de la population mais aussi une bonne partie de la classe politique, d’anciennes figures que l’on croyait revenues de la politique refont leur apparition. Effet de contagion ? Au nom du courant radical de Moqtada Sadr (24 députés dans la nouvelle Assemblée), un imam appelait hier à une manifestation d’un million de personnes afin d’obtenir un calendrier pour le départ des troupes étrangères tandis que l’intervention du Parti démocratique du Kurdistan était requise pour obtenir la remise en liberté des combattants de Baaqouba et de Sadr City toujours détenus par les Américains. Feignant d’ignorer qu’Ibrahim al-Jaafari reste le candidat assuré d’être désigné, l’insubmersible Ahmed Chalabi poursuit son lobbying dans l’espoir de succéder à un Iyad Allaoui qui a fini par désespérer jusqu’à ses plus fidèles protecteurs du Pentagone. Certains au sein de l’Administration Bush ont vu le danger représenté par une implication dans ce qu’ils appellent « la micropolitique irakienne ». Refusons, disent-ils, d’écouter les voix de ceux qui cherchent à nous impliquer dans le déroulement des étapes à venir, qu’il s’agisse de la désignation d’un Conseil présidentiel ou du bureau du Parlement. Après avoir affiché son ambition d’instaurer la démocratie dans un Grand Moyen-Orient, en commençant par l’Irak, Washington se retrouve aujourd’hui tenu, à son corps défendant, de jouer les arbitres dans un conflit qui oppose Bagdad à Amman sur l’attentat de Hilla, le 28 février, les infiltrations d’insurgés ou bien l’incertain avenir des relations entre les deux pays. On chercherait en vain là de quoi rassurer les États de la région qui seraient tentés d’imiter l’exemple du mauvais élève mésopotamien. Christian MERVILLE

« Notre dernière rencontre a été positive, excellente même. Dans les jours à venir, nous allons avoir d’autres réunions, qui seront tout aussi décisives. » Décisives ? Si son manque d’humour lui épargne la corvée du sourire lorsqu’il débite de telles platitudes dignes d’un porte-parole du plus totalitaire des régimes, Jawad el-Maliki, de l’Alliance irakienne unifiée, ne...