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Sur les Campus - Le rêve... de la relève

Qu’aurait pensé Vilfredo Pareto, sociologue et auteur de la célèbre théorie de l’ascension et de la théorie des élites (1901), du printemps de Beyrouth ? Comment envisager ce phénomène politique par excellence sous l’angle de la circulation, du renouvellement des élites politiques ? Le système politique libanais, qui paraît à première vue fortement traditionnel et terriblement hermétique à tout changement, pourrait-il être mis – enfin – devant le fait accompli de ce mouvement de masse ? En d’autres termes, la dynamique populaire de l’intifada de l’indépendance pourrait-elle générer une brèche au sein du système pour garantir une régénération des élites autrement que par les voies traditionnelles, c’est-à-dire par filiation, selon des schèmes claniques et féodaux ? Un coup d’œil rapide sur l’histoire contemporaine du Liban montre qu’il y a bien eu un certain renouvellement des « élites » (le mot élite est à prendre au sens scientifique du terme, et non comme un quelconque jugement de valeur), mais si peu par les voies démocratiques. La guerre a produit, imposé par la force des armes une caste politique, qualifiée communément de « seigneurs de la guerre », qui s’étant fixée durant la première moitié du conflit sur des schèmes traditionnels, avait fini par s’en affranchir (la création du Hezbollah et d’Amal au plan chiite, du courant aouniste et des FL de Samir Geagea au plan chrétien sont des exemples de cette « relève »). L’après-guerre aussi a imposé une nouvelle « élite » politique, une nouvelle caste imposée par la force et la ruse de l’hégémonie syrienne sur le pays. En dehors de la sphère de l’asservissement aux desiderata syriens, peu de politiques ont réussi à continuer à jouir d’une crédibilité, en maintenant un équilibre très précaire entre la préservation de leur intégrité et leur appartenance à un système politique contaminé par le virus de la servitude et de la corruption. Et si les notables traditionnels n’ont pas été éliminés par le nouveau système en place, ils ont le plus souvent été récupérés et embrigadés par ce système. Par ailleurs, comme le notait il y a quelques années Ghassan Salamé lors de la séance d’ouverture d’un colloque à l’USJ, le nouveau système politique, paralysé par le coma politique imposé par la force, a toutefois produit trois castes privilégiées, trois circuits permettant d’accéder au pouvoir, aux antipodes du système démocratique : une caste militaire (ou plutôt militariste, devrait-on dire, incarnée aujourd’hui par la présidence de la République et les patrons des services), la caste religieuse (dont l’interférence dans la vie politique n’aura jamais été aussi importante) et la caste affairiste (qui aura ainsi permis à certaines nouvelles élites d’émerger, comme Rafic Hariri ou Mohammed Safadi). Si « l’intifada de l’indépendance » doit aboutir à ces objectifs directs, comme la levée définitive de la mainmise syrienne sur le pays et le démantèlement du régime sécuritaire, elle a néanmoins une fonction latente, vitale pour aboutir à une redémocratisation du pays : permettre à de nouvelles élites d’émerger, ouvrir la voie à une participation de jeunes cadres hors des contrées de toutes les légitimités traditionnelles (lesquelles ne cesseront sans doute pas d’exister, tant elles sont ancrées dans le tissu socioculturel de ce pays). Certes, dans un premier temps, la dynamique populaire permettra aux leaders de l’opposition de réaliser leurs objectifs, qui sont ceux d’un grand nombre de Libanais. Mais, à long terme, ces leaders devront réaliser l’importance et la signification de ce changement et contribuer à assouplir le système pour intégrer progressivement les jeunes au centre de décision. Ils auront même la tâche de les former, parce que ces jeunes constituent en définitive la relève, leur relève, l’avenir du pays. L’ignorer serait perpétuer les mêmes schèmes qui ont conduit la société libanaise à maintes reprises par le passé à se cloisonner et à imploser. « En politique, on succède à des imbéciles et on est remplacé par des incapables. » La formule est l’œuvre d’un des maîtres dans le genre, en l’occurrence, Georges Clemenceau. Il s’agit, certes, d’une vision sombre de l’alternance, mais en définitive si rarement démentie. Il reste, malgré tout, le rêve. De la relève. Michel HAJJI GEORGIOU
Qu’aurait pensé Vilfredo Pareto, sociologue et auteur de la célèbre théorie de l’ascension et de la théorie des élites (1901), du printemps de Beyrouth ? Comment envisager ce phénomène politique par excellence sous l’angle de la circulation, du renouvellement des élites politiques ? Le système politique libanais, qui paraît à première vue fortement traditionnel et terriblement...