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Trois morts et huit blessés, une charge de 80 à 100 kilos La rue marchande de Kaslik panse ses blessures après l’explosion meurtrière dans un centre commercial (Photo)

Un grand drapeau libanais a été hissé, suite à une initiative de la municipalité de Jounieh, sur le centre Altavista, à Kaslik, cible d’un attentat à l’explosif, mercredi à l’aube, qui a fait trois morts et huit blessés. Le symbole est clair et vient souligner ce que de nombreux témoins ont assuré sur les lieux, à savoir qu’un tel acte vise à terroriser une population qui a revendiqué en masse sa liberté. Mais cette tentative restera vaine. Toutefois, la barbarie a bel et bien eu lieu, et la charge explosive, formée de 80 à 100 kilos de TNT selon les premières informations, a causé des dégâts énormes dans ce grand centre commercial qui compte plus de cent boutiques et un hôtel. C’est vers 1h 20 hier, dans la nuit, que le secteur de Kaslik a donc été secoué par la violente explosion qui devait détruire en grande partie le centre commercial Altavista et provoquer des dégâts à 300 mètres à la ronde. En état de choc, des dizaines d’habitants se sont rués à l’endroit de la déflagration pour tenter de comprendre ce qui se passe. Sur les lieux, un spectacle apocalyptique devenu, malheureusement, trop familier depuis les attentats qui ont visé l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et le député Marwan Hamadé. Les débris de verre jonchaient la rue menant au centre commercial touché. Celui-ci, à l’intérieur, n’était plus que décombres. Les Forces de sécurité intérieure (FSI), l’armée et la Défense civile, arrivés en grand nombre sur les lieux, ont bouclé la partie gauche du centre, principalement détruite par la déflagration. Des responsables de sécurité, notamment Jean Fahd, commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, étaient également présents. Contrairement à l’attentat de New Jdeidé, qui a eu lieu dans la nuit de vendredi à samedi, celui de Kaslik a été meurtrier. Trois employés de nationalité indienne ont payé de leur vie la folie meurtrière des assassins. Selon les informations obtenues, la charge explosive a été placée au second étage de l’édifice, qui se situe dans le prolongement d’un parking derrière l’immeuble. La bombe se trouvait à proximité de la chambre où dormaient les malheureux. L’un d’eux était concierge du centre depuis des années, mais les deux autres ne se trouvaient au Liban que depuis quelques heures seulement, devant remplir un contrat de travail. Venus chercher une vie meilleure, ils ont couru à leur trépas. L’attentat a également fait huit blessés, pour la plupart légers, selon le directeur du centre, Ibrahim el-Khoury. L’un d’entre eux est un vigile, alors que les autres sont des employés de nationalité étrangère. Sarojani, une employée sri lankaise qui vit au centre, raconte le cauchemar qu’elle a vécu au moment de l’attentat. « J’ai entendu un bruit extrêmement fort et j’ai paniqué, dit-elle, les larmes aux yeux. J’ai essayé d’appeler les agents de sécurité, sans résultat. Ma porte était bloquée par la force de la déflagration, en attendant qu’on me sorte de là, pour me prendre à l’hôpital. » Elle a tenu ces propos en présence de l’ambassadeur du Sri Lanka, Mohammed Farouque, venu inspecter le site. Défilé de députés de l’opposition Plusieurs personnalités politiques ont afflué dès les premières minutes sur le site de l’attentat. Quatre députés du Kesrouan, Mansour el-Bone, Farès Boueiz, Farid el-Khazen et Nehmetallah Abi Nasr, se sont rendus sur les lieux, déclarant que l’attentat vise la paix civile et relevant la négligence des services de sécurité. Ils étaient également nombreux en journée, sur la scène de l’attentat, à dénoncer la violence et l’état d’insécurité qui règne dans le pays. Parmi eux, le député Farès Souhaid, qui ne s’est pas privé de mettre en cause les services libanais et syriens « jusqu’à preuve du contraire ». « Ceux qui perpétuent ces attentats tentent de créer une atmosphère de peur afin de contrer une réalité libanaise qui prend forme, mais cela ne va pas réussir », estime-t-il. Pour lui, « alors que leurs erreurs politiques ont conduit à l’internationalisation du dossier libanais, leurs erreurs sécuritaires mèneront à l’internationalisation de la sécurité du Liban ». Interrogé à ce propos, il refuse d’affirmer que ce sera une revendication de l’opposition, mais se contente de souligner que « l’Onu s’est saisie du dossier libanais ». Pour sa part, la députée Nayla Moawad a directement lié les propos tenus récemment par le directeur de la Sûreté générale, le général Jamil Sayyed, à la série d’attentats. « Ces événements s’inscrivent dans le prolongement des menaces proférées par Jamil Sayyed durant sa conférence de presse, a-t-elle affirmé. S’ils croient que cela va entamer notre volonté et celle des Libanais, ils se trompent. » Tout comme un autre membre de Kornet Chehwane, Gebrane Tuéni, qui s’est également rendu à Kaslik, Mme Moawad a demandé aux commerçants ayant subi des pertes « de se porter partie civile contre les services de sécurité, qui n’ont pas su assurer leur protection ». Interrogé sur les attentats successifs, M. Tuéni fait remarquer que « lorsqu’on bouleverse toute la réalité libanaise, il faut s’attendre à payer un prix et être prêt à tenir le coup ». Dégâts matériels considérables Cette même idée se retrouve dans les propos de commerçants du centre, dont les boutiques ont été de toute évidence gravement endommagées suite à l’explosion. « Nous essayons de libérer le pays, et il y a une facture à payer », affirme Sabine el-Khazen, propriétaire d’une boutique au centre Altavista. Malgré sa détermination à ne pas baisser les bras, elle éprouve visiblement une grande amertume à voir son magasin endommagé. « Les dégâts se situent au niveau du décor qui doit être réaménagé, autant qu’au niveau de la marchandise, toute déchirée », dit-elle. Or les commerçants viennent de passer des mois difficiles. Un marasme économique que viennent aggraver les attaques contre deux rues marchandes très fréquentées en trois jours. Beaucoup ont insisté sur le fait que les attentats visent à geler l’activité économique du peuple libanais. « Tous les commerçants sont endettés et font leur possible pour garder la tête hors de l’eau, s’indigne Mme Khazen. Quelle banque va leur accorder un sursis ? » Même écho chez Gaby Sakr, propriétaire d’une boutique d’habits, qui estime avoir « au moins 10 000 dollars de perte ». Jean Demiane, qui possède une boîte de nuit située dans le centre commercial, se félicite de sa décision « de fermer l’établissement durant les jours de semaine, vu la situation actuelle ». « S’il avait été ouvert, l’explosion aurait surpris 300 à 400 personnes en train de passer la soirée chez nous », ajoute-t-il. Mais cela n’empêche pas les dégâts matériels d’être considérables. « Toutes les vitres sont brisées, le décor est à refaire et nous avons perdu un équipement de pointe, dit-il. Les pertes s’élèveraient à 100 000 dollars. » Le même chiffre est avancé par Loutfi Berberi, dont le salon de coiffure se trouve à l’étage supérieur, particulièrement endommagé. Ibrahim Khoury, directeur du centre, affirme, lui, que le total des pertes s’élèverait à quelque deux millions de dollars. À quelles indemnités peuvent s’attendre ces commerçants ? Beaucoup d’entre eux sont sceptiques, considérant qu’on ne leur a servi « que de bonnes paroles ». D’aucuns ont entamé les réparations tout de suite et comptent rouvrir leurs portes très rapidement. Toutefois, la municipalité de Jounieh n’a pas perdu de temps, déblayant les rues et l’intérieur du centre commercial touché. « Nous allons procéder ensuite au recensement des dégâts et présenter notre rapport aux parties concernées, explique Juan Hobeiche, président du conseil municipal. Nous n’avons pas les moyens d’indemniser nous-mêmes les commerçants, mais nous allons plaider leur cause. » Pour sa part, Nassib Gemayel, président de l’Association des commerçants de Jounieh, précise que « des efforts vont être déployés afin que des mesures de sécurité accrues soient appliquées non seulement à Kaslik, mais dans toutes les rues marchandes ». Des paroles qui reflètent bien le climat d’insécurité (compréhensible) qui règne, mais aussi le manque de confiance dans l’appareil sécuritaire. Ainsi, beaucoup de personnes interrogées n’hésitent pas à mettre en cause les services secrets syriens et libanais. « C’est le million qui est descendu dans la rue qui paye aujourd’hui le prix de son action », dit l’une d’elles, alors que d’autres personnes présentes n’hésitent pas à réclamer le départ du président de la République, soulignant leur attachement à l’intifada de l’indépendance. Suzanne BAAKLINI
Un grand drapeau libanais a été hissé, suite à une initiative de la municipalité de Jounieh, sur le centre Altavista, à Kaslik, cible d’un attentat à l’explosif, mercredi à l’aube, qui a fait trois morts et huit blessés. Le symbole est clair et vient souligner ce que de nombreux témoins ont assuré sur les lieux, à savoir qu’un tel acte vise à terroriser une population qui a...