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Actualités - OPINION

Eclairage - Gouvernement - Sur le plan constitutionnel, c’est le pouvoir qui assume la responsabilité des atermoiements Le président peut fixer un délai pour la formation du cabinet, assure Hassan Rifaï

Ce ne sont sûrement pas l’instabilité que des forces occultes s’efforcent d’installer dans le pays ou les manœuvres politiques syriennes visant à alléger la pression internationale sur Beyrouth et Damas qui vont encourager l’opposition, plus que jamais montée contre les services de sécurité et un appareil étatique soumis à la Syrie, de participer au nouveau gouvernement Karamé. Celui-ci, dit-on dans son entourage, ne se fait pas d’illusions sur l’issue des contacts qu’il effectue – par le truchement d’émissaires – auprès des principaux pôles de l’opposition, en vue de former un cabinet dit d’entente nationale, et devrait dans les prochains jours annoncer qu’il renonce à former une nouvelle équipe ministérielle, renforçant ainsi les craintes d’un vide constitutionnel. « Ce sera un cabinet d’entente ou rien », avait annoncé Omar Karamé juste après sa nomination. S’il opte pour le « rien » – à moins qu’il ne se décide à la dernière minute de former un gouvernement neutre –, c’est qu’il voudrait jeter la balle dans le camp de l’opposition et lui faire assumer la responsabilité de tout vide constitutionnel dans le pays, à deux mois des élections législatives. Un nouveau chapitre dans le cadre du coriace bras de fer entre l’opposition et le régime est sur le point de s’ouvrir. Par la voix de l’ancien ministre de l’Économie, Marwan Hamadé, l’opposition plurielle a réaffirmé sans détour qu’il n’est pas question pour elle de participer à un gouvernement sous le régime actuel. Même si des discours moins tranchants sur le même sujet sont tenus par d’autres opposants et même si le patriarche maronite semble favorable à un cabinet formé à égalité d’opposants et de loyalistes, il reste, n’en déplaise au secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, que la décision de participer ou non au cabinet est prise à l’unanimité et non pas à titre individuel par l’opposition, au nom de laquelle M. Hamadé s’était donc exprimé. Et l’opposition n’acceptera pas moins qu’un gouvernement neutre, à même d’organiser et de gérer des élections libres, régulières et démocratiques, affirme-t-on dans ses milieux. Dans quelle mesure le pouvoir qui multiplie les appels au dialogue peut-il cependant faire assumer à l’opposition le retard dans la mise en place d’un cabinet, dont la principale mission, selon M. Karamé, sera de faire la lumière sur l’assassinat de Rafic Hariri et d’organiser les prochaines élections législatives ? Sur le plan politique, on pourra tout dire, mais au niveau strictement juridique et constitutionnel, la réponse sera : aucune. Car s’il faut parler de responsabilité au niveau des atermoiements qui ne font que durer, c’est au pouvoir et au régime de l’assumer, puisque ce sont eux qui, en définitive, sont en charge des affaires publiques. Un éminent constitutionnaliste, Hassan Rifaï, affirme à ce sujet : « Le chef de l’État n’aurait pas dû tolérer que la formation du gouvernement prenne tout ce temps après les consultations, et le Premier ministre désigné n’aurait pas dû tarder autant », estime-t-il. Selon lui, la nomination de M. Karamé pour la formation du cabinet ne donne à ce dernier aucun droit acquis, en ce sens que le président peut à tout moment décider de reprendre les consultations en vue de désigner un nouveau chef du gouvernement et lui fixer un délai pour sa mise en place. Une telle mesure est susceptible non seulement d’adresser des signaux positifs à l’opposition, mais d’éviter un vide constitutionnel redouté par les loyalistes et de paver ainsi la voie à l’organisation des élections à temps. Le vide constitutionnel est installé depuis la démission du gouvernement : le cabinet démissionnaire est seulement autorisé à expédier les affaires courantes, au sens restreint du terme, et le Parlement n’est pas en mesure de légiférer en l’absence d’une équipe ministérielle. « Tant qu’un nouveau cabinet n’a pas été formé, le Parlement ne peut pas se réunir pour examiner et adopter des lois », explique M. Rifaï. En d’autres termes, il ne peut pas voter la loi électorale. Force est de préciser que la souveraineté de la Chambre ne s’applique pas dans ce cas. « Le Parlement n’est souverain qu’en ce qui concerne son règlement intérieur et doit toujours tenir compte des limites constitutionnelles de son action, dit-il. Il ne peut pas se réunir car le gouvernement doit être présent à ses assemblées afin de contribuer à la promulgation des lois, en donnant son point de vue », précise M. Rifaï. Or, tant que le gouvernement est démissionnaire, « il ne peut pas s’associer à la prise de décisions. Il ne peut pas entreprendre la moindre action pouvant entraîner une responsabilité politique devant le Parlement », fait-il valoir. Il ne peut donc pas, à plus forte raison, organiser et gérer les élections, comme on l’affirme dans certains cercles parlementaires. « Le 17 décembre 1969, le Conseil d’État avait publié un arrêt portant le numéro 614 dans lequel il avait déterminé les limites de l’expédition des affaires courantes. Apprécié par des juristes français, le texte avait été traduit vers le français et publié avec un commentaire, quelques semaines plus tard, dans la Revue de droit public. Le texte qui a été approuvé et adopté par les Français est toujours en vigueur », poursuit M. Rifaï. Est-ce à dire que les élections législatives sont bel et bien compromises si un gouvernement n’est pas formé d’ici à quelques semaines et si le Parlement n’a pas le temps d’examiner la nouvelle loi électorale avant fin avril, date à laquelle les électeurs doivent être convoqués ? M. Rifaï répond par la négative. Il estime que les élections peuvent être organisées sur base de la loi de 2000, même si celle-ci avait été promulguée « pour une seule fois ». « En droit administratif et constitutionnel, il faut tenir compte d’un principe fondamental, celui des circonstances exceptionnelles », précise-t-il. Encore faut-il qu’un gouvernement soit formé et que les autorités accordent la priorité aux échéances démocratiques plutôt qu’aux manœuvres visant, en définitive, à maintenir autant que possible un statu quo plus que jamais menacé. Tilda ABOU RIZK
Ce ne sont sûrement pas l’instabilité que des forces occultes s’efforcent d’installer dans le pays ou les manœuvres politiques syriennes visant à alléger la pression internationale sur Beyrouth et Damas qui vont encourager l’opposition, plus que jamais montée contre les services de sécurité et un appareil étatique soumis à la Syrie, de participer au nouveau gouvernement...