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Actualités - CHRONOLOGIE

Conférence Solide - CPL à l’USJ pour rendre hommage aux mères des prisonniers Appel à inclure le dossier des détenus libanais en Syrie aux demandes de l’opposition (photo)

Elle ne peut pas parler de son fils sans sangloter. Il avait 16 ans, quand il a été arrêté et envoyé en prison en Syrie. C’était il y a 23 ans. Elle s’est rendue des dizaines de fois à Damas, suppliant les responsables syriens, en vain. Depuis 23 ans, tous les soirs, elle rêve de lui. Tous les matins, elle se lève tôt pour ouvrir la porte, peut-être, sait-on jamais, qu’il reviendra aujourd’hui. Joseph Aoun, le fils de Joséphine originaire de Saghbine (Békaa-Ouest), a été enlevé en 1982 à un barrage syrien à Kab Élias. Hier, Joséphine était présente avec d’autres mères de détenus libanais dans les geôles syriennes au campus des sciences sociales de l’Université Saint-Joseph, à la rue Huvelin, pour prendre part à une conférence organisée, à l’occasion de la fête des mères, conjointement par le CPL et Solide. Une conférence pour appeler l’opposition plurielle à adopter le dossier des Libanais détenus dans les geôles syriennes, afin qu’il figure parmi les conditions essentielles menant à un rééquilibrage des relations entre les deux pays. Sonia Eid et Violette Nassif, des mères de détenus, qui militent depuis plusieurs années pour la libération des prisonniers dans les geôles syriennes, et qui seraient, selon les documents de Solide, au nombre de 280, étaient aussi présentes. Sonia, la mère de Jihad Eid enlevé le 13 octobre 1990, alors qu’il avait 20 ans, indique qu’avec les changements qui ont eu lieu au cours des dernières semaines, son « espoir est plus grand », même si elle pense parfois au sort des détenus irakiens, qui avaient été fusillés avec la chute du régime de Saddam Hussein. « Mais non, les Syriens n’oseront pas faire ça. Ils savent que la communauté internationale les surveille et qu’ils ne peuvent pas commettre ce genre d’erreur », dit-elle comme pour se donner courage. Elle ajoute : « Je suis sûre que cet été nos enfants seront parmi nous. » En octobre 1990, Violette Nassif, la mère de Johnny Nassif, avait fait le tour des morgues de tous les hôpitaux de Beyrouth. Ouvrant un à un les tiroirs, cherchant son fils, un jeune homme qui avait une cicatrice au ventre, séquelle d’une chirurgie, et qui combattait dans les rangs de l’armée libanaise à la position de Dahr el-Wahch. Hier, Violette Nassif, une femme solide d’habitude, avait du mal à contenir ses larmes. Et elle s’en excusait : depuis le début du retrait syrien, l’idée que son fils soit exécuté par le régime baassiste – comme ce fut le cas en Irak – la hante. Elle pense déjà aux conséquences et martelle d’un air résolu entre deux sanglots : « À ce moment-là, j’irai à la Cour internationale de La Haye. » « La province de la République libanaise » La conférence de la rue Huvelin s’est tenue notamment en présence de l’ancien député, Gabriel Murr, du candidat aux législatives de Beyrouth, Massoud Achkar, ainsi que de plusieurs responsables du CPL, comme le général Nadim Lteif et Hikmat Dib. Il y avait, à la tribune, Habib Younès, journaliste et ancien détenu, Ghazi Aad de Solide et le candidat du CPL aux législatives de Batroun, Jibrane Bassil. Représentant les anciens de l’amicale de la faculté d’économie à l’USJ, Dimitri Berberi a souhaité la bienvenue à tous. Antoine Rizkallah, membre du courant aouniste à l’USJ, a rendu hommage « à ces mères qui ne seront pas fêtées par leurs fils détenus arbitrairement en Syrie. Leurs enfants sont des héros qui se sont entièrement sacrifiés pour le Liban ». Habib Younès, qui a présenté les intervenants, a parlé de sa propre expérience en prison. « Je suis resté 4 mois et demi sans voir ma mère. J’ai eu la chance de la rencontrer ensuite dans le bureau d’un officier… Ce jour-là, même l’officier avait pleuré. Et j’ai pensé au fond de moi-même que malgré tout, il existait encore au Liban un respect minimum pour les êtres humains. » « Ceux qui détiennent des Libanais ne sont pas des êtres humains », a-t-il dit, évoquant globalement les conditions de détention dans les geôles syriennes. Jibrane Bassil a indiqué pour sa part que « nous pouvons désormais promettre aux mères des détenus qu’elles sauront la vérité. Peut-être que toutes ne retrouveront pas leurs fils. Mais elles seront au moins fixées sur leur sort. Nous avons des documents et des preuves : les Syriens sont responsables de la disparition de centaines de Libanais. Désormais nous pouvons en parler ouvertement ». Prenant la parole, Ghazi Aad a raconté l’histoire de plusieurs prisonniers, présenté des documents officiels accablants pour les autorités libanaise et syrienne. Il a aussi présenté brièvement le système en vigueur dans les geôles syriennes. L’intervention du représentant de Solide a été étayée de dossiers, de dates, de noms… Bref, des preuves irréfutables. Par exemple, il est très difficile de pouvoir retracer le cheminement d’un détenu d’une prison syrienne à l’autre, car, après l’interrogatoire, les Syriens attribuent au détenu un autre nom ou simplement un numéro. Le nom peut ne pas être fictif, il peut être celui d’un autre prisonnier. Aad a également présenté des documents relevant des autorités syriennes, où le nom d’un même détenu figure dans des circonstances contradictoires, notamment en ce qui concerne le lieu et la date de l’arrestation (plusieurs dates et plusieurs lieux d’arrestation). Il a aussi évoqué le transfert des prisonniers, qui se faisait des diverses permanences de services de renseignements au Liban, jusqu’à Anjar, en Syrie ensuite, notant qu’après 1990, certains détenus ont été arrêtés par les autorités libanaises et ont été livrés ensuite aux Syriens. Le représentant de Solide a raconté aussi l’histoire de Joseph Houeiss, originaire de Dhour el-Choueir, épileptique, et qui était au volant de sa voiture quand il a été atteint d’une crise et qu’il a écrasé deux soldats syriens en 1992. Le malheureux a été arrêté et transféré en Syrie. Selon les autorités syriennes, Houeiss est mort en prison en 2003. Un cercueil a été remis à sa famille, qui a été empêchée par les Syriens, présents à Dhour el-Choueir, de l’ouvrir et obligée d’organiser les funérailles, en pleine nuit, une demi-heure après la livraison du cadavre. Le certificat de décès de Joseph Houeiss, rédigé par un général syrien, était adressé, comme un acquis de droit, à « la direction de la province de la République libanaise ». A la fin de la conférence, un film réalisé par Karen Rahmé, une étudiante à l’USJ, sur les détenus libanais dans les prisons syriennes a été projeté. Ce documentaire, qui devait être envoyé aux États-Unis, a été confisqué à l’AIB par la Sûreté générale. Hier, à l’occasion de la fête des mères, Ghazi Aad a donné également une conférence à la NDU. Patricia KHODER
Elle ne peut pas parler de son fils sans sangloter. Il avait 16 ans, quand il a été arrêté et envoyé en prison en Syrie. C’était il y a 23 ans. Elle s’est rendue des dizaines de fois à Damas, suppliant les responsables syriens, en vain. Depuis 23 ans, tous les soirs, elle rêve de lui. Tous les matins, elle se lève tôt pour ouvrir la porte, peut-être, sait-on jamais, qu’il...