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Le regard d’un Français Sagesse et défis au pays du Cèdre

Le peuple libanais et, malgré eux, ses politiques viennent de donner au monde une leçon de sagesse. Pour autant, les épisodes historiques qui sont en jeu sont encore porteurs de défis d’importance pour le pays. La sagesse du peuple libanais s’est d’abord exprimée dans la réaction populaire saine qui a fait suite à l’assassinat odieux de Rafic Hariri. En manifestant leur émotion comme ils l’ont fait, les Libanais affirment qu’il est inacceptable qu’un parlementaire soit ainsi assassiné dans l’exercice de ses fonctions. Mais surtout, ils expriment leur espoir brisé. Même si son action pouvait être discutée, le martyr incarnait, en effet, l’espoir et l’optimisme pour les jeunes qui constituent le cœur du mouvement de protestation. En effet, alors que la situation du pays était encore incertaine avec l’occupation israélienne au Sud et la résistance organisée par le Hezbollah, et que certains prônaient l’attentisme, dans la crainte que le Liban ne s’embrase à nouveau, ce véritable entrepreneur a opté pour l’optimisme. Il a pris le pari de reconstruire Beyrouth en endettant le pays au risque que cette œuvre ne soit détruite par une aggravation du conflit avec Israël. Et finalement, même si son entreprise a surtout concerné certains quartiers de Beyrouth et si certains peuvent considérer qu’il a négligé d’autres quartiers ou régions (notamment le Sud), l’histoire lui a donné raison, et Beyrouth revit aujourd’hui. C’est cet espoir de reconstruction apparemment brisé qui, selon nous, s’exprime de prime abord dans la révolution rouge et blanche. Un moment, on pouvait se dire que finalement, au Liban rien n’avait changé ! Les leaders politiques semblaient les mêmes qu’aux pires heures du pays. Contrairement à ce que laisse supposer le discours des anciens chefs de guerre, le Liban se doit d’entretenir de bonnes relations avec son principal voisin et son principal partenaire économique, la Syrie. Mais le plus grand défi concerne le rajeunissement de la classe politique libanaise et la remise en cause du multiconfessionnalisme à la libanaise. En effet, la réaction à l’attentat du 14 février a jeté sur le pavé la jeunesse libanaise. L’espoir que celle-ci plaçait en Hariri a été reconverti en sentiment national et indépendantiste. Et tous les observateurs s’accordent à souligner le caractère universel de ce mouvement. Chrétiens et musulmans étaient réunis par l’émotion et par le nouveau combat. Il suffisait de se rendre place des Martyrs au mausolée dédié au Premier ministre défunt pour en prendre la mesure. Et si les membres du Hezbollah et d’Amal ont paru distants vis-à-vis de ce mouvement d’indépendance nationale et de conscientisation politique de la jeunesse, ils y ont en fait contribué en ayant préalablement, par leur résistance active, poussé Israël à se retirer du Liban-Sud. Dès lors, le peuple pouvait réclamer son indépendance face au dernier occupant, la Syrie. Le Liban est donc à l’heure des défis. Et les élections législatives attendues serviront de test ultime de sa maturation politique. À l’image des jeunes qui sont descendus dans la rue, une nouvelle génération d’hommes et de femmes politiques doit pouvoir en émerger, à l’image de ce qu’incarne Rafic Hariri qui était l’un des seuls politiques libanais à ne pas avoir été un chef de guerre dans les années soixante-dix. Au-delà de cette émergence souhaitée, l’autre défi est celui de la laïcité. La révolution rouge et blanche peut marquer, en effet, le dépassement des querelles de clocher. Seul ce dépassement rendra désuètes les tentatives de récupération et fera de la mort de Hariri le mythe fondateur de la nation libanaise, les pèlerinages à la place des Martyrs lui servant de rites. Le Liban constitue à cet égard un véritable laboratoire social pour la France et pour l’Europe en construction. Un laboratoire pour la France à l’heure où, au nom du culturalisme, du communautarisme ou en prônant des pratiques de discrimination positive, certains remettent en cause les fondements laïcs de la République. Et pour l’Europe aussi, tandis que certains plaident pour le non-élargissement à la Turquie en invoquant une fictive et dangereuse identité chrétienne et en oubliant le siècle des lumières. Il faut espérer qu’aujourd’hui, la jeunesse libanaise relève ces nouveaux défis. Thierry LÉVY-TADJINE Enseignant-chercheur à l’Université du Sud-Toulon-Var (laboratoire ERMMES) et au Centre universitaire de technologie franco-libanais de Tripoli

Le peuple libanais et, malgré eux, ses politiques viennent de donner au monde une leçon de sagesse. Pour autant, les épisodes historiques qui sont en jeu sont encore porteurs de défis d’importance pour le pays.
La sagesse du peuple libanais s’est d’abord exprimée dans la réaction populaire saine qui a fait suite à l’assassinat odieux de Rafic Hariri. En manifestant leur...