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Actualités - OPINION

Les lecteurs ont voix au chapitre

Pour eux Place des Martyrs, place de la Liberté. La soixantaine fatiguée, un peu essoufflée et presque étonnée de se trouver là, une dame arrive à petits pas. Elle vient de Hadeth. Une heure plus tôt, elle est sortie de chez elle, seule. Parce qu’elle se devait d’être là. Pour elle, pour ses fils vivant à l’étranger, pour tous ceux réunis sur cette place. « Je suis votre mère à tous, continuez ! » nous dit-elle. Quelques mots maladroits au micro. Des mots du cœur, simples, comme son envie d’être là, comme son invitation aux soldats qui encerclaient la place : « Venez avec moi chabeb ! » Quelques minutes plus tard, quelques mètres plus loin. Un vieux monsieur, 78 ans, costume, cravate, casquette sur la tête et canne à la main, portant le drapeau libanais plus fièrement que toutes les médailles que l’on peut récolter sur les champs de bataille. Il arrive de Batroun. De voiture en voiture jusqu’à Gemmayzé. Le reste du trajet, il l’a fait à pied. Digne, mû par un désir impérieux que les difficultés du trajet ne pouvaient arrêter : « J’ai vécu la première indépendance, je voulais être ici pour la deuxième. » À eux, lueur d’espoir dans une aube blafarde, merci pour le bel exemple qu’ils nous ont donné. Pour eux, anonymes, indépendants, qui n’ont répondu qu’à l’appel de leur libre arbitre, de leur volonté de voir le Liban enfin libre et indépendant. Pour tous ceux qui, comme eux, toutes générations confondues, par leur présence et leur détermination, font que l’espoir deviendra réalité. Pour tous ceux-là, nous nous devions d’y être, d’en être. N. KHEIR Dialogue entre les jeunes Depuis l’assassinat de Rafic Hariri, nos yeux sont braqués sur la télévision pour suivre le mouvement spontané de ces Libanais qui n’ont trouvé que la rue pour s’exprimer. Beaucoup de nos hommes politiques pensent que la rue ne doit pas être le lieu du dialogue mais plutôt le Parlement. Non, messieurs, ces jeunes ne veulent plus de dialogue entre vous. Ces jeunes messieurs veulent dialoguer entre eux. Qu’avez-vous fait pour les unifier ? Trente ans ne suffisent pas pour créer une entente nationale ? Qu’avez-vous fait, Messieurs les représentants de l’État (comme disait Albert Moukheiber), à ces jeunes ? Selon certains, vous vous en êtes servis comme bouclier ; selon d’autres, que vous vous êtes comportés comme un bourreau... Avez-vous pensé un jour ouvrir à ces jeunes au moins une fois vos palais et vos cœurs ? Beaucoup de ces jeunes n’étaient pas encore nés quand les avions syriens ont bombardé le palais de Baabda. Ces jeunes écouteront certainement le patriarche Sfeir dans sa référence à Kipling : « Si tu peux rencontrer triomphe après défaite... Tu seras un homme mon fils. » Charles JAZRA Secrétaire général de l’Ordre des médecins Ne vous fiez à personne Je suis une Canado-Libanaise (Canadienne mariée à un Libanais, Hanna Ibrahim Ghanem, qui a été tué lors des incidents du 5 mai 1983 dans la région du Chouf). Depuis quelque temps je lis L’Orient-Le Jour sur Internet et je suis pas à pas l’évolution de la situation actuelle au Liban. Mon cœur tremble depuis l’assassinat de M. Hariri. Cela me rappelle les événements de février 1973, période où je travaillais à l’ambassade canadienne à Beyrouth et où, suite au décès de Maarouf Saad, tout a basculé. Je souhaite de tout cœur qu’il y ait une entente entre les Libanais. Le Liban est un petit pays que tous les vautours guettent. Libanais, je vous en conjure, votre sort est entre vos mains. Ne vous fiez à personne d’autre qu’à vous-mêmes. Claudette Larrivée GHANEM Au-delà du temps et de l’espace Rafic Hariri échappe à toute classification. Il a fallu un lâche attentat pour réaliser combien il était incontournable, combien il est maintenant presque impossible de le situer dans le temps ou le localiser dans l’espace. Son impact touchait le monde entier, il exerçait un magnétisme sur tous ceux qui l’avaient connu. Mais quel était donc son secret ? Question à laquelle il est difficile de répondre. Oui, Rafic Hariri échappe à toute tentative classique de le cerner. Il restera dans la mémoire collective cette énigme, un phénomène commun aux grands hommes qui ont marqué l’histoire. Claude MISK Agressée Je suis une simple citoyenne libanaise. Je vous écris car j’ai senti le besoin de m’exprimer et surtout de raconter ce qui s’est passé avec moi l’autre soir, vers 20h. En rentrant chez moi, dans la région de Solidere, et après avoir garé ma voiture, un groupe de 6 à 7 jeunes gens se sont précipités sur moi. Ils m’ont insultée ; l’un d’eux brandissait un bâton. Grâce à Dieu, ils se sont contentés des insultes avant de repartir. J’avais besoin de raconter cela à quelqu’un car vraiment, je suis trop énervée, surtout que seule je ne pouvais rien contre eux. Je n’arborais ni drapeau ni calicot, rien qui me désigne comme faisant (ou non) partie de l’opposition. Tala SINNO Le vrai défi Bon, le premier chapitre est terminé, inutile de s’y attarder, d’autant que c’est maintenant que le vrai défi arrive. Après avoir manifesté, le peuple doit s’exprimer, j’entends dans une véritable réflexion politique consensuelle. N’attendez pas que l’on vous donne les bons outils, ils sont mis au panier depuis bien longtemps. Vos consultations populaires (votre place dans la formation du futur Liban), il faut les faire vous-mêmes. Les beaux jours arrivent et il reste un peu de temps avant mai. Pourquoi ne pas plancher sur les programmes politiques de chacun, de les inclure dans un vaste recensement de réflexion populaire (le référendum officieux est une idée à creuser) de façon à ne mettre personne sur la touche, à impliquer chacun dans l’action, pour élaborer un document officiel béton car né de la véritable consultation. Après cela, évidemment, il resterait à l’imposer, ce document, et là, évidemment, il faudra changer d’outil. Toujours avec vous tous. Jacqueline PETMEZAKIS La torpeur secouée Cheikh Rafic, regardez-vous : de par votre décès, vous avez réveillé le monde. Des Amériques, en passant par l’Europe (de l’Atlantique à l’Oural) et le reste du monde civilisé, les gouvernements se réveillent de leur torpeur. De mémoire d’homme, personne n’avait pu mobiliser la conscience internationale, vous l’avez torturée, cette conscience collective, elle a honte, et elle passe à l’acte. Aucune de nos larmes n’aura été versée en vain. Votre rêve d’un Liban unifié et souverain n’est plus un rêve, votre mission et votre vision du Liban et du monde se concrétisent tous les jours. Vous aviez tout donné, et Dieu vous a rappelé à Lui. Reposez en paix, soyez fier de nous, nous ne vous décevrons pas. Désormais, le monde parlera de l’ère d’avant et de celle de l’après-Hariri. Cheikh Rafic, regardez-nous, à notre mesure, nous essayons d’être dignes de votre testament. Vos ennemis, nous leur avons pardonné, comme vous l’auriez fait, tout comme Walid bey l’a fait pour Kamal bey, mais nous n’oublierons jamais le crime. Vous êtes le premier Gandhi de notre nouveau siècle. Jean-Claude DELIFER Montréal - Canada Liberté, démocratie, tolérance Permettez-moi de jouer les rabat-joie au milieu de l’unanimité et de la ferveur romantique qui s’expriment dans vos colonnes et place des Martyrs. Nous vivons dans un pays divisé, et les « murs » qui nous divisent sont culturels et économiques avant d’être religieux. Ceux qui ont manifesté place des Martyrs ont exprimé la pureté de leur passion – passion de la liberté et de la démocratie. Mais ils ont été déçus par la foule qui a déferlé place Riad el-Solh, et cette déception s’est transformée en déni, en rejet, voire en haine. Tiens donc ! N’était-ce pas au nom des valeurs de liberté, de démocratie et de tolérance que nous manifestions ? L’unité nationale qui s’est exprimée à la mort de Hariri doit nous rappeler que nous unissons les valeurs que l’homme a incarnées de son vivant : la tolérance, la générosité, le respect de l’autre. Mais cette mort n’efface pas le fossé culturel et économique. Nous ne comprenons pas les gens de Riad el-Solh. Eux non plus ne nous comprennent pas et la tolérance exige que nous acceptions leur différence. Recherchons avec eux les modalités d’une nouvelle vie en commun au lieu de leur marteler la supériorité de nos valeurs. Très probablement, les Américains vont apporter le changement dans la région et des élections « libres » amèneront une majorité écrasante à l’opposition chrétienne-sunnite-druze. Mais les coalitions sont éphémères, et les vents d’Ouest finissent par retomber. De même que le système d’après-Taëf s’est effondré parce qu’il était inspiré par l’esprit de domination et de revanche, le nouveau système s’effondrera s’il n’est pas inspiré par l’esprit de charité. À l’approche de Pâques et de la commémoration de la Passion, je ne puis m’empêcher de penser à cet enseignement du Christ : « Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu. » Jean RIACHI Dans la cour des grands Il est souvent arrivé, depuis trente ans, de rêver, mais briser ce dernier rêve serait sans retour. Aujourd’hui les jeunes existent, exigent, et ils obtiendront... Depuis le 14 février, les jeunes jouent dans la cour des grands. Depuis le 14 février, ils ont découvert leur drapeau. Depuis le 14 février, ils ont su qu’ils avaient un pays à récupérer et défendre. Depuis le 14 février, ils ont réalisé que ceux qui déplaçaient les pions étaient des nuls. Depuis le 14 février, ils exigent à leur tête des Libanais dignes de ce nom. Depuis le 14 février, ils sont pleins d’espoir, de volonté pour un Liban libre, souverain et surtout indépendant. Depuis le 14 février, ils exigent que chaque grain de sable de cette terre chérie soit à eux, et eux seuls. Depuis le 14 février, enfin, ils ont découvert que la vérité était l’essence même de la vie, et c’est pour cela qu’ils l’exigent. Dounia MEZANNAR Une nouvelle page Que de larmes d’émotion ! Notre hymne national libanais entonné solennellement par tous ces Libanais ! Bravo pour les organisateurs qui ont réussi à dessiner notre merveilleux drapeau à travers des cœurs qui palpitent pour leur Liban. Euronews, CNN, TV5, et j’en passe, ont repris ces images inoubliables. Finalement voilà la nouvelle image que vous donnez de notre Liban. Continuez, ne lâchez pas. Main dans la main, votre chaîne humaine fait parler de vous. Et nous, à l’étranger, nous vivons ces moments intensément, avec l’amertume de ne pas être parmi vous, avec la frustration de ne pas participer activement à cette nouvelle page de l’histoire du Liban que vous gravez. Amal TABET Montréal Ce Liban que j’ai adoré J’ai lu dans votre journal un article concernant mon frère, Alain Couture, qui travaille présentement au Liban en tant qu’attaché militaire près l’ambassade du Canada au Liban et en Syrie. J’ai eu le grand plaisir de visiter ces deux pays l’an dernier. Je consulte votre journal tous les jours depuis ce voyage, que j’ai adoré. J’ai également visité toute la région frontalière. Je garde un excellent souvenir de ce voyage. Il est agréable de voir la reconnaissance de votre journal à l’égard des Canadiens qui y travaillent. Bravo à votre journal ! Jean-Marc COUTURE Canada Une larme sur la terre d’Orient Le pays de mes parents, De mon âme, de mon sang, Est une larme versée sur la terre d’Orient. Jadis une terre objet de toutes les convoitises Aujourd’hui une terre brûlée hypocritement conquise. Le petit Liban au grand cœur s’est laissé berner, Mais ses enfants malgré la douleur jamais ne cesseront de lutter. Je rêve d’avant, Où l’amour et la passion enivraient les amants, Où le délit d’opinion était banni chez les chrétiens comme chez les musulmans. Je rêve d’avant, Où les mille saveurs se mariaient aux mille et une couleurs, Où le printemps amenait la douceur des fruits et la senteur des fleurs. Je suis damné à rêver éternellement : la guerre ayant défiguré le pays de mes parents. Le présent c’est l’attente, La crainte permanente de l’ennemi sous des airs de détente, La tête haute mais le cœur meurtri, Le sourire aux lèvres mais au fond l’âme toujours flétrie. La crainte permanente de l’ennemi sous des airs d’entente, Ils ont tout pris : notre paix, notre liberté et nos hommes les plus courageux Ils n’ont pas compris que cultiver sa différence était un ordre venu des dieux. L’avenir nous appartient, à nous de choisir les clefs de notre destin, Afin de ressusciter la mère patrie et ne pas mourir orphelin. Un drapeau, une union, un hymne, Pour que les crapauds cessent de compter fleurette aux dictatures voisines. Un drapeau, une union, un hymne, Pour que notre peuple souverain cesse de courber l’échine. Seule la force de nos idées sera salvatrice pour que le Grand Liban renaisse de ses ruines. Alexandre MANASTERSKI Paris L’Espoir ! Un bébé vit dans l’Espoir de voir sa mère, de prendre le sein ou le biberon. Un enfant vit dans l’Espoir de recevoir le cadeau qu’il a demandé au Père Noël. Un adolescent vit dans l’Espoir de s’affirmer et de trouver sa voie. Un élève vit dans l’Espoir de réussir son examen, et d’être admis. Un homme et une femme vivent dans l’Espoir de réussir leur vie ! Un malade vit d’Espoir, et se maintient en vie grâce à cela ! Un condamné à mort vit sa dernière seconde avec l’Espoir d’être pardonné ! Ainsi va la vie... on vit d’Espoir D’un Espoir à un autre, D’une étape à une autre... Mais toujours avec l’Espoir qui nous habite, qui nous guide et qui ne nous quitte point. L’Espoir est notre oxygène, le lien qui nous relie à la vie. Sans l’Espoir on n’est plus rien ! L’espoir est notre seule ressource aujourd’hui notre seule prière. L’Espoir est l’étoile qui nous guide vers notre pays. Le Libanais émigré vit d’Espoir : l’espoir de pouvoir revivre dans un pays, où amour, fraternité et partage forment un lien indissoluble entre Libanais. Le Libanais émigré vit d’Espoir : L’espoir de voir ses souvenirs du Liban d’antan redevenir réalité... Ne nous coupez pas ce fil qui nous rattache à la vie. Ne nous coupez pas cet ESPOIR ! Nicole ABDUL-MASSIH Montréal Adressez vos commentaires par fax (01/360390), par lettre (Rubrique Courrier des lecteurs, boîte postale 2488) ou par mail : redaction@lorientlejour.com

Pour eux

Place des Martyrs, place de la Liberté.
La soixantaine fatiguée, un peu essoufflée et presque étonnée de se trouver là, une dame arrive à petits pas.
Elle vient de Hadeth. Une heure plus tôt, elle est sortie de chez elle, seule.
Parce qu’elle se devait d’être là. Pour elle, pour ses fils vivant à l’étranger, pour tous ceux réunis sur cette place.
« Je suis...