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Actualités - OPINION

Vous nous manquez, Monsieur Hariri

Il est des moments dans la vie où l’édifice bâti avec patience et sans répit des années durant s’écroule soudain, sans crier gare. À l’instar de mes compatriotes, j’ai pleuré. Des larmes d’effroi et d’amertume ont creusé de profonds sillons dans mon existence au cours de ce mois interminable. À l’instar de notre cher Liban, je suis toujours abasourdie, refusant de croire que ce rêve que vous avez conçu pour la patrie et qu’on vous a interdit d’achever en vous achevant physiquement vient d’être assassiné par des mains viles, lâches. Ces années d’efforts titanesques, de nuits blanches de labeur à esquisser des desseins d’espoir pour la jeunesse, à élaborer des projets avant-gardistes pour un Beyrouth et un Liban portés vers l’avenir, portant les aspirations d’une génération ouverte, modérée et ambitieuse ; ces années de grandes enjambées vers le progrès, la renaissance et la reconnaissance du Levant-phare du Moyen-Orient ; toutes ces années sont restées inachevées. Ce projet visionnaire, dont, adolescente, je n’arrivais guère à comprendre la visée, étant donné la vive polémique qu’il suscitait, j’en ai saisi l’envergure et l’importance vitale pour l’avenir de notre nation dès que j’ai commencé à y contribuer. Je suis fière d’y avoir participé, d’avoir personnellement connu ce grand humaniste au cœur d’or, d’avoir eu la chance rarissime de sillonner le monde à ses côtés en vue de promouvoir un Liban uni, stable et florissant, et de participer à des conférences internationales où tous les grands de ce monde étaient réunis, dont notamment Paris II à laquelle il tenait énormément vu son importance capitale pour la patrie. Je porterai toujours en moi une pléthore de souvenirs inestimables, je garderai toujours dans mon cœur l’image de ce personnage unique, humain, d’un autre temps, qui avait le talent de voir au-delà de notre regard, de cerner les contours de notre avenir. Replacer le Liban sur la carte des pays-clefs de la planète, reconquérir la confiance du monde dans la résurrection politique, économique et culturelle de Beyrouth, et rallumer une lueur d’espérance dans le cœur de la population avide de paix, de sécurité et de prospérité, tels étaient les grands titres de cet ouvrage de longue haleine. Un ouvrage qui, semble-t-il, déplaisait à certains, ou entravait leurs tentatives de confisquer à jamais la terre des libertés et des lumières. Aussi un complot diabolique non contre un personnage, mais contre tout un univers de valeurs, d’aspirations et de rêves fut-il ourdi. De quel abominable crime ce pays est-il l’auteur pour subir une telle rancœur vengeresse ? Est-ce notre obstination à nous relever à chaque épreuve, sans perdre espoir ni détermination, pour aller de l’avant, reconstruire et revivre, qui vous agace tellement ? Est-ce notre accord commun à pardonner et oublier toutes les horreurs du passé pour vivre ensemble en paix et en harmonie qui vous rend fous de rage ? Est-ce ce gène secret, transmis aux enfants du pays du Cèdre au fil des générations, et qui fait que les Libanais incarnent par eux-mêmes grâce à cet amalgame mystérieux d’ambition, de ténacité et de créativité, leurs ressources les plus précieuses, que vous convoitez désespérément ? Eh bien, vous n’y accéderez jamais. Nul ne saurait usurper une mémoire collective ancrée dans les entrailles d’une patrie, ni étouffer un véritable désir d’union et de fraternité, ni balayer, à coups de semonce, une soif inextinguible de liberté et de souveraineté. Le temps guérit toutes les blessures, dit-on. Peut-être. Mais pour panser cette plaie béante, le temps ne peut s’ériger en unique guérisseur. Les points de suture, nous les ferons à nous-mêmes, en reprenant le flambeau de la reconstruction et du savoir, en larguant nos amarres au seuil de la modernité et du progrès, et en nous unissant pour faire du Liban un exemple de démocratie, de convivialité et d’immortalité. Vous nous avez quittés le jour de l’amour pour vous envoler vers le Dieu Amour. Un mois s’est écoulé depuis, un mois jalonné de grands bouleversements durant lequel votre patrie a enfilé les couleurs du sang, de la paix et de la vérité. Cette torche vivante qui illumine sans relâche le ciel de Beyrouth que vous avez aimé passionnément, en quête de liberté, de souveraineté et d’indépendance, et à la recherche de la vérité, n’abandonnera pas ses rêves ; ces rêves dont vous avez semé les germes de votre vivant et que vous avez libérés par votre martyre. Fida KHALIFÉ Bureau de presse international du président martyr Rafic Hariri

Il est des moments dans la vie où l’édifice bâti avec patience et sans répit des années durant s’écroule soudain, sans crier gare. À l’instar de mes compatriotes, j’ai pleuré. Des larmes d’effroi et d’amertume ont creusé de profonds sillons dans mon existence au cours de ce mois interminable. À l’instar de notre cher Liban, je suis toujours abasourdie, refusant de croire...