Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

En Dents De Scie L’homme du moment

Dixième semaine de 2005 (J+26). Le Hezbollah bénéficiait, jusqu’au mardi 8 mars, d’un capital sympathie considérable au sein de la totalité de la population libanaise. Sachant évidemment que ce n’étaient ni les options politiques privilégiées par le parti de Dieu, ni son positionnement en marge de l’État, ni sa singularisation exacerbée, ni cet armement qu’il voudrait pérenne, ni sa volonté, encouragée ou pas par quelques-uns des acteurs régionaux, de soutenir l’intifada palestinienne malgré le refus poli de l’Autorité elle-même, qui faisaient l’unanimité, surtout au lendemain du retrait israélien. Ce qui fédérait les Libanais autour du Hezb, c’était quelque chose qui ressemblait à de la gratitude – gratitude pour une contribution exceptionnelle à la libération de tout le territoire national, pour les sacrifices consentis par ses hommes, pour ce sang versé, venu s’ajouter à celui de près de 150 000 citoyens morts pendant quinze ans de guerre. Ce qui fédérait les Libanais autour du Hezb, c’était l’accomplissement, l’aboutissement d’un combat collectif, auquel chacun a participé, à sa manière, avec ses moyens ; c’était cet être-ensemble. Après trois semaines durant lesquelles un nombre impressionnant de Libanais – de loin supérieur à ceux recensés un seul jour à Riad el-Solh, si l’on veut jouer le dangereux jeu arithmétique du pouvoir – se sont retrouvés place des Martyrs, une fois, trois fois, vingt fois, le Hezbollah a décidé d’organiser une contre-manifestation. Sachant que lorsqu’un mouvement de résistance organise le moindre événement, sa logisitque, sa capacité d’embrigadement et sa discipline de fer contagieuse sont imparables, indépendamment du point de savoir si les Libanais qui se sont retrouvés place Riad el-Solh l’ont fait spontanément ou volontairement. Ainsi, le 8 mars 2005, le Hezbollah, par la forme mais aussi par le fond, a tout simplement rompu le doux sortilège qui le liait à l’ensemble des Libanais ; de l’équivalent d’un Jean Moulin couleur cèdre, symbole de tout un peuple, il est passé au simple statut de « fraction ». À quelque chose malheur est bon : le Hezbollah a entamé le 8 mars son processus d’intégration interne dans la foule des partis, courants, mouvements et autres formations libanaises ; il est désormais, et pour toujours, au même niveau qu’eux. L’étalage musculaire à la place Riad el-Solh a également témoigné de la faillibilité d’un homme dont tous s’accordaient à applaudir la très haute intelligence politique. L’objectif de Hassan Nasrallah était louable, d’autant que toute l’opposition, à commencer par Walid Joumblatt, n’a eu de cesse que de souhaiter aux troupes syriennes une sortie « honorable » ; sauf que le secrétaire général du Hezb, sans doute impressionné d’avoir à ce point éclipsé ce jour-là, les Émile Lahoud, Nabih Berry et autres Omar Karamé, s’est noyé dans de très petits calculs, diluant ainsi une partie considérable de sa crédibilité. Qui aurait cru qu’il s’en prendrait ainsi à un ami premier des Arabes, à celui qui, aux côtés hier de Rafic Hariri, aujourd’hui de l’opposition, s’est battu pour ne pas inscrire le Hezbollah sur la liste noire européenne : Jacques Chirac ? Qui aurait cru qu’il allait abonder, contre tout bon sens, dans ces stupides, risibles et désormais inadmissibles accusations de traîtrise et de collaboration avec Israël, identiques à celles que multipliaient plusieurs ministres aujourd’hui heureusement démissionnaires quelques jours avant l’assassinat de Rafic Hariri ? Qui aurait cru qu’il aurait la mauvaise idée de se lancer dans des histoires de majorité et de minorité, lui qui multiplie, à sa décharge, les appels à la paix civile, à la coexistence et à l’intégrité du tissu libanais ; lui qui a eu tout le loisir de mesurer l’étendue de la synergie transconfessionnelle et quotidienne place des Martyrs ? Qui aurait cru que Hassan Nasrallah, dont la formation n’a jamais accordé sa confiance à quelque Exécutif que ce soit, tiendrait le même discours que la troïka-pupille libanaise et abonder dans des appels au dialogue qu’il sait stériles d’avance ? Qui aurait cru que ce sayyed, dont le flair politique, dit-on, est redoutable, n’allait pas entendre les allusions de David Satterfield, confirmées plusieurs jours après par le New York Times et par les démentis US officiels, sur la volonté américaine de se ranger sur les positions européennes, elles-mêmes confortées par le lobbying du Bristol : le désarmement du Hezb doit être réglé par les Libanais entre eux ; le reste de la 1559 étant ainsi non négociable ? Littéralement déchiré entre ses obédiences syrienne et iranienne, Hassan Nasralllah, dont l’intégrité est au moins égale à celle, irréprochable, de ses députés, dont le mépris à l’encontre des mafias est connu de tous, sait bien pourtant que libération et souveraineté sont les deux facettes, indissociables, d’un même combat ; que cette souveraineté ne peut être recouvrée sans un retrait syrien total et complet. Et sachant que tous les Libanais veulent que leur pays soit le dernier à signer la paix avec Israël, Hassan Nasrallah devrait impérativement aller faire un voyage à Belfast, et apprendre du Sinn Féin ; se convaincre que ce n’est que politiquement, et exclusivement, qu’il sera réellement fort. Ziyad MAKHOUL
Dixième semaine de 2005 (J+26).
Le Hezbollah bénéficiait, jusqu’au mardi 8 mars, d’un capital sympathie considérable au sein de la totalité de la population libanaise. Sachant évidemment que ce n’étaient ni les options politiques privilégiées par le parti de Dieu, ni son positionnement en marge de l’État, ni sa singularisation exacerbée, ni cet armement qu’il voudrait...