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Actualités - OPINION

L’épée du dialogue

On prend les mêmes et on recommence. « Le Liban n’est ni l’Ukraine ni la Géorgie, le Liban est le Liban. » Mardi, place Riad el-Solh, sayyed Hassan Nasrallah ne croyait pas si bien dire. Le Liban tel qu’il l’appelle de ses vœux, le Liban du dialogue auquel il aspire se concrétiserait aujourd’hui en la personne de Omar Karamé. Homme du passé, homme d’un avenir incertain, le voilà réinvesti par les députés de la même mission qui l’avait mené dix jours plus tôt vers la porte de sortie. Il s’en était allé anéanti, la tête basse, accablé par le poids de l’opprobre; le voilà qui revient, sans se presser, adoubé par une majorité parlementaire plus que jamais au fait des intentions syriennes. Samedi, devant le Parlement, réuni en séance extraordinaire, Bachar el-Assad avait donné la consigne : la Syrie retire son armée du Liban conformément à l’accord de Taëf et en application de la 1559, mais son rôle politique au pays du Cèdre n’en sera que plus renforcé. Trois jours plus tard, le même message est relayé par sayyed Hassan Nasrallah, non plus à partir de la banlieue sud, mais du cœur même de Beyrouth, une présence forte, exceptionnelle, pour donner au discours le potentiel d’avertissement que l’appel au dialogue pouvait reléguer au second plan. La Syrie sort donc du Liban par la fenêtre militaire, mais revient en force par la porte politique, empruntant la voie déblayée, mardi, par le Hezbollah. Le discours de Hassan Nasrallah comportait en effet deux points forts : l’appel au dialogue, mais à partir d’une position de force clairement affichée, et surtout la réaffirmation du « rôle historique » joué par la Syrie au Liban : un hommage appuyé, dithyrambique, des centaines de milliers de manifestants s’époumonant à crier leur fidélité à Bachar el-Assad. Cet aspect formel de la manifestation n’est certainement pas à négliger, le régime baassiste ayant été humilié tout au long de « l’intifada de l’indépendance », les images et les slogans de « Syrie dehors » envahissant les foyers syriens par chaînes câblées interposées. La Syrie, pourrait-on dire, plie mais ne rompt pas. Elle souscrit à la 1559, mais s’accroche à la carte politique que lui cèdent complaisamment ses alliés libanais. Omar Karamé reviendrait donc, ouvrant la voie à une nouvelle crise faite de défis et de provocations. Conséquente avec elle-même, l’opposition a refusé de participer aux consultations. Y participer n’aurait nullement modifié l’équation et aurait légitimé une procédure entachée de vice de forme depuis l’assassinat de Rafic Hariri. La vérité sur le meurtre, la révocation des responsables sécuritaires, un calendrier pour le retrait total des forces syriennes : voilà le cahier des charges de l’opposition dont le chef de l’État a refusé de prendre livraison et dont devra tenir compte l’effendi s’il veut éviter de nouveaux soubresauts similaires à ceux qui ont abouti à son départ précipité. Karamé, dit-on, n’est pas prêt à subir une nouvelle humiliation et poserait des conditions pour former le nouveau gouvernement. Si sa mission s’avérait impossible, il se récuserait. Mais a-t-il les coudées franches, est-il vraiment libre de ses décisions ? Ses prestations passées ont donné la preuve du contraire. Le verdict de la rue, une fois de plus ? Un engrenage dont on ne sort plus et auquel le Hezbollah a donné mardi une dimension nouvelle ? Demain à Tripoli, dimanche à Nabatiyé, lundi à la place des Martyrs, un autre jour, peut-être, place Riad el-Solh ? Est-ce là le dialogue auquel aspirent tous les Libanais ? Le Hezbollah, devenu interlocuteur incontournable, se doit de dépasser le discours purement « résistant », de s’intégrer dans une logique nouvelle éliminant toute accusation, à la limite de la démagogie. Finissons-en de l’épouvantail du 17 mai. Arrêtons ces suspicions qui sont autant d’insultes aux Libanais qui crient tous les jours « Liberté, souveraineté, indépendance ». Moubarak, Abdallah II, des États du Golfe, du Maghreb, tous entretiennent des relations avec Israël. Bachar el-Assad les traite-t-il pour autant de traîtres ? L’Autorité palestinienne négocie avec Israël, avec le feu vert du Hamas et du Jihad, sayyed Hassan Nasrallah les qualifie-t-il de « vendus aux sionistes » ? L’opposition libanaise dans toutes ses composantes le martèle tous les jours, un matraquage incessant pour qu’on l’écoute dans la banlieue sud, à Damas, dans les capitales occidentales : « Le Liban sera le dernier pays arabe à signer la paix avec Israël. » Alors de grâce, finissons-en de ces appels au dialogue couplés d’avertissements anachroniques. Un nouveau pacte national attend tous les Libanais, et la communauté chiite en sera l’un des principaux moteurs. Ne passons pas à côté de l’histoire. Elle ne nous le pardonnera pas. Nagib AOUN

On prend les mêmes et on recommence. « Le Liban n’est ni l’Ukraine ni la Géorgie, le Liban est le Liban. » Mardi, place Riad el-Solh, sayyed Hassan Nasrallah ne croyait pas si bien dire. Le Liban tel qu’il l’appelle de ses vœux, le Liban du dialogue auquel il aspire se concrétiserait aujourd’hui en la personne de Omar Karamé. Homme du passé, homme d’un avenir incertain, le...