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Actualités - CHRONOLOGIE

LIBAN-SYRIE - Réunion du haut comité libano-syrien hier à Damas, sous la présidence de Lahoud et Assad Repli vers la Békaa avant fin mars, puis un mois pour établir un calendrier de retrait total (Photo)

Le moment est historique, même si le communiqué officiel semble décevant. Près de trente ans après leur entrée officielle au Liban, les troupes syriennes doivent tout officiellement s’en retirer, conformément à l’accord de Taëf. Aucune date n’est fixée pour leur départ définitif, mais de l’avis de tous ceux qui ont suivi la réunion du haut comité libano-syrien, présidée, hier à Damas, par les chefs d’État libanais et syrien, le processus est déclenché et quasiment irréversible : repli vers la Békaa d’ici à fin mars, et les autorités des deux pays auront ensuite un mois pour fixer la date du retrait total au-delà des frontières libanaises. Ce n’est donc plus qu’une question de mois, une échéance inévitable, même si le côté syrien espère sans doute gagner du temps jusqu’au prochain rapport du secrétaire général des Nations unies sur l’application de la 1559, prévu début avril, puis jusqu’aux élections législatives prévues le même mois. Le Liban et la Syrie ouvrent donc une nouvelle phase de leur histoire. Et la musique de la fanfare militaire syrienne, interprétée en présence des officiels libanais et syriens, n’a pas totalement étouffé les cris des manifestants à Beyrouth... Cette réunion du haut comité libano-syrien, on en parlait depuis longtemps. Mais il a fallu les derniers développements sur les scènes libanaise et internationale pour qu’elle devienne un rendez-vous concret. Départ matinal donc pour les journalistes libanais vers le « Palais du peuple », immense et isolé sur la colline surplombant Damas. Formalités allégées et traitement de faveur, les journalistes libanais ont été accueillis avec le sourire par des hôtesses aimables et modernes. Leurs confrères syriens étaient déjà là, en grand nombre, pour bien souligner l’importance de l’événement. Mais là, l’accueil était plus frileux et très vite l’amertume a commencé à transparaître dans leurs remarques. Les critiques des journalistes syriens En fait, les journalistes syriens suivent attentivement ce qui se passe à Beyrouth et ne se privent pas de commenter les manifestations successives, ironisant sur certains détails et laissant, à d’autres moments, transparaître leur inquiétude pour l’avenir. Ils évoquent aussi l’opposition au sein de leur propre pays. Ce qui est tout de même un signe de changement en Syrie même. L’un d’eux raconte que depuis deux semaines, la frontière syro-libanaise connaît un trafic sans précédent du côté des arrivants vers la Syrie. D’autres expriment leur étonnement face à l’hostilité à l’égard de la Syrie affichée par les manifestants. Ils semblent même tomber des nues, comme si, durant toutes ces années, ils étaient convaincus que les relations étaient excellentes entre les deux pays et les deux peuples. Pour eux, les images rapportées par les télévisions, c’est presque de la fiction. Comme d’ailleurs peut paraître surréaliste, pour un journaliste libanais, l’atmosphère qui règne au « Palais du peuple »... Tout le palais est d’ailleurs étrange, dans son gigantisme, ses longs couloirs de marbre et son architecture géométrique. Selon un journaliste, Rafic Hariri aurait contribué à sa construction, notamment en important du marbre d’Italie, alors qu’il aurait entièrement fait construire le « Palais Techrine », où résident actuellement le président syrien et sa famille. « Le Palais du peuple » est donc en quelque sorte le lieu de travail du président syrien, Bachar el-Assad. Depuis quelque temps, il n’accueille plus ses visiteurs étrangers à la frontière ou à l’aéroport, réservant l’accueil officiel et protocolaire à l’entrée du palais. Les remerciements d’Émile Lahoud C’est donc là qu’il donne l’accolade au président libanais, Émile Lahoud, venu en compagnie du président de la Chambre, Nabih Berry, du Premier ministre démissionnaire, Omar Karamé, du vice-président du Conseil, Issam Farès, et du ministre des AE, Mahmoud Hammoud. Côté syrien, il y avait aussi le président du Conseil du peuple, Mahmoud el-Abrache, le Premier ministre, Naji Otri, le ministre des AE, Farouk el-Chareh, et le vice-ministre Walid Moallem. L’accueil officiel, avec les hymnes nationaux et le passage en revue de la garde prétorienne, terminé, la réunion de travail commence aussitôt. Selon des sources officielles libanaises, le président Émile Lahoud commence par remercier Bachar el-Assad pour la contribution de la Syrie à la consolidation de la paix civile au Liban. Lahoud rend aussi hommage aux victimes militaires syriennes tombées au Liban, et qui ont aidé ce pays à éviter la partition, à s’unifier et à affronter tous les défis. Selon le président libanais, les relations libano-syriennes resteront fraternelles car elles sont enracinées dans l’histoire et la géographie. Il insiste aussi sur le fait que le traité de fraternité et de coopération signé entre les deux pays en 1991 doit être le cadre qui gère les relations entre eux et il faut donc le dynamiser. Enfin, il précise que les positions du Liban et de la Syrie resteront unifiées face aux défis actuels. Dynamisation du traité de fraternité et de coopération Le ton est ainsi donné et la parade trouvée. L’accord de Taëf bientôt appliqué, dans son volet concernant la présence syrienne en tout cas, ce sera désormais le traité de fraternité et de coopération qui gérera les relations entre les deux pays. Quatorze ans après sa signature, sous le mandat d’Élias Hraoui, ce traité revient à l’ordre du jour et les deux parties se sont entendues pour le dynamiser et réactiver toutes les commissions prévues dans ses statuts. D’ailleurs, pour bien montrer qu’il s’agit désormais d’institutionnaliser les relations entre les deux pays, c’est le secrétaire général du haut comité libano-syrien, Nasri Khoury, qui lit le communiqué final. Haussant le ton au bon moment, M. Khoury attire l’attention des journalistes sur les points importants du communiqué : « Les deux pays sont d’accord pour consolider et renforcer leur coopération et leur coordination et pour appliquer les accords déjà signés de manière précise et transparente. Tout comme ils se sont engagés à traiter tout problème et toute lacune qui pourrait entraver ce processus dans le cadre des institutions communes. (...) Les deux pays se sont engagés à respecter l’accord de Taëf et affirment respecter toutes les résolutions internationales, notamment la 1559. » Sur le plan concret, le haut comité, « conformément à l’accord de Taëf et à l’article 4 du traité ainsi que dans le respect de la Charte des Nations unies et des résolutions internationales, a décidé de retirer les troupes syriennes présentes au Liban vers la Békaa, sur la ligne de Dahr el-Baïdar-Hammana-Aïn-Dara, avant la fin du mois de mars. Le comité militaire conjoint (formé du côté libanais des généraux Hassan Mohsen, Marwan Bitar et Imad Alka) se réunira ensuite dans un délai d’un mois à partir de la fin de la première étape du retrait pour fixer la durée du maintien des troupes syriennes dans la Békaa et leur relation avec les autorités libanaises. À l’expiration de ce délai, les deux gouvernements s’entendront pour le retrait de toutes les troupes syriennes du Liban ». La lecture loyaliste Ce n’est donc pas le calendrier exigé par l’opposition, mais c’est peut-être un début. La première réaction des journalistes libanais présents a été la déception, face au manque de précision du communiqué, estimé en deçà des exigences de la communauté internationale et des revendications de la rue opposante. Mais des sources loyalistes ont une tout autre lecture. Selon elles, le président syrien s’est officiellement engagé à retirer ses troupes du Liban, dans son discours devant le Parlement syrien. Et il tiendra parole. Il a d’ailleurs lui-même déclaré à une revue américaine: « Je ne suis pas Saddam Hussein », pour bien montrer sa détermination à coopérer avec la communauté internationale. Il a d’ailleurs bien minuté, avec les autorités libanaises, la réunion du haut comité conjoint, afin que la décision soit annoncée avant la visite de l’émissaire de l’Onu à Beyrouth et Damas, vendredi et samedi, et avant le sommet arabe prévu à la fin du mois. Il pourra ainsi leur présenter une initiative concrète, tout en gardant encore une carte entre les mains, celle du retrait définitif, qui selon les mêmes sources, aura lieu immanquablement. Mais le côté syrien préférerait sans doute qu’il se déroule après les élections législatives libanaises, prévues en principe à partir du 17 avril, et après le rapport du secrétaire général des Nations unies sur l’application de la 1559, prévu lui aussi en avril. Selon les sources loyalistes, la résolution 1559 exige certes un retrait total mais ne prévoit pas un mécanisme pour cela. C’est pourquoi les autorités libanaises et syriennes ont décidé de s’en tenir au mécanisme prévu par l’accord de Taëf. Mais l’enjeu principal reste donc les élections législatives et aussi bien le camp des pro que celui des antisyriens espère les remporter. Pour l’instant, les deux parties considèrent qu’il est de leur intérêt qu’elles se déroulent à la date prévue. Mais les choses vont désormais si vite, que la seule chose sûre, c’est que d’ici là, les Syriens se seront repliés vers la Békaa. À cet égard, des sources diplomatiques indiquent que les autorités syriennes souhaiteraient obtenir un nouveau délai de six mois de l’Onu, pour compléter leur retrait. Elles auraient ainsi totalement appliqué la résolution 1559, dans son volet concernant le retrait des forces étrangères d’ici à octobre. Les mêmes sources indiquent que la France ne serait pas totalement opposée à un tel délai, mais la position des États-Unis reste une inconnue. L’Administration de George W. Bush a insisté sur le retrait immédiat des troupes syriennes pour favoriser la tenue d’élections libres au Liban. Mais elle pourrait peut-être accepter dans un premier temps un repli syrien vers la Békaa, avec des garanties sur la cessation de l’intervention de Damas dans les affaires libanaises. En tout cas, il semble évident que l’influence de la Syrie au Liban va diminuer et les questions sérieuses commenceront alors à se poser aux Libanais : sauront-ils gérer leurs différences ? Une question qui mérite qu’on s’y arrête. Même si, pour l’instant, le spectacle des premiers camions syriens en route vers Masnaa, chargés de soldats tristes et d’équipements usés, a pris le pas sur toute autre considération. Scarlett HADDAD
Le moment est historique, même si le communiqué officiel semble décevant. Près de trente ans après leur entrée officielle au Liban, les troupes syriennes doivent tout officiellement s’en retirer, conformément à l’accord de Taëf. Aucune date n’est fixée pour leur départ définitif, mais de l’avis de tous ceux qui ont suivi la réunion du haut comité libano-syrien, présidée,...