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Vient de paraître - « La braise et la cendre » de Hisham Sharabi, avec une préface de Ghassan Tuéni Une génération prise de court par l’histoire (photo)

La braise et la cendre de l’essayiste et philosophe palestinien Hisham Sharabi ne laissera pas indifférent (*). Largement autobiographique, l’ouvrage se présente comme le « parcours intellectuel » d’un homme dont les livres ont été autant de jalons dans l’histoire d’une génération. Préfacé par Ghassan Tuéni, il porte en exergue une éloquente phrase de Thomas Mann : « L’individu ne vit pas seulement sa vie personnelle, mais aussi celle de son époque et de sa génération. » Hisham Sharabi fait partie de cette pléiade d’intellectuels palestiniens «libanais d’adoption », dit Ghassan Tuéni, qui ont vécu le déchirement de la patrie perdue, de l’exil à la fois physique et mental, d’une histoire qui leur a échappé et sur laquelle la seule prise qui leur est restée est celle de la lucidité, de la critique et de l’espoir fou que tout intellectuel place dans la vie des idées, dans leur cheminement obscur dans les consciences, vers la lumière d’une justice que l’histoire leur rendra. Son nom figure à côté de ceux de Walid Khalidi, Fayez Sayegh, Tarif Khalidy et Edward Saïd, comme témoin d’une génération à la fois brillante intellectuellement et désenchantée. Né à Jaffa en 1927, dans une famille aisée, Sharabi, après des études universitaires à l’AUB, a quitté la Palestine, par l’aéroport de Lod, en décembre 1947, pour les États-Unis, où il devait poursuivre ses études de philosophie. Et d’une certaine façon, tout le drame de sa vie est inscrit dans cette date. Il le sait et le dit : « Je me demande aujourd’hui, alors que j’écris ces mots, de nombreuses années plus tard, comment nous avons pu quitter notre pays alors qu’il était en guerre et que les juifs s’apprêtaient à n’en faire qu’une bouchée. » La vie de Sharabi sera désormais celle d’un homme pris de court par l’histoire, et qui tentera en vain de la rejoindre, notamment par le biais d’un engagement politique au sein du Parti syrien national social, connu alors comme le Parti populaire syrien. L’ouvrage est un poignant témoignage du rêve d’Antoun Saadé, dont Sharabi deviendra le collaborateur le plus intime. Un rêve fou et aujourd’hui dépassé, que Saadé a quand même eu la dignité de sceller de son sang, devant le peloton d’exécution. Un rêve auquel Sharabi finira par renoncer, après l’exécution de Saadé, en même temps qu’à la philosophie de la violence. La braise et la cendre s’achève sur le récit de l’exécution du « zaïm » par les autorités libanaises, tel que rapporté par un témoin et publié par le quotidien an-Nahar, le 9 juin 1949. « Je considère que le gouvernement libanais a monté une vaste conjuration contre moi et contre mon parti, mais moi je porte sur ceux qui ont comploté contre moi, sur ceux qui m’ont condamné à mort et sur ceux qui vont m’exécuter un regard de mépris », furent ses dernières paroles. Le monde, comme objet de discours Le drame de la Palestine, partie de la Grande Syrie pour Sharabi, n’a pas d’exemple. Comment une génération passe à côté de l’histoire constitue la grande interrogation de l’ouvrage : « Le monde nous paraissait comme un objet de discours, comme un concept, non comme un champ d’action et de réalisations concrètes. Comme s’il nous suffisait d’aimer notre patrie de tout notre cœur, nous rêvions pour elle d’un avenir national grandiose, sans que cela n’engage rien d’autre que notre sincérité », écrit l’auteur. Pour expliquer ce destin, Sharabi scrute ses années d’université et la formation qu’il a reçue dans le Beyrouth des années 47-49, réglant au passage, et parfois méchamment, des comptes avec ses anciens professeurs, les programmes, la transmission hautaine du savoir, et même la raison d’être de l’université, décrivant par ailleurs les mœurs estudiantines familières à tous ceux qui ont fréquenté l’AUB et les cafés de la rue Bliss. Ces années-là sont vues avec le regard de l’assurance intellectuelle, par ailleurs discutable, puisque bâtie sur la relativité de la vérité, acquise par Sharabi à l’Université Georgetown de Washington, où il sera professeur émérite de la pensée européenne contemporaine. Le procès de l’éducation universitaire qu’il a reçue garde quand même une valeur exemplaire, dans la mesure où cette éducation continue de produire des Occidentaux manqués, en déphasage par rapport à leur société et à son histoire. Défilent aussi dans l’ouvrage de nombreuses figures connues ou anonymes, dont les destins ont marqué la vie de l’auteur. Ces pages sont d’intérêt inégal et desservies, par moments, par des faiblesses de traduction. Il faut donc se dire que l’intérêt du livre est dans le témoignage, non dans le style. Il n’est pas indifférent de savoir que Sharabi a tenté, en 1975, de rentrer s’installer définitivement au Liban. Mais le permis de séjour lui fut refusé. Revenu après la guerre, Sharabi y est décédé le 13 janvier dernier, laissant derrière lui, au-delà de La braise et la cendre, une quarantaine d’ouvrages consacrés non seulement à la défense de la question palestinienne et à son exégèse, mais aussi, mais surtout à la critique souvent amère du destin des intellectuels arabes. Son ouvrage autobiographique est, en un sens, toujours selon les mots de Tuéni, « l’histoire d’une révolution qui aurait dû changer le monde arabe, mais que ses intellectuels ont manquée ». Fady NOUN (*) « La braise et la cendre », Hisham Sharabi, préface de Ghassan Tuéni, L’Harmattan, 22,50 euros. Également traduit en français, Le néopatriarcat, Mercure de France, 1996.

La braise et la cendre de l’essayiste et philosophe palestinien Hisham Sharabi ne laissera pas indifférent (*). Largement autobiographique, l’ouvrage se présente comme le « parcours intellectuel » d’un homme dont les livres ont été autant de jalons dans l’histoire d’une génération. Préfacé par Ghassan Tuéni, il porte en exergue une éloquente phrase de Thomas Mann : «...