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Actualités - ANALYSE

Perspectives Le Hezbollah franchit le Rubicon, accentuant la bipolarisation de la scène locale Traqué de toutes parts, Damas modifie les règles du jeu pour s’accrocher à la carte libanaise

Modifier ses règles du jeu afin de ne pas relâcher son emprise (politique) sur le Liban. Telle paraît être la nouvelle approche du régime syrien sur la scène libanaise. Traqué de toutes parts, soumis aux pressions conjuguées du Conseil de sécurité, des États-Unis et de l’Union européenne, lâché tout récemment par la Russie, l’Arabie saoudite et l’Égypte, Damas tente de céder sur la forme, ou plutôt sur les moyens, sans rien changer quant au fond. Le repli vers la Békaa se fera ainsi incessamment, mais il n’était pas clair, jusqu’à hier soir, si le haut comité qui se réunira aujourd’hui sur les bords du Barada apportera des réponses précises aux deux questions fondamentales qui sont sur toutes les lèvres : quand le tour de la Békaa viendra-t-il ? Le retrait englobera-t-il la structure des services de renseignements, ou d’une manière plus précise, ces forces de l’ombre continueront-elles malgré tout, de façon plus discrète, à télécommander la vie politique et à noyauter l’appareil étatique ainsi que les différents secteurs publics ? Les prochains jours permettront peut-être de lever l’incertitude sur ce plan. Il reste que le résultat de la réunion des personnalités et partis prosyriens, hier après-midi, et les propos du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, au terme de la rencontre, préfigurent d’ores et déjà la phase nouvelle dans laquelle le pays semble s’être s’engagé. Pour compenser les acquis que représentaient pour elle sa présence militaire et l’action menée ouvertement par ses services, la Syrie pourrait se rabattre sur une méthode d’intervention plus subtile : pousser des fractions libanaises à monter au créneau pour la soutenir dans son bras de fer avec la communauté internationale, lui permettant par le fait même de s’accrocher à la carte du Liban. Ses instruments locaux traditionnels ne faisant nullement le poids, c’est essentiellement au Hezbollah qu’incombe cette tâche. Rien d’étonnant, par voie de conséquence, que Hassan Nasrallah ait arraché l’initiative à Nabih Berry, convoquant les partis prosyriens à une réunion qui, dans les faits, a constitué en quelque sorte un substitut plus musclé à la rencontre de Aïn el-Tiné, initiée par le chef du Législatif. Après une période de flottement au cours de laquelle il a paru vouloir éviter de s’opposer de front à l’opposition plurielle du Bristol, le Hezbollah a franchi hier le Rubicon. Invitant ses partisans à participer à des rassemblements populaires à partir de demain, mardi, sayyed Nasrallah a annoncé d’emblée la couleur en plaçant son action sous le signe de la solidarité avec Damas et du rejet de la politique américano-française au Liban. Le Hezbollah joue aujourd’hui sa survie non pas en tant que parti politique (nul ne lui conteste ce rôle) mais plutôt en tant que mouvement de « résistance » armée dont la raison d’être (le slogan de la lutte contre Israël) est menacée par la résolution 1559. Dans ce combat, le parti intégriste a naturellement besoin de la Syrie. Et vice-versa, Damas a plus que jamais besoin du Hezbollah s’il veut éviter de perdre définitivement la carte libanaise. Pour mener cette lutte commune en vue de leur survie respective, le régime syrien et le parti intégriste pourront à l’évidence compter sur l’apport (marginal) des fractions susceptibles d’être lésées, pour des raisons diverses, par un déclin de la tutelle syrienne sur le Liban. La semaine qui s’ouvre consacrera donc la bipolarisation de la scène politique locale sous l’impulsion de la Syrie qui, une fois de plus (comme c’est le cas depuis trente ans), riposte en terrain libanais aux pressions auxquelles elle est soumise. À court terme, cette radicalisation de l’axe Damas-Hezbollah ne peut qu’accroître la tension et augmenter les risques de dérapage, ce qui permettrait sans doute à ces deux alliés objectifs de marquer des points dans les jours ou les semaines qui viennent. Mais à moyen terme, aussi bien la Syrie que le parti intégriste mènent en définitive un combat d’arrière-garde. Le monde n’est plus ce qu’il était dans les années 60 et 70. Une dynamique de changement est en marche dans la région. Au plan strictement libanais, les politiques américaine et européenne, plus particulièrement française, sont totalement en phase et une réalité nouvelle est apparue dans le pays avec l’émergence de l’opposition plurielle. D’un point de vue géopolitique global, le courant libanais indépendantiste et souverainiste a le vent en poupe. Le tout est de savoir s’organiser, faire preuve d’imagination, pour entretenir la mobilisation. Et, surtout, préserver l’unité des rangs. Michel TOUMA

Modifier ses règles du jeu afin de ne pas relâcher son emprise (politique) sur le Liban. Telle paraît être la nouvelle approche du régime syrien sur la scène libanaise. Traqué de toutes parts, soumis aux pressions conjuguées du Conseil de sécurité, des États-Unis et de l’Union européenne, lâché tout récemment par la Russie, l’Arabie saoudite et l’Égypte, Damas tente de...