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Actualités - OPINION

Le Liban de demain sera-t-il viable ou dilué ?

Par Salim F. DAHDAH Si la connaissance est la «substantifique moelle» de l’évolution humaine, la pratique et l’expérience sont les moyens les plus sûrs et les plus pragmatiques pour assurer sa bonne réalisation et son épanouissement vrai. Mais au-delà de ces considérations, il y a une évidence sous-jacente à laquelle il faut se rendre, sans quoi aucune action ne peut être envisagée, s’entend par là, la volonté individuelle et sociale d’entreprendre(1). En passant au crible une tranche de temps courte mais emblématique de notre vie nationale, et en prenant pour échantillon la période avant, pendant et après la dernière campagne présidentielle, force est de constater, au vu des événements et des prises de position vécus durant ce laps de temps, que ce petit pays, quoique faible, vulnérable et démuni, reste quand même riche par sa diversité humaine et sa pluralité culturelle, grand par sa capacité de lutter au quotidien, pour l’élargissement de ses espaces de liberté et de démocratie. Au-delà en effet des défis personnels et individuels, il y a quand même une constante historique irréversible et incontournable, à savoir qu’aucune force ne pourra jamais atténuer ou étancher la soif d’indépendance et de souveraineté d’un peuple, même si certaines parties de sa population affichent, avec des convictions équivoques, leur attachement à telles ou telles références extérieures, fussent-elles orientales ou occidentales. À travers donc des conjonctures et des périodes diverses, cette attitude s’est régulièrement manifestée, au sein d’une majorité écrasante de la population, confirmant ainsi son souhait profond et réel, voire viscéral, de défendre ses valeurs démocratiques et ses acquis républicains, mais à des degrés d’intensité, d’expression et d’orientation différents. Cette attitude permet de croire que, consciemment ou inconsciemment, les citoyens de ce pays pourraient, une fois affranchis de tous les types d’occupation, adhérer à l’idée d’une restructuration politique, économique, sociale et culturelle de leur univers national. Pour ce faire, il leur faudra utiliser les moyens et les paramètres de référence adéquats pour assurer la comptabilité nécessaire en vue d’aboutir à un dialogue objectif et transparent entre toutes les couches de la société et le pouvoir politique en place au moment de cette démarche. Mais affirmer que la seule volonté d’entreprendre est, dans l’absolu, suffisante pour mettre en place ce grand chantier serait une erreur. Rebâtir, restaurer et développer les structures d’un État exige en sus de cela une lecture objective et une analyse approfondie de ses besoins, de ses moyens, de sa stratégie et de l’ensemble des buts à atteindre à court, moyen et long terme. C’est aussi et surtout la volonté de faire des choix qu’il faudra s’engager à assumer même si le coût venait à s’avérer quelquefois élevé, pour certaines franges de la population. Ce projet suppose, pour être concrétisé, que toutes les composantes nationales se réunissent et débattent, selon un agenda, d’un même ordre du jour, en vue d’établir une plateforme commune pour tous les partenaires, à partir de laquelle sera établie une évaluation de la situation sur le terrain qui permettra l’élaboration d’un plan global de restructuration des principes de la coexistence nationale sur fond de cohésion sociale, culturelle et religieuse. Comment mener une telle action et veiller à la réaliser pour que son infrastructure soit solide et suffisamment claire pour perdurer malgré et contre les bouleversements cycliques qui balaient cette région du monde? La réponse la plus élémentaire et la plus inattendue, surtout après soixante-deux ans d’indépendance, consisterait à proposer la formation, d’une ou de plusieurs commissions ad hoc, qui établiraient un lexique, voire même un catalogue national de références contenant tous les mots, expressions et citations quotidiennement utilisés dans la gestion des affaires de l’État, et chercher rationnellement à en dégager des définitions et des interprétations communes, strictes et transparentes, et décider tous ensemble de les adopter sans besoin de les remettre en question à nouveau, pour éviter à l’avenir des disputes stériles, primaires et anarchiques pouvant aller jusqu’à mettre en péril l’équilibre national et saper les fondements de la République. Cette entreprise pourrait paraître fastidieuse et peut-être quelque peu académique, mais quel autre choix avons-nous aujourd’hui? Quand, en effet, on observe de façon impartiale le panorama politique depuis l’indépendance à ce jour, on ne peut que faire un constat amer et triste où compromis, quiproquos, fuites en avant ont très souvent caractérisé nos actions dites nationales. Le temps n’est-il donc pas venu pour tous d’arrêter d’utiliser la langue de bois, de mettre fin à ce long dialogue de sourds, et d’agir solidairement et conjointement pour que le Liban trouve une place honorable sur le nouvel échiquier régional, profitant en cela d’une conjoncture internationale exceptionnelle? Une nouvelle géopolitique semble se dessiner ; dépassons donc nos querelles de clocher et attelons-nous à la consolidation de notre unité nationale en nous concentrant et nous concertant sur les sujets essentiels de notre vie quotidienne et sur leur gestion saine, efficace et impartiale. Cette étape est donc importante, voire déterminante pour l’avenir de la nation, et la participation de tous dans la réalisation de cet ouvrage devient un passage obligé pour éviter l’écueil de la tour de Babel précédemment signalé. Une fois cette épreuve dépassée, une approche sereine et mature des fondements de la nouvelle république doit être entreprise tout en confirmant naturellement les bases indéfectibles et intouchables de sa pérennité, à savoir son indépendance, sa souveraineté, la liberté et l’égalité de tous devant la loi et la justice ; elle doit aussi comporter les constituantes du régime politique, économique, social, culturel et religieux que les citoyens choisiront pour coexister en son sein et la viabiliser en harmonie avec leurs propres choix et son environnement régional et international. Cette démarche devra déboucher immanquablement, sur l’instauration d’un nouveau pacte national, prélude probable à une nouvelle Constitution, celle de la IIIe République. Il est bien entendu que la préparation de cette énorme entreprise doit se projeter suffisamment loin dans le temps pour que toutes ses options confondues, tout en tenant compte de la spécificité et de la richesse pluriculturelle et pluricommunautaire du Liban, assurent sa parfaite adaptation aux défis de ce nouveau millénaire et que modernité et traditions se mêlent et s’interactivent pour que ce pays reste un pôle d’attraction et un creuset de civilisation original, où Orient et Occident se rencontrent parce qu’ils y trouvent beaucoup de matières à réflexion et un modèle exemplaire de cohabitation, de tolérance et d’intégration entre des religions et des cultures différentes. Grâce à cette démarche ardue et délicate, les citoyens de ce pays pourraient gagner la confiance et la crédibilité des petites et des grandes nations du globe et aspirer demain à un avenir économiquement et socialement viable, car ils représenteront un échantillon voire un maillon fort de la configuration structurelle socioculturelle, dont tout État, à travers le monde, souhaiterait se doter. C’est pourquoi il faut impérativement qu’ils prennent conscience de la profondeur de leurs racines historiques et qu’ils sachent, sans plus tarder, comment gérer leurs misères du moment, en essayant d’éviter les dissensions internes, leurs expériences passées devant en effet leur servir de catalyseur et de tremplin, pour anticiper l’avenir, sans se laisser engloutir par des sables mouvants ponctuels, car ces événements ne seront plus bientôt qu’un mauvais et triste souvenir. Une fois encore, cette terre sacrée aura servi de théâtre d’affrontement pour régler et résoudre des crises régionales aiguës, mais pour retrouver, aussitôt après, sa vocation ancestrale et redevenir un territoire d’accueil et un lieu de rencontre et de dialogue entre tous les acteurs ayant participé aux différents actes qui se sont succédé durant cette longue et pénible tranche de notre histoire contemporaine. Gare donc à celui par qui le malheur viendra ! Car, non seulement il aura participé à l’effondrement d’une grande arche de l’histoire des civilisations, mais aussi à la disparition d’un symbole vivant et réel de la coexistence entre les hommes, toutes appartenances religieuses, culturelles, sociales, ethniques ou nationales confondues. (1) Nous y avions d’ailleurs fait allusion dans notre article paru dans L’Orient-Le Jour du 1er février 2005 sous le titre : « Réflexions d’un citoyen du nouveau monde ».
Par Salim F. DAHDAH

Si la connaissance est la «substantifique moelle» de l’évolution humaine, la pratique et l’expérience sont les moyens les plus sûrs et les plus pragmatiques pour assurer sa bonne réalisation et son épanouissement vrai. Mais au-delà de ces considérations, il y a une évidence sous-jacente à laquelle il faut se rendre, sans quoi aucune action ne peut être...