Rechercher
Rechercher

Actualités

...Et la suite ?

Au stade actuel des choses, pouvait-on vraiment attendre mieux (et mieux entendre) d’une Syrie baassiste naguère toute-puissante dans son fief libanais et soudain acculée à sauver sa mise, à déclarer forfait sans le déclarer tout à fait à sa propre opinion publique ? Le discours très attendu qu’a prononcé hier le président Bachar el-Assad devant l’Assemblée syrienne est à prendre pour ce qu’il est : une déclaration d’intentions dont certaines, mais pas toutes, sont fort bienvenues ; étant bien entendu que ces intentions ne valent que par la suite qui leur sera effectivement – et très rapidement – donnée. C’est en tout cas la première fois que Damas admet le principe tout simple d’un retrait de toutes ses troupes stationnées depuis bientôt trente ans dans notre pays sans l’assortir de quelconques conditions préalables, lesquelles allaient de la déconfessionnalisation du système politique libanais à l’instauration d’une paix globale au Proche-Orient. Mieux, c’est en se référant explicitement à l’accord de Taëf – mais aussi à la résolution 1559 de l’Onu désormais jugée compatible – que les Syriens déclinent leur volonté de se regrouper dans la Békaa puis à la frontière : du bon côté de la frontière, a-t-il été nécessaire de préciser plus tard. Les funestes moukhabarate seront naturellement du voyage, aurait-il été utile d’ajouter. Parmi les éléments positifs du discours d’hier, on retiendra encore l’aveu que bien des erreurs ont été commises par la Syrie dans sa gestion des rapports avec les Libanais. L’autocritique est chose assez rare dans les dictatures pour qu’il convienne de la saluer ici : d’autant que ces erreurs remontent à des décennies entières d’une arrogante domination syrienne que le jeune et inexpérimenté fils et successeur de Hafez el-Assad, confronté aux énormes bouleversements du XXIe siècle, aura été impuissant à perpétuer. Comment par ailleurs ne pas approuver vigoureusement le président syrien quand il flétrit tous ces « marchands de politique » libanais qui, par leur opportunisme et leur flagornerie, ont pu ancrer Damas dans sa certitude que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Marchands est bien le mot, en vérité ; encore qu’il devrait être clair pour le président Assad que l’affairisme politique ambiant n’avait guère épargné la nomenklatura syrienne elle-même. Les intentions syriennes ne comptent, une fois de plus, que par leur vitesse de concrétisation. Les réactions immédiates de Washington et de Paris, de même que d’une partie notable de l’opposition locale, montrent bien à cet égard que les vieilles tactiques dilatoires ne sauraient plus tromper personne et que le séjour syrien dans la Békaa doit impérativement être de courte durée. La population de la Békaa est partie intégrante d’un peuple libanais assoiffé d’indépendance, et ces Libanais-là ont subi plus que les autres, depuis plus longtemps que les autres, le poids de la présence militaire syrienne. Comment d’ailleurs cette même Békaa pourrait-elle bénéficier d’élections libres si devaient y camper durablement les troupes en voie de rapatriement ? Et l’État libanais en pleine décomposition peut-il encore s’offrir le luxe de paraître concéder à d’autres l’est du pays, ne serait-ce qu’à titre provisoire, après s’être obstinément refusé à prendre pleinement en charge le Sud ? Réunir dès demain le Conseil supérieur syro-libanais est un second pas positif ; mais les troupes syriennes ne pourront pas longtemps faire du surplace dans la plaine de la Békaa, car ni la communauté internationale ni «l’intifada pour l’indépendance » ne le toléreront. Le temps est révolu en effet où la Syrie pouvait faire accroire que sa sécurité tient à cette gaine libanaise protégeant son « ventre mou » : stupéfiante assertion en effet, quand la Syrie « résiste » en Irak à l’aide de combattants irakiens ou autres, résiste en Palestine par intégristes palestiniens interposés, résiste au Liban-Sud à l’aide de Libanais, mais se garde bien de résister sur le Golan syrien à l’aide de Syriens ! Ce qui déçoit et dérange le plus finalement dans le discours présidentiel d’hier, c’est cette obstination du régime syrien à agiter le spectre de catastrophes à venir, à chaque fois qu’il se trouve dans un mauvais pas. Assad a eu l’obligeance de nous mettre en garde contre trois bombes à retardement dont les Libanais, chaque jour plus unis dans leur quête d’indépendance, sont tenus de démontrer qu’elles ne sont que de grossiers pétards mouillés. Le sort du Hezbollah, qui préoccupe tant le raïs ? Tout simplement celui d’une formation qui, dans la crise actuelle, s’est distinguée par sa sagesse et son sens des responsabilités, d’un parti estimé de tous les Libanais, entouré d’égards par l’opposition et appelé à intégrer la place qui lui revient dans le Liban en gestation. Un nouvel accord du 17 mai 1983 avec Israël ? Éventualité publiquement exclue, même par les plus radicales des fractions libanaises, la priorité continuant d’aller à un consensus national. Quant au risque d’intégration des réfugiés palestiniens que renfermerait, selon Assad, la résolution 1559, il suffit de rappeler que c’est la Syrie baassiste elle-même qui a armé les camps bien avant qu’éclate la guerre du Liban, œuvrant sciemment ainsi à l’éclatement de l’État libanais. Et que la même Syrie n’a jamais entrepris de désarmer ces mêmes camps, dont le statut de sanctuaires intouchables est bien l’expression la plus évidente du risque d’implantation qui menace notre pays. Et tout cela, il faudra autre chose que des discours pour le faire oublier. Issa GORAIEB
Au stade actuel des choses, pouvait-on vraiment attendre mieux (et mieux entendre) d’une Syrie baassiste naguère toute-puissante dans son fief libanais et soudain acculée à sauver sa mise, à déclarer forfait sans le déclarer tout à fait à sa propre opinion publique ?
Le discours très attendu qu’a prononcé hier le président Bachar el-Assad devant l’Assemblée syrienne est à...