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Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB Conseils de famille

C’était fatal, et pas seulement parce que nous vivons à l’ère de l’interactif : entre la résolution 1559 de l’Onu et l’accord de Taëf, interpénétration paraît être devenue le maître mot, la règle, au Liban comme hors du Liban. On ne peut que se féliciter évidemment d’une telle synergie si, loin de toute secousse, elle doit conduire au résultat souhaité : à savoir la fin effective de la tutelle pesant sur notre pays. Une 1559 parfumée à la menthe ou à l’eau de rose et pourquoi pas, si cela peut la rendre plus douce aux gosiers sensibles. À l’inverse, un Taëf soutenu par un rare consensus local et international, un Taëf qui ne serait pas pour autant un douteux substitut aux injonctions de l’Onu, un Taëf assorti d’un calendrier à l’épreuve de toute discussion ou interprétation nous ferait l’économie d’un délicat débat interne. Après l’Égypte, c’était au tour du royaume saoudite, hier, de demander à la Syrie d’entamer sur-le-champ le retrait de ses troupes du Liban. C’est même avec une vigueur inhabituelle, qu’explique la colère soulevée à Ryad par l’assassinat de Rafic Hariri, que l’émir Abdallah a prodigué ce conseil au président Bachar el-Assad qu’il recevait dans son palais. Ainsi semble se préciser cette solution médiane sur laquelle ont planché, ces derniers temps, les deux principales puissances de la Ligue, et qui devrait être avalisée par le prochain Sommet d’Alger. Qu’est-ce qui fait s’agiter de la sorte un monde arabe qui, en Irak comme en Palestine, a donné à voir toute la tragique étendue de son impuissance ? Ce n’est certes pas le remords d’avoir trahi la solennelle caution donnée à une paix au Liban, qui d’arabe, et par lassitude ou lâcheté, est devenue exclusivement, jalousement syrienne. Ce n’est pas non plus une affection dévorante pour le régime baassiste, dont plus d’un État arabe a eu à subir dans le passé la politique de surenchère effrénée, les pressions, les chantages et menaces, et même davantage parfois. Cette entreprise d’assistance à compagnon en difficulté est sans doute un prêté pour un rendu. La solidarité arabe peut servir, à tout le moins, à sauver les apparences, à favoriser des issues dites honorables au bénéfice de gouvernements acculés à jeter du lest : une éventualité qui, assez ironiquement, guette peut-être jusqu’aux plus proaméricains des États arabes, en raison de l’exigence de démocratisation brandie par l’Administration Bush. Mais n’est-ce pas surtout dans le centre-ville de Beyrouth, sur cette place de la Liberté où les foules ont irréversiblement infléchi le cours des évènements, qu’il faut chercher la principale raison de tout ce remue-ménage arabe ? Coutumiers des masses de commande plébiscitant leur personne, dictateurs et potentats sont pour la première fois les témoins d’impressionnants rassemblements pacifiques commandant irrésistiblement le changement. Et c’est de peur que la révolution du cèdre devienne le modèle et l’exemple à suivre, qu’elle trouve des échos par-delà maintes frontières que toutes ces bonnes âmes guident poliment mais fermement la Syrie vers la porte de sortie. Reste à convaincre la Syrie qu’il ne lui est humainement plus possible désormais, plus cette fois, de miser sur un enlisement, dans les sables mouvants de l’inconsistance arabe, de la cause libanaise. Même son parrain russe, celui-là même qui s’était abstenu lors du vote de la résolution 1559, vient de rallier une volonté internationale chaque jour plus insistante. Mais la Syrie, naguère championne du pragmatisme, la Syrie dont les dirigeants disent la chose et son contraire, qui ne livre à l’Irak le demi-frère de Saddam que pour se voir impliquer dans l’enlèvement de la journaliste Florence Aubenas, veut-elle se laisser convaincre ? Pire encore, est-elle seulement en mesure de se laisser convaincre ? Par quelque bout qu’on le prenne et même dégoulinant de pommades cosmétiques, le retrait du Liban est ce qu’il est : un revers majeur et amplement mérité du fait des abus auxquels il a donné lieu, l’échec retentissant d’un coûteux pari vieux de trente ans et dont l’entité libanaise était l’enjeu. Tenir compte de cette vérité qui ne souffre, elle, aucun maquillage peut seul instaurer concorde et coopération entre les deux pays. Entre deux peuples frères vivant clairement, définitivement, indiscutablement dans deux États.

C’était fatal, et pas seulement parce que nous vivons à l’ère de l’interactif : entre la résolution 1559 de l’Onu et l’accord de Taëf, interpénétration paraît être devenue le maître mot, la règle, au Liban comme hors du Liban. On ne peut que se féliciter évidemment d’une telle synergie si, loin de toute secousse, elle doit conduire au résultat souhaité : à savoir la...