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Actualités - OPINION

Crime et châtiment

Cela s’appelle un dépôt de bilan. Les autorités libanaises, toutes les autorités, sont évidemment en ruine ; sauf que cette faillite ne se paiera pas uniquement par un départ, même si les Libanais ont déjà réussi à « balayer » le cache-sexe plus ou moins respectable que ce pouvoir et son tuteur avaient imposé sans aucun état d’âme. Au-delà du départ, s’impose, ne serait-ce que par décence, une nécessaire, une légitime sanction. Même dans les stations de ski les plus éloignées, même dans les complexes balnéaires les plus reculés, même dans les bureaux d’écoutes les plus cachés, même dans les ministères les plus désœuvrés, il y a des télévisions. Dix-sept jours après l’assassinat de Rafic Hariri, l’élémentaire décence voudrait que ces télévisions-là soient allumées constamment. Il y avait, hier, sur tous les écrans, sur toutes les chaînes de la planète les larmes, l’épuisement, l’indicible colère de la fille Ghalayini, de la femme Abou Rjeily, de leurs familles. – « Si c’était le fils du président de la République, le fils du président de la Chambre, le fils du Premier ministre, le fils de n’importe qui d’entre eux, ils auraient remué ciel et terre pour le retrouver. » – « Mais on ne pouvait pas chercher, cela aurait détruit les indices. » Des indices ? Peter Fitzgerald a dû avoir la nausée. Surtout qu’il a dû la voir, lui, toute la rage de ces proches fouillant à mains nues, sous des hordes de mouches bleues assoiffées de cadavres, le sable, les gravats pour trouver celui qu’ils attendaient, mort ou vif, depuis plus de deux semaines. Comme des millions de personnes – à l’évidente exception des autorités libanaises –, il a sans doute vu toute la détresse du monde que seuls peuvent exprimer celles et ceux que les autorités libanaises, par leur négligence, sciemment ou pas, ont détruits à vie. Chaque Libanais, quelque part, est un Ghalayani, un Abou Rjeily. La légitimité immédiate, absolue de la douleur et de la fureur des deux familles, des Libanais ; l’évidence et l’infinie luminescence du crime commis à leur égard délégitiment de facto chacun des piliers restants de cet État libanais ectoplasmique, phagocyté, et démasque aux yeux du monde entier la plus énorme, la plus insensée des impostures politiques. Celle que continue d’exhiber fièrement ce pouvoir sécuritaro-sécuritaire marionnette, uniquement consacré à autoalimenter, à pérenniser sa propre vassalité, et à l’ombre duquel même les sépultures sont prohibées. Ziyad MAKHOUL
Cela s’appelle un dépôt de bilan.
Les autorités libanaises, toutes les autorités, sont évidemment en ruine ; sauf que cette faillite ne se paiera pas uniquement par un départ, même si les Libanais ont déjà réussi à « balayer » le cache-sexe plus ou moins respectable que ce pouvoir et son tuteur avaient imposé sans aucun état d’âme. Au-delà du départ, s’impose, ne...