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Actualités - OPINION

Une jeunesse adulte

Le Liban a connu ces dernières quarante-huit heures les moments les plus forts, sans doute, de son histoire contemporaine. Et dans ce cadre, on ne rendra jamais suffisamment hommage à ces dizaines de milliers de jeunes qui sont descendus en masse dans la rue pour booster l’intifada de l’indépendance. Affrontant les barrages de sécurité, bravant tous les obstacles, passant outre aux manœuvres d’intimidation, au climat de répression entretenu manu militari par le pouvoir, ces jeunes ont pris possession de la rue, de la place des Martyrs – la place de la Liberté – pour exprimer leur ras-le-bol de la tutelle et des pratiques occultes des services libano-syriens. Il faut avoir vécu la nuit historique du 27 février et la journée non moins historique de lundi dernier pour jauger la dimension véritable, la portée, de la fougue et de la ferveur de ces jeunes. L’espoir en la naissance d’un Liban nouveau, fidèle à son message et à sa vocation démocratique, c’est dans cette fougue qu’il réside. Quoi de plus révélateur que ces scènes dont l’opinion publique a été le témoin ces quelques derniers jours. Animés du feu sacré, débordant d’enthousiasme, sans aucun sentiment d’agressivité, aiguillonnés par une humeur presque joyeuse, ils ont foncé par déferlantes successives sur le cordon de sécurité pour ouvrir une brèche aux manifestants qui cherchaient à rejoindre le lieu de rassemblement principal. Quoi de plus envoûtant que ces groupes denses de jeunes émergeant avec non moins d’enthousiasme de chaque rue, de chaque ruelle du périmètre de Saïfi pour forcer les barrages des forces de l’ordre. Un journaliste allemand de l’ex-RDA raconte non sans émotion que ce soulèvement populaire du 28 février lui a rappelé les scènes émouvantes qui ont marqué la chute du mur de Berlin. La fougue de cette jeunesse s’est aussi exprimée dans un de ces instants très forts, à l’aube de lundi, peu après 5 heures, au moment même où tout le monde appréhendait un assaut de l’armée contre la place des Martyrs. Les centaines de personnes qui avaient passé la nuit près du mausolée de Rafic Hariri se sont alors rassemblées en un éclair face à la tribune pour entonner d’une seule voix l’hymne national. Un hommage marqué doit être rendu à cet égard aux ténors de l’opposition qui ont tenu à se tenir toute la nuit aux côtés de ces jeunes, confortés ainsi par la présence de Nora Joumblatt, Joyce Gemayel, Akram Chehayeb, Ahmed Fatfat, Pierre Gemayel, Élie Karamé, Carlos Eddé et l’infatigable Élias Atallah. En ces journées historiques, et pour l’histoire, comment ne pas aussi évoquer les précurseurs de cette intifada de l’indépendance, ces étudiants anonymes qui au cours des dernières années n’ont raté aucune occasion pour organiser sit-in et manifestations afin de réclamer le recouvrement de la liberté, la souveraineté et l’indépendance du Liban. Ces avant-gardistes du courant souverainiste avaient d’autant plus de mérite qu’ils étaient alors perçus et, surtout, traités comme des « éléments subversifs » par l’appareil sécuritaire de l’État. L’expérience récente de certains pays de l’Europe de l’Est illustre de façon éclatante la force irrésistible d’un soulèvement populaire. Par son caractère pacifique, parfaitement démocratique, spontané et discipliné, cette intifada de l’indépendance – qualifiée par les Américains de « révolution du cèdre » – constitue un remarquable précédent dans le monde arabe. Puisse-t-elle faire tache d’huile dans une région trop longtemps figée dans un immobilisme autocratique. Michel TOUMA
Le Liban a connu ces dernières quarante-huit heures les moments les plus forts, sans doute, de son histoire contemporaine. Et dans ce cadre, on ne rendra jamais suffisamment hommage à ces dizaines de milliers de jeunes qui sont descendus en masse dans la rue pour booster l’intifada de l’indépendance. Affrontant les barrages de sécurité, bravant tous les obstacles, passant outre aux...