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Actualités - ANALYSE

Eclairage Le départ de « l’envieux » : une consécration... et des travaux d’Hercule

Selon des sources parlementaires, Omar Karamé s’est entretenu pendant soixante minutes avec Nabih Berry à l’issue de l’explosif premier round du débat de politique générale, hier vers quinze heures ; les deux hommes se sont ensuite retrouvés juste avant la séance nocturne pour un tête-à-tête d’un quart d’heure. Dans l’hémicycle ensuite, et après avoir commis le matin même une intervention digne des bêtisiers d’anthologie, l’effendi investit la tribune, et lâche les eaux. « Parce que je ne veux pas que mon gouvernement constitue un obstacle pour ce qui est considéré par certains comme étant le bien du pays, j’annonce ma démission. » Les députés de l’opposition applaudissent, les prosyriens sont tétanisés, et Nabih Berry, sidéré, interpelle plusieurs fois l’homme auquel la démocratie et le fantôme de Rafic Hariri auront infligé un verdict de réclusion politique à perpétuité et sans appel ; Nabih Berry, visiblement furieux et tout amour-propre ravalé, reconnaît qu’il « aurait mérité tout de même d’être mis au courant »... Ou bien le président de la Chambre a de sacrés dons de comédien, ou bien le Premier ministre sortant est un cachottier confirmé. Peu importe. Le tuteur syrien a-t-il demandé, exigé d’Omar Karamé ce départ, qui a effectivement mis un terme au bienfaisant et légitime jeu de massacre auquel se sont livrés en matinée les justes, les libres de l’opposition, dont un foudroyant et énorme Marwan Hamadé, pour lequel le cœur de chaque Libanais a battu hier devant l’écran de télévision ? Nabih Berry a-t-il voulu limiter les dégâts en prenant l’initiative de convaincre son partenaire d’Aïn el-Tiné de l’urgence d’une démission volontaire ? Le camp prosyrien a-t-il senti l’hésitation du Hezbollah, a-t-il été obligé de revoir ses prétentions arithmétiques à la baisse ? Ou bien le malheureux effendi, proclamé en quelques jours champion du monde hors catégorie de l’irresponsabilité politique, s’est-il enfin rendu compte qu’aucune manœuvre, qu’aucune tutelle, qu’aucune menace ne pouvaient saper la détermination d’un peuple arc-en-ciel retrouvé, réconcilié ? Nayla Moawad connaît très bien son superallié électoral de l’an 2000, devenu rival politique par excellence depuis novembre dernier. « Omar Karamé a vu la rue, a reçu de plein fouet cette phénoménale pression populaire. Il aura tout de même eu de la dignité. Il voulait démissionner il y a quelques jours, mais “on” l’a convaincu de ne pas le faire. Le discours qu’il a prononcé (hier soir), c’est le jour même de l’assassinat de Rafic Hariri qu’il aurait dû le faire entendre aux Libanais », regrette la députée de Zghorta interrogée par L’Orient-Le Jour. Pour elle, la personnalité d’Omar Karamé a beaucoup joué dans cette prise de décision qui a laissé pantois plus d’un Kandil. Pour L’Orient-Le Jour également, l’œil du psychanalyste Chawki Azouri s’est posé sur cet homme totalement dépassé, en qui il refuse pourtant de voir un quelconque bouc émissaire. « Impulsif et immature certes, Omar Karamé souffre surtout d’un péché capital qui ne pardonne pas : l’envie. Plus Hariri grandissait dans la mort, plus Karamé rapetissait. Dans ses rêves, Karamé aurait voulu mourir à la place de Hariri, ou alors, avoir été Rachid Karamé en 1975 ; et pour justifier sa décision de partir, c’est sur le discours de Bahia Hariri qu’il s’est basé », résume-t-il. En concluant par cette éblouissante anecdote : « On demande à deux condamnés à mort libanais quel serait leur dernier souhait. Enlacer et embrasser ma mère, répond le premier. Qu’on ne lui permette pas de voir sa mère, assène le second. » Il n’empêche : le départ théâtralisé à outrance de l’effendi a certes consacré au-delà des espérances le triomphe de la volonté populaire et de la démocratie, scellant ainsi, n’en déplaise à Karim Pakradouni et à tous les mauvais augures, la première étape – la route est encore très longue – de cette bien heureuse ukrainisation du Liban. Sauf que ce départ a mis les Libanais devant une montagne de défis, de travaux d’Hercule. C’est une bonne chose. L’opposition nationale plurielle, censée se réunir aujourd’hui à Moukhtara, devra resserrer encore davantage sa cohésion et convenir d’un véritable calendrier-programme. Un : bouter hors de leurs postes les patrons des services libanais en tous genres. Deux : imposer un gouvernement neutre à même de harceler la communauté internationale pour une commission vérité sur l’assassinat de Rafic Hariri et de préparer des élections libres et transparentes sur base d’une loi consensuelle. Trois : obtenir une promesse formelle de Bachar el-Assad, avec dates et force détails, de retrait total et immédiat du Liban, « fut-ce en deux étapes ». Quatre : gagner les législatives et être capable de présenter aux Libanais un programme politique digne de ce nom, un véritable pouvoir de substitution pour un Liban libre, indépendant, souverain, démocratique. Et last but not least, continuer de soutenir, d’encourager et de se ressourcer auprès des Libanais, de tous les Libanais, continuer de les mobiliser place de l’Étoile, au quotidien, continuer de leur rappeler, à l’instar, entre autres, des exhortations de l’essentiel binôme Walid Joumblatt-Ghassan Salamé, que le racisme et les provocations antisyriennes sont des hérésies et que le premier voyage de Viktor Iouchtchenko président hors d’Ukraine a été... en Russie. Ziyad MAKHOUL

Selon des sources parlementaires, Omar Karamé s’est entretenu pendant soixante minutes avec Nabih Berry à l’issue de l’explosif premier round du débat de politique générale, hier vers quinze heures ; les deux hommes se sont ensuite retrouvés juste avant la séance nocturne pour un tête-à-tête d’un quart d’heure. Dans l’hémicycle ensuite, et après avoir commis le matin...