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Actualités - OPINION

Par la petite porte

Au Parlement, dans la rue, dans ce centre-ville baptisé « place de la Liberté », dans les moindres coins et recoins du pays, les Libanais ont écrit hier une nouvelle page de leur histoire. Au Parlement, dans la rue, dans cette place des Martyrs glorifiée par la sépulture de Rafic Hariri, les Libanais redécouvrent, éblouis, une vitalité, une liberté longtemps confisquée par le pouvoir et ses services. L’unité nationale s’est cimentée au cœur de Beyrouth et toutes les machines infernales activées par le pouvoir n’y ont rien pu. Des tracts confessionnels insidieux distribués à la sauvette, par des nuits sans lune, aux « sociétés civiles » créées de toutes pièces par des sbires aux abois, la ficelle était grosse, bien grosse. Elle puait les services, les réseaux de l’ombre qui vivent leur crépuscule. Pour l’honneur, pour la dignité, pour l’avenir : hier au Parlement, devant des députés et des ministres frappés d’aphasie, comme accablés par le poids de la culpabilité, Marwan Hamadé a laissé parler son cœur, a asséné des vérités incontestées, incontestables. À ce moment-là, à cette heure précise, les dizaines de milliers de manifestants, place des Martyrs, les centaines de milliers de Libanais rivés à leurs téléviseurs ont compris : le gouvernement venait de perdre toute légitimité. Quelques heures plus tard, Karamé accablé, à bout de force, en tirait les conséquences : un départ sans panache, alors que crépitaient dans les rues de la capitale les vivats longtemps contenus, les applaudissements longtemps réprimés. C’est du peuple que tout gouvernement tire sa légitimité, et ce peuple a dit son mot magnifiquement répercuté dans l’hémicycle par Marwan Hamadé et les derniers des braves. Et pourtant cette sortie peu glorieuse, sous les huées et les quolibets des manifestants, aurait pu être évitée si le gouvernement avait reconnu sa responsabilité, au moins morale, démissionnant le lendemain de l’assassinat de Rafic Hariri. Mais de toute évidence cette issue, à laquelle semblait aspirer Karamé, lui a été refusée par le tuteur syrien, celui-là même qui n’a pas saisi, jusqu’à présent, la perche tendue par l’opposition pour un retrait dans la dignité. Double opportunité ratée, double occasion de sauver la face, ce fameux « Ma’a el-wajeh » tant affectionné en Orient. Le gouvernement Karamé finit dans les oubliettes de l’histoire, l’y suivront sans doute les responsables des services sécuritaires, les tireurs de ficelles, ceux qui ont tout manipulé dans l’ombre. Reste la question primordiale. Et maintenant ? Walid Joumblatt a rapidement réagi, invitant ses partisans à éviter les débordements, insistant sur les liens à préserver avec le Hezbollah et sur les nécessaires relations équilibrées avec la Syrie, conformément à l’accord de Taëf. L’heure est grave et tout dérapage risque, en effet, d’être lourd de conséquences, de torpiller les acquis de l’intifada. Priorité donc à un gouvernement transitoire qui préparerait les législatives du printemps. Et de ce chamboulement, du triomphe de la démocratie naîtra forcément le renouveau, un Parlement reflétant les véritables aspirations du peuple. Un pouvoir légitime qui établira les bases des relations futures avec la Syrie : respect mutuel, arrêt des ingérences. Mais la Syrie doit avoir déjà entamé son repli du Liban. Et là on revient à la case départ : que fera Damas aujourd’hui ? Face à la déferlante libanaise nommée « liberté », un choix évident s’impose : celui du retrait, de la souveraineté retrouvée. Nagib AOUN

Au Parlement, dans la rue, dans ce centre-ville baptisé « place de la Liberté », dans les moindres coins et recoins du pays, les Libanais ont écrit hier une nouvelle page de leur histoire.
Au Parlement, dans la rue, dans cette place des Martyrs glorifiée par la sépulture de Rafic Hariri, les Libanais redécouvrent, éblouis, une vitalité, une liberté longtemps confisquée par le...