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Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB Les promesses de la nuit

En cette journée cruciale, il pouvait paraître candide à l’excès, voire franchement naïf, d’en appeler à un Parlement qui sait parfaitement tout le bien qu’on en pense. On est désormais fixé, un tel appel est désormais bien plus qu’inutile : il est devenu totalement superflu. Par l’effet d’une artificielle et pernicieuse arithmétique, l’Assemblée pourra accorder toute la confiance qu’elle voudra au gouvernement Karamé s’il est encore debout ce lundi, s’il n’est pas encore parti en pièces détachées à la faveur de tardives et néanmoins salutaires démissions de ministres, que cela n’y changera strictement rien. L’Assemblée entrera peut-être même dans l’histoire mais ce sera par la toute petite porte, tant il est vrai que l’histoire n’est pas faite que de grands moments. Qu’importe après tout, c’est hors de l’enceinte d’une Étoile qui n’aura jamais paru plus éteinte, plus en rupture avec l’air du temps qu’est en train de se faire, sous nos yeux émerveillés, le Liban nouveau. Un rêve fou de souveraineté et d’indépendance, que n’a fait que gonfler le cauchemar du 14 février, habite aujourd’hui les Libanais : tous les Libanais, est-on tenté d’écrire, si contagieuse en effet peut être la fièvre de la liberté. Bien plus que les vociférations attendues des députés, c’est la clameur du peuple que l’on entendra aujourd’hui . De chercher à parasiter la plus sacrée des voix à l’aide d’une grossière contre-manifestation que se proposait d’organiser un vague « rassemblement beyrouthin » surgi par génération spontanée ne pouvait évidemment leurrer personne, si éculé en effet est devenu l’indigne procédé. D’interdire à la manière de Salomon manif’ et contre-manif’, sur la base d’un même et honteux scénario, ne pouvait davantage faire illusion quant au souci de sécurité publique d’un État irrémédiablement sali par toutes les aberrations qui ont précédé et suivi l’assassinat de Rafic Hariri. Seule la pitoyable astuce du match nul était censée venir, une fois de plus, au secours des nuls. La réponse à la provocation, on l’a vue tout au long de cette longue et exaltante nuit de la liberté qui a chassé le sommeil des yeux de tous, qui donne enfin un pays bien vrai à une jeunesse libanaise criminellement poussée, des années durant, à la résignation et à l’exode. Interdiction ou pas, les foules sont venues de partout, elles ont contourné ou débordé les barrages des forces de l’ordre, escaladé les barrières métalliques, résolues à ne manquer pour rien au monde le rendez-vous de la démocratie et de l’indépendance : tout cela dans une mer mouvante de drapeaux évoquant irrésistiblement ces murs de tyrannie que l’on a vus s’abattre naguère sous d’autres cieux . Face à une présidence inscrite aux abonnés absents, face à un gouvernement tombé beaucoup trop bas quoi qu’en dise la fameuse arithmétique, le Parlement va sans doute manquer une chance de se poser en dernier refuge d’une fantomatique légalité. Mais à la vérité, on s’en moque désormais : quand pointe une aube d’espoir qui irait encore s’encombrer de fantômes ?

En cette journée cruciale, il pouvait paraître candide à l’excès, voire franchement naïf, d’en appeler à un Parlement qui sait parfaitement tout le bien qu’on en pense. On est désormais fixé, un tel appel est désormais bien plus qu’inutile : il est devenu totalement superflu. Par l’effet d’une artificielle et pernicieuse arithmétique, l’Assemblée pourra accorder toute...