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EN DENTS DE SCIE L’absolue négation

Huitième semaine de 2005 (J + 13). Pourquoi Walid Moallem s’est transformé en un tournemain, après l’assassinat de Rafic Hariri, de diplomate bon papa militant pour une certaine forme de dialogue, en une Cassandre d’extrême mauvais augure, prévenant ou menaçant – c’est selon – les Libanais du pire, au cas où « les provocations » du dehors et du dedans se poursuivraient ? Quelles provocations ? Le vice-ministre syrien des AE a pourtant, comme tout le monde, entendu l’opposition. Entendu son attachement affirmé et réaffirmé ces derniers jours à l’application stricto sensu d’un Taëf dont le volet extérieur a pourtant été tellement oublié, perverti qu’il a fini par consacrer la présence et la tutelle syriennes au lieu de leur mettre un naturel, un bienfaisant terme. Il a entendu les appels répétés et fermes de cette même opposition pour un total respect de l’être humain, pour les meilleures relations possibles entre les peuples libanais et syrien ; il a entendu l’exhortation, quasi apostolique, d’un Walid Joumblatt ou d’un Ghassan Salamé à l’adresse de Bachar el-Assad pour un sursaut, une décision « sages et visionnaires » capables de contribuer à l’écriture de l’histoire. « Avant l’accélération des retraits syriens, il faudrait que l’armée et les forces de sécurité libanaises puissent combler le vide de manière à ne pas porter atteinte à la sécurité du Liban et de la Syrie. » C’est une chose que Walid Moallem – dont le pays est harcelé de toutes parts afin qu’il déclenche, concrètement, réellement, la désatellisation du Liban – ait justifiée, avec une facilité déconcertante et kafkaïenne, la pérennisation de la tutelle par l’inaptitude des autorités libanaises à assumer la relève, qu’il ait mis la balle dans le camp du Liban, qu’il se soit permis de tels propos. C’en est une autre, tout aussi inadmissible mais autrement plus grave, plus inouïe, d’entendre Omar Karamé évoquer la possibilité d’une division de l’armée en cas de retrait syrien. Sans occulter le moins du monde toutes les critiques que sa politique et sa vision de la « res publica » provoquaient – notamment dans ces même colonnes –, Dieu que le souvenir de Rafic Hariri, assénant de Ryad, avec tout le panache du monde, qu’« un Premier ministre du Liban n’a d’ordres à recevoir de personne », est beau... Heureusement pour lui, Omar Karamé a la mémoire particulièrement élastique : un don du ciel lorsque l’irresponsabilité politique atteint un tel degré. Jusqu’à quand, ici et là-bas, continuera-t-on de nier aussi aveuglément la réalité ? Les autorités syriennes et, surtout, libanaises ont sous les yeux, chaque jour, l‘irréfutable preuve de cette unité nationale arc-en-ciel ; de ce somptueux métissage culturel, social, religieux, idéologique et générationnel, qui poignarde en direct leurs besoins de multiplier les barrières entre les Libanais, juste pour la survie et la pérennité du système libano-syrien. L’image d’une guerre fratricide sunnito-chiite a ouvert toutes grandes les vannes lacrymales d’Élie Ferzli : qu’il se rassure. Une guerre intercommunautaire ne saurait, ne pourrait s’allumer spontanément ; serait-elle provoquée par des soins criminels que les Libanais, au vu de ce qui se fait et de ce qui se dit depuis treize jours, l’avorteraient quelques minutes à peine après sa gestation. Plus encore : ils auraient avec eux, pour eux, à côté d’eux l’armée libanaise. L’histoire a ceci d’utile qu’elle est souvent imparable : si des milliards de dollars ont été dépensés au profit de cette grande muette que l’on aimerait voir déployée sur les 10 452 km2 du Liban, la détermination, l’énergie, la volonté d’Émile Lahoud de magnifier l’armée lorsqu’il était son commandant en chef et sa réussite totale sont indubitables. Le locataire de Baabda est certainement conscient – cela ne peut être autrement – de sa délégitimité constitutionnelle, populaire, internationale. Mais le locataire de Baabda nie, lui aussi, la réalité, en continuant d’appeler à ce dialogue qui, pourtant, « assassinerait une deuxième fois Rafic Hariri », Walid Joumblatt dixit. Le locataire de Baabda souligne bien que cet appel-là ne témoigne d’aucune faiblesse, assure même que « quel que soit le résultat du vote de confiance lundi », dans un Parlement dont la majorité a été imposée par Damas, ce dialogue « devrait se faire ». Le locataire de Baabda semble vivre dans un monde à part. Ce sursaut sage et visionnaire demandé de Bachar el-Assad, c’est d’Émile Lahoud et de lui-même qu’il devrait aussi – d’abord ? – naître. Se mettre sous l’inexpugnable protection populaire ; contribuer au limogeage d’un Premier ministre et d’un gouvernement coupables de vandalisme à l’encontre de leurs compatriotes et de leur armée ; n’accepter d’autre chose qu’un gouvernement neutre à la hauteur des travaux, herculéens, dont a besoin le Liban depuis le 14 février ; exiger une commission vérité et une enquête internationales sur l’asssassinat de Rafic Hariri ; négocier dans n’importe quelle capitale arabe avec son homologue syrien pour une application immédiate de l’accord de Taëf ; débarrasser le pays de toute présence sécuritaro-militaire étrangère ; imposer des élections libres, transparentes et démocratiques, etc. Voilà comment Émile Lahoud ferait taire la rue et la communauté internationale et entrerait, de la belle manière s’entend, dans l’histoire du Liban. Ziyad MAKHOUL
Huitième semaine de 2005 (J + 13).
Pourquoi Walid Moallem s’est transformé en un tournemain, après l’assassinat de Rafic Hariri, de diplomate bon papa militant pour une certaine forme de dialogue, en une Cassandre d’extrême mauvais augure, prévenant ou menaçant – c’est selon – les Libanais du pire, au cas où « les provocations » du dehors et du dedans se poursuivraient ?...