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Actualités - CHRONOLOGIE

Le rassemblement d’hier soir, place des Martyrs, placé sous le signe des détenus en Syrie

Ceux qui craignaient un essoufflement du mouvement de protestation peuvent désormais se rendre à l’évidence : rien ne semble pouvoir dissuader la jeunesse libanaise et l’ensemble des membres d’une opposition devenue quasi nationale, de poursuivre leur mouvement en faveur de l’indépendance et du retrait syrien. Hier et pour le onzième jour consécutif, les manifestants ont envahi le centre de la capitale, devenue ville-symbole de leur mouvement après l’assassinat de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri. Sur la place des Martyrs, puis devant le Parlement, les étudiants se sont appropriés la rue pour clamer leur leitmotiv, « indépendance, souveraineté, liberté », et revendiquer avec autant de virulence le départ de l’armée syrienne du Liban. L’annonce d’un nouveau redéploiement de cette dernière n’a fait que raviver la flamme des protestataires convaincus qu’un énième retrait partiel n’est autre qu’une nouvelle tergiversation de la part de Damas. Outre les députés et anciens ministres de l’opposition venus rejoindre, comme tous les soirs, les manifestants, les mères des détenus libanais dans les prisons syriennes ont occupé hier la tribune de la place des Martyrs pour faire entendre, à leur tour, leur cri de douleur et solliciter l’aide de leurs compatriotes et de la communauté internationale. Confortées par la présence de milliers de jeunes, elles ont rejoint les rangs des manifestants pour réclamer la libération de leurs fils retenus dans les prisons syriennes depuis plus d’une vingtaine d’années. Prenant la parole devant une foule déchaînée, le porte-parole de Solide (Soutien aux Libanais en détention et en exil), Ghazi Aad, a affirmé que le mouvement de protestation qui s’est déclenché après l’assassinat de Rafic Hariri permettra de renforcer la lutte que mènent inlassablement ces mères depuis plusieurs années. À l’instar de toutes les mères, sœurs ou veuves qui ont vu leur proche tomber aux mains des Syriens, elles viennent réclamer que justice soit faite. « Le meurtre de Rafic Hariri est un nouvel épisode d’une longue série noire qui continue d’endeuiller le Liban. La disparition et l’emprisonnement de Libanais par les Syriens fait partie de cette chaîne de crimes perpétrés par le régime de Damas », affirme M. Aad. Devant une foule en délire qui s’égosille en scandant des slogans antisyriens et en entonnant des chants nationaux, le militant condamne les propos avancés par le président de la commission parlementaire des Droits de l’homme, Marwan Farès, tenus le 13 février dernier. Évoquant la question des détenus en Syrie, M. Farès avait indiqué que « les sacrifices faits par la Syrie au Liban étaient bien plus importants que les quelques personnes détenues dans les geôles syriennes ». « C’est scandaleux, s’indigne M. Aad. Si M. Farès profite personnellement des faveurs de la Syrie, cela ne veut pas dire qu’il doit renoncer à défendre les droits des citoyens qu’il est censé préserver, d’autant qu’il est le président de la commission des Droits de l’homme. » Et la foule de réagir en chœur : « On verra bien qui en vaut la peine ! » Le président de Solide poursuit sur sa lancée en évoquant la question des deux prisonniers libanais libérés il y a deux semaines, une nouvelle rapportée par les agences de presse sur base d’une information rapportée par l’Association syrienne des droits de l’homme. Et M. Aad de se demander « pourquoi à ce jour, personne n’a pu savoir qui sont ces personnes ni comment elles ont été libérées, une situation qui a fait croître l’angoisse des mères dans l’attente de la moindre indication sur ce dossier », précise le militant. Selon lui, « cela signifie trois choses : d’abord, que les propos avancés par l’État libanais sont mensongers, les responsables ayant répété à plusieurs reprises qu’il n’y a plus de détenus en Syrie ; cela veut dire, par conséquent, qu’il existe encore des prisonniers dont nous ne sommes pas au courant et que le nombre de personnes retenues en Syrie est bien plus grand qu’on ne le pensait ». « Enfin, dit-il, et à la lumière de l’arrestation il y a deux mois par les forces syriennes de Farès Hanna, dont personnne n’a plus de nouvelles, il est clair que l’épisode des arrestations arbitraires n’a jamais cessé », ajoute M. Aad. Au tour de Violette Nassif, dont le fils, un soldat de l’armée libanaise, est emprisonné en Syrie depuis 1990, de monter sur la « tribune de la libération » comme on l’appelle désormais, pour lancer un appel de solidarité avec sa cause et celle de toute mère éplorée. « Vous êtes tous mes fils », lance-t-elle à la foule qui l’applaudit, avant de réclamer « qu’une enquête internationale soit ouverte pour faire la lumière sur le meurtre de Rafic Hariri ainsi que sur le sort de nos fils ». « Mais la vérité n’est plus très loin », se console la maman du soldat. Au discours émouvant des familles des détenus fera écho celui des membres de l’opposition, venus soutenir les manifestants dans leur lutte et confirmer la pérennité du mouvement qui continuera de s’amplifier « jusqu’à obtenir gain de cause », clame le député Walid Eido. C’est dans une ambiance survoltée que sera accueilli le discours de l’ancien ministre, Ghazi Aridi. « Vous êtes rassemblés ici pour acclamer la démocratie, la liberté et la dignité nationale. Eux sont réunis là-bas, en Conseil des ministres, ignorant tout de la dignité, des valeurs, des lois et des Constitutions », crie le député du PSP. Dénonçant les menaces du pouvoir, M. Aridi a déclaré : « Ce sont des propos dangereux, qui préludent à de nouvelles voitures piégées, à d’autres assassinats, et au chaos. » « Ceux qui réclament à corps et à cri l’application des accords de Taëf ont oublié qu’un article fondamental de ce texte interdit aux services de renseignements de s’ingérer dans la vie politique libanaise », poursuit M. Aridi au milieu d’un tonnerre d’applaudissements. En fin de soirée, les étudiants, notamment ceux de l’USJ, se sont dirigés vers la place de l’Étoile, pour témoigner, toujours en masse et en parfaite symbiose, de leur ferme volonté de n’en démordre qu’une fois le pays libéré. Jeanine JALKH
Ceux qui craignaient un essoufflement du mouvement de protestation peuvent désormais se rendre à l’évidence : rien ne semble pouvoir dissuader la jeunesse libanaise et l’ensemble des membres d’une opposition devenue quasi nationale, de poursuivre leur mouvement en faveur de l’indépendance et du retrait syrien. Hier et pour le onzième jour consécutif, les manifestants ont envahi le...