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Actualités - ANALYSE

« Déconnectez-vous du contexte régional et nous vous protégerons », aurait proposé l’opposition au Hezbollah

«Le tsunami politique », selon les propres termes d’un ambassadeur occidental, provoqué par l’assassinat de Rafic Hariri, a accéléré les événements sur la scène libanaise, mais il a surtout mis en place une nouvelle équation sur l’échiquier local. Si les grandes figures de l’opposition évoquent ouvertement devant les médias un scénario à l’ukrainienne, elles n’en sont pas moins conscientes des nuances qui distinguent la scène libanaise de celle de l’Ukraine. Un des principaux points de divergence, c’est le problème avec la communauté chiite et plus particulièrement avec le Hezbollah. Car si l’on a généralement tendance à considérer, depuis l’attentat, que la communauté sunnite a basculé dans le camp de l’opposition, notamment grâce à la participation des députés sunnites du bloc Hariri à la réunion du « Bristol 4 », la communauté chiite reste, elle, une inconnue. D’abord, les deux grandes formations qui se partagent le leadership de cette communauté, à savoir Amal et le Hezbollah, sont membres actifs au sein du rassemblement dit de Aïn el-Tiné, et ensuite, traditionnellement, l’ensemble de la communauté a été depuis des années dans le camp prosyrien. D’ailleurs, le dernier discours de sayyed Hassan Nasrallah lors de la commémoration du deuil de la Achoura a eu beau être un véritable appel à la raison et au dialogue, la mobilisation populaire dans les rues de la banlieue sud, à cette même occasion, a été considérée comme un message musclé et clair adressé à l’opposition. « Des propos modérés dans un scénario qui l’est beaucoup moins », a même commenté un observateur politique qui estime, comme tous ceux qui ont suivi cette cérémonie, que Nasrallah a voulu aussi « répondre indirectement à la foule qui a participé aux funérailles de Rafic Hariri, rappelant qu’en matière de mobilisation populaire, le Hezbollah reste une force avec laquelle il faut compter ». Le message a d’ailleurs été visiblement bien reçu par les grandes figures de l’opposition, qui ont sciemment voulu ménager cette formation ainsi que son secrétaire général. Selon une de ces figures, l’opposition voudrait éviter de couper les ponts avec le Hezbollah afin de ne pas radicaliser cette formation et surtout « de ne pas ostraciser les chiites ». Et puis, que l’on soit ou non un fan du Hezbollah, cette formation reste le parti le plus structuré et le mieux organisé sur la scène libanaise. Certaines personnalités de l’opposition auraient même pratiquement fait à sayyed Nasrallah l’offre suivante : le Hezbollah se déconnecte du contexte régional, notamment de ses « parrains syrien et iranien », et, en contrepartie, l’opposition s’engage à protéger la résistance et à lui réserver une place de choix dans la préparation de l’étape suivante. Mais le Hezbollah ne semble pas encore sensible à ce genre de discours. Selon un de ses députés, « l’étape ne justifie pas que l’on se livre à des règlements de comptes personnels ». Tout en tenant un discours assez critique à l’égard du pouvoir et des loyalistes en général, le député du Hezbollah estime que « l’alternative n’est pas de paralyser les institutions étatiques ni de provoquer un vide constitutionnel, qui placerait le pays dans l’inconnu ». Le mieux, selon lui, est de participer aux élections et de s’en remettre à cet arbitrage. De toute façon, le Hezbollah, qui considère qu’il est temps de mener un dialogue sérieux sur l’application de l’accord de Taëf et l’avenir des relations libano-syriennes, ne cache pas qu’il est actuellement en phase avec l’option politique stratégique générale de la Syrie. « Quoi qu’il arrive, la Syrie sera toujours la grande voisine du Liban et celui-ci a besoin d’avoir d’excellentes relations avec elle. L’atmosphère de défi et de tension qui règne actuellement ne sert ni le Liban ni la Syrie. Mettons-nous donc à la table du dialogue et discutons puisque, de toute façon, nous devrons y arriver un jour. Alors, le plus tôt serait le mieux », ajoute le député du Hezbollah. Il fait même remarquer que « c’est la formation qualifiée par les Américains d’intégriste, voire d’extrémiste, qui, aujourd’hui, appelle le plus au dialogue et tient le discours le plus modéré ». Le Hezbollah prône le dialogue auprès de ses alliés Le député intégriste insiste aussi sur le fait que le Hezbollah est un parti libanais, qui se considère en harmonie totale avec l’option stratégique de confrontation avec Israël, suivie actuellement par l’État libanais. Ce n’est donc pas lui qui mettra en difficulté cet État, même s’il pèse de tout son poids au sein du « Rassemblement de Aïn el-Tiné » pour pousser les participants à plus de modération et à multiplier les appels au dialogue afin d’éviter tout dérapage. Il est certain toutefois que, malgré sa situation délicate, le Hezbollah ne peut pas réellement s’inscrire aujourd’hui dans une logique proaméricaine. Et ses responsables laissent entendre qu’il ne faut pas les acculer ou les mettre au pied du mur. Or c’est ce que semble faire Walid Joumblatt. Dans une interview au quotidien français Libération, il a textuellement déclaré au sujet du Hezbollah : « C’est une milice redoutable qui peut être utilisée contre nous. Le fait que Nasrallah ait participé à la dernière réunion des loyalistes est mauvais signe. » C’est bien la première fois que le leader druze évoque en ces termes la formation chiite et son secrétaire général, sayyed Nasrallah. Est-ce le début d’une rupture, alors que toute la stratégie de l’opposition était jusqu’à présent d’essayer autant que possible de gagner le Hezbollah à sa cause ou, à défaut, de le neutraliser ? Surtout que Hassan Nasrallah et Walid Joumblatt ont toujours été soucieux de se ménager réciproquement. Le gros de l’opposition, qui tient à son scénario pacifiste et cherche à obtenir le soutien de la plus grande partie de la population, pense que les propos de Joumblatt sont plus une sonnette d’alarme qu’une nouvelle tendance. Et l’opposition a pour le moment une priorité : isoler le pouvoir en le privant de tout soutien populaire et politique. Ce n’est donc pas le moment de s’aliéner le Hezbollah. À moins, disent certains, que lui-même ne veuille s’exclure. Mais les responsables du parti insistent sur le fait que leur seule option est le dialogue, mais un dialogue véritable et non une mise en demeure. Scarlett HADDAD

«Le tsunami politique », selon les propres termes d’un ambassadeur occidental, provoqué par l’assassinat de Rafic Hariri, a accéléré les événements sur la scène libanaise, mais il a surtout mis en place une nouvelle équation sur l’échiquier local. Si les grandes figures de l’opposition évoquent ouvertement devant les médias un scénario à l’ukrainienne, elles n’en sont...