Rechercher
Rechercher

Actualités

analyse Le peuple doit désormais assumer ses responsabilités De la rue au Parlement, l’opposition plus que jamais déterminée à « balayer » le pouvoir

«Ils (les ministres) tomberont de si bas que leur chute ne leur fera pas de mal. » Cette pensée d’Anatole France devait hanter l’esprit aussi bien des députés de l’opposition réunis hier à Moukhtara que des piètres hérauts du pouvoir qui se maintiennent encore tant bien que mal à leurs postes. En effet, hier, à Moukhtara, désormais l’âme du Liban souverain et libre, les députés opposants ont décidé de transposer pour de bon, lundi, « l’intifada de l’indépendance » au Parlement. L’objectif: « balayer » le pouvoir, et plus précisément le cabinet Karamé, aussi bien à travers les voies institutionnelles qu’en canalisant les rugissements du peuple libanais. « Quand le peuple aura fait entendre sa voix souveraine, il faudra se soumettre ou se démettre », ont affirmé hier les députés de l’opposition, comme jadis Gambetta à Mac-Mahon, appelant « tous les symboles du pouvoir », c’est-à-dire aussi bien le gouvernement que le président de la République, à rentrer chez eux. Dans son communiqué final, la rencontre de Moukhtara a défini les objectifs de l’opposition parlementaire pour l’étape à venir, étape qui commence dès ce lundi 28 février par une joute importante à la Chambre. Les députés opposants, qui sont une quarantaine mais qui peuvent, selon des calculs minutieux et à la suite de contacts intensifs, atteindre le nombre de 54, tenteront d’abord d’« appeler les députés de la nation à assumer leurs responsabilités ». C’est-à-dire à présenter une motion de censure, émanant de l’Assemblée, contre le gouvernement, avant même que ce dernier ne pose la question de confiance. Les personnalités réunies hier à Moukhtara savaient pertinemment que le gouvernement, conscient de sa légitimité précaire (le cabinet actuel n’est-il pas celui qui dispose de la confiance la plus risible depuis 1992 ?), va tenter lundi de redorer son blason, d’autant qu’il dispose, malgré tout, d’une majorité de députés prosyriens, à la Chambre (64, selon les derniers calculs, soit dix de plus que l’opposition... sauf s’il y a des absents. L’appel au moins à la neutralité lancé par l’opposition au Hezbollah s’inscrit probablement dans ce cadre). Compte tenu de ce cas de figure, l’opposition estime que le combat ne doit pas être formel, concurrentiel, rigide, mais politique par excellence. En d’autres termes, « la séance de vérité » qui va se dérouler au Parlement, devant les yeux de l’opinion publique si Nabih Berry tient promesse – un véritable tribunal –, sera plus importante en soi que le vote de défiance. Parce que, répètent les piliers de l’opposition, le cabinet, déjà peu représentatif à la base, a perdu toute sa légitimité populaire, et qu’« il a déjà été démis par la rue et par les médias ». Et que si l’opposition tente d’institutionnaliser le combat par esprit démocratique, il n’en reste pas moins que « les institutions sont sous la coupe d’un régime totalitaire », selon les termes d’un des députés. L’opposition de Moukhtara a d’ailleurs fait un clin d’œil en direction de l’opinion publique, l’appelant implicitement à se mobiliser lundi pour faire pression sur ses députés et tenter de modifier le cours des choses en s’appropriant la rue une fois de plus (en opposant la marche de l’histoire au statisme de la « dictature » dénoncée par Bkerké), comme cette semaine, mais cette fois aussi bien à la place de l’Étoile, devant l’édifice du Parlement, qu’à la place des Martyrs. Le peuple est appelé à assumer ses responsabilités autant que ses représentants, et il a déjà prouvé qu’il était à même de le faire, compte tenu du degré très élevé de civisme et de pacifisme qui a marqué la manifestation gigantesque de lundi dernier. Cette mobilisation populaire souveraine est d’autant plus importante qu’elle s’accompagnera d’une grève des organismes économiques, « une première historique depuis 1952 », selon Ghazi Aridi. 1952, l’année où Béchara el-Khoury avait été obligé à se démettre... Il n’aura échappé à personne que le ministre Adnane Kassar, qui s’est d’ailleurs réuni hier à Moukhtara avec le chef du PSP, est le grand manitou derrière ces organismes et que son nom figure déjà en tête des candidats à la sucession de Omar Karamé pour diriger un cabinet de personnalités neutres à même de superviser les prochaines législatives. Parfaitement lucides, les députés réunis à Moukhtara ont également rappelé la nécessité d’une enquête internationale indépendante, mettant l’accent sur la démission des chefs des différents SR et de leur mise en jugement. Le rappel est loin d’être excessif, et pour cause : il s’est avéré que la commission d’enquête de l’Onu, qui viendra bientôt examiner le terrain de l’attentat odieux, ne dispose pas de prérogatives lui permettant de tirer des conclusions et d’incriminer une partie. Elle n’a en effet que la possibilité de recueillir les informations, ce qui est insuffisant, puisque la première des conditions sine qua non pour un retour à la normale sur la scène nationale est de découvrir quelles sont les mains barbares qui ont « anéanti » Rafic Hariri et ses compagnons. Quant à l’insistance sur la référence à l’accord de Taëf, elle renvoie à deux exigences pour l’opposition : se démarquer d’abord de la 1559 pour montrer clairement au Hezbollah que son rôle est au sein de l’opposition, qui est attachée à ce qu’il représente, tant qu’il ne devient pas un facteur de dissension sur le plan interne. « Tout comme nous avons appuyé le Hezbollah dans sa résistance face à Israël et tout au long de la libération, il doit maintenant nous soutenir dans notre lutte pour le rétablissement de la souveraineté. Il ne faut pas que la libération soit confrontée à la souveraineté », a indiqué Samir Frangié mardi soir, résumant la situation. Enfin, réaffirmer, encore et encore, que le consensus national autour des réformes de Taëf a définitivement scellé une réconciliation nationale désormais consacrée par la mort de Hariri, et que ces réformes ne sauraient être remises en cause. Mais que la seule interprétation possible de l’accord de Taëf, loin de toutes les manœuvres traditionnelles de Damas, est désormais la suivante: le retrait total et immédiat des forces syriennes du Liban. Michel HAJJI GEORGIOU

«Ils (les ministres) tomberont de si bas que leur chute ne leur fera pas de mal. » Cette pensée d’Anatole France devait hanter l’esprit aussi bien des députés de l’opposition réunis hier à Moukhtara que des piètres hérauts du pouvoir qui se maintiennent encore tant bien que mal à leurs postes. En effet, hier, à Moukhtara, désormais l’âme du Liban souverain et libre, les...