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Actualités - OPINION

Je me souviens (voyage au Liban)

Je me souviens d’une ville aux entrailles éclatées, au cœur blessé, à l’âme meurtrie par l’insondable bêtise de l’homme, dont il ne reste rien de son opulence passée. Je me souviens de ses rues, parcourues par une multitude de voitures bringuebalantes, et quadrillée par des soldats étrangers en arme, logés dans des guérites d’une laideur repoussante, bornes kilométriques sinistres. Je me souviens d’un ancêtre au visage à la fois souriant et grave, empreint de sagesse, fumant le narguilé, entouré de sa tribu nombreuse, joyeuse et bavarde. Je me souviens de son épouse, attentive à tout, et s’affairant à sa table de fête, préparant les « mezzés » somptueux, culture culinaire orientale avec une légère touche empruntée au « Proche Occident ». Je me souviens du café turc, offert à celui qui franchit le seuil de la maison, assorti d’un « Soyez le bienvenu », cent fois entendu. Je me souviens de ce médecin français, venu en mission humanitaire, tombé amoureux de ce pays et ayant épousé une Libanaise, pour ne plus jamais repartir. Je me souviens de jumeaux au regard vif, à peine sortis de l’enfance, élevés dans la guerre, clamant leur désir de vivre dans leur pays, libres, là où ils sont prisonniers depuis 16 ans, affirmant leur culture française. Je me souviens de cette nature méditerranéenne qui m’est si chère, légèrement teintée d’exotisme pour mieux attirer l’étranger. Je me souviens de ce vieillard digne et fragile et de sa femme, de son fils et de sa jeune fille offrant le gardénia en signe de bienvenue, s’accrochant à leur terre, face à l’insolent ennemi. Je me souviens du plus vieux port du monde, mille-feuille sept fois millénaire, raconté par un très vieux guide borgne, témoin de son siècle et de tous les siècles passés. Je me souviens d’un jeune homme encore adolescent, au regard brillant, que ses parents ont baptisé Charbel, du nom du seul saint libanais, à la gaucherie attendrissante dans ses démonstrations d’amitié. Je me souviens de cet aveugle, jouant sur sa flûte en roseau les airs venus du fond de la mémoire de son peuple, auprès d’une cascade renvoyant les éclats du soleil retrouvé, et devant les reliefs d’un repas largement arrosé d’arak. Ah, l’arak ! Je me souviens de ce peuple, resté debout sous les obus et les mortiers, ayant survécu grâce à son ingéniosité infinie et préparant l’avenir, s’appuyant sur son passé et embrassant la modernité. Tout comme je me souviens de ces accolades sans fin. Mais où sont les cèdres d’antan ? Georges N.
Je me souviens d’une ville aux entrailles éclatées, au cœur blessé, à l’âme meurtrie par l’insondable bêtise de l’homme, dont il ne reste rien de son opulence passée.
Je me souviens de ses rues, parcourues par une multitude de voitures bringuebalantes, et quadrillée par des soldats étrangers en arme, logés dans des guérites d’une laideur repoussante, bornes kilométriques...