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Sit-in des députés opposants, place de l’Étoile L’opposition arrache à Berry la convocation à un débat de politique générale

L’opposition parlementaire a réussi à venir à bout des réticences du président de la Chambre, Nabih Berry, qu’elle a convaincu hier de suspendre l’examen du projet de loi électorale en commissions et de convoquer un débat de politique générale qui sera exclusivement consacré à l’assassinat de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, et à l’attitude du pouvoir avant et après « la secousse » provoquée par l’attentat. La date de la réunion a été fixée au lundi 28 février. M. Berry, qui a reçu hier les députés de l’opposition, déterminés à aller jusqu’au bout de leur bras de fer avec les autorités, avait exprimé le souhait de se concerter avec le chef du gouvernement, Omar Karamé, avant d’annoncer la date de la réunion parlementaire. De telles concertations s’imposaient de toute évidence, car le sort du gouvernement – en divorce total avec le peuple – est désormais en jeu. Qui dit débat de politique générale, dit confiance. Et les députés de l’opposition, qui appellent inlassablement au départ d’une équipe dont la légitimité est aujourd’hui contestée par une frange importante de la population, veulent que le gouvernement pose la question de confiance, pour aboutir à un vote de défiance. Si la rue chrétienne, sunnite et druze a déjà prononcé son verdict et jugé indésirable une équipe qui ne se résigne pas à couper le cordon avec la Syrie, l’opposition, elle, est contrainte de se conformer à un certain nombre de règles pour faire chuter une équipe qu’elle tient pour responsable de l’assassinat de Rafic Hariri. Pourra-t-elle réunir, au sein d’un Parlement acquis en majorité à la Syrie, le nombre de voix nécessaire à un vote de défiance ? Des contacts tous azimuts vont être entrepris au cours des prochains jours afin de réunir le maximum de voix en faveur de l’opposition, sachant que d’ores et déjà des députés commencent à se tenir sans ambiguité aux côtés des opposants. Il y a déjà eu César Moawad, Nehmetallah Abinasr, Ghassan Moukheiber... Le Hezbollah La position du Hezbollah est cruciale. Hier, les députés du Parti de Dieu ont réagi favorablement à l’appel de l’opposition parlementaire à boycotter la réunion consacrée à la poursuite de l’examen du projet de loi électorale et se sont exprimés sans détour en faveur d’un débat de politique générale consacré à l’attentat de Aïn Mreyssé. Seront-ils sensibles aux appels que les ténors de l’opposition leur lancent au nom d’une unité nationale qu’ils tentent d’affermir ? Après le chef du PSP, Walid Joumblatt, c’était dimanche au tour de Mme Nayla Moawad d’appeler sayyed Hassan Nasrallah, au cours d’une interview télévisée, à saisir au vol l’opportunité qui se manifeste aujourd’hui pour asseoir la cohésion et l’entente nationales autour des valeurs de l’indépendance et de la souveraineté, en insistant sur le fait que ce sont les Libanais eux-mêmes, plus que n’importe qui d’autre, qui peuvent protéger la résistance. Quoi qu’il en soit, si l’opposition en a appelé au Parlement pour tenter de demander des comptes à un Exécutif qui a brillé par son absence au cours de la semaine qui vient de s’écouler, « c’est parce que c’est notre dernier recours et notre dernier refuge », a déclaré M. Marwan Hamadé, au terme de l’entretien des députés de l’opposition avec M. Berry. « Toutes les autorités sont en faillite au Liban, l’exécutive, la sécuritaire, sans oublier l’autorité judiciaire, défigurée et en faillite », a-t-il ajouté, soulignant que les députés de l’opposition veulent que les législatives aient lieu dans les délais les plus brefs. M. Hamadé a affirmé que l’assassinat de Rafic Hariri était entre autres destiné à porter un coup aux élections et à barrer la voie à une victoire de l’opposition. Les autorités semblent cependant minimiser l’importance de l’initiative de l’opposition, à qui elles font indirectement assumer la responsabilité de tout retard dans l’adoption de la loi électorale. C’est ce qui ressort des propos tenus par M. Berry, lors d’un point de presse avec les journalistes accrédités au Parlement, au terme de sa réunion avec les parlementaires. Même si le président de la Chambre estime que la réunion d’hier est « le début d’un dialogue véritable », il a laissé entendre qu’il n’est toujours pas en faveur d’un débat de politique générale à l’heure actuelle et qu’il continuera d’accorder la priorité aux préparatifs du congrès national souhaité par le président Émile Lahoud et par le Rassemblement de Aïn el-Tiné. M. Berry a justifié l’attachement des autorités à en finir au plus tôt avec l’examen de la loi électorale par le fait que « les prochaines législatives étaient un facteur de tension dans le pays ». « Que puis-je faire si nos frères au sein de l’opposition considèrent que les élections ne constituent plus un souci majeur ? Personnellement, je pense qu’elles le sont, mais nous nous inclinons devant leur volonté. Je tiens à dire que dans ce cas précis, j’obéis à l’opposition », a-t-il dit. Le vote de confiance Interrogé au sujet d’un éventuel vote de défiance, M. Berry a répondu : « Si le gouvernement obtient la confiance, ils lui auront donné un nouvel élan. Dans le cas contraire, à Dieu ne plaise, nous ferons part de son décès », a-t-il ajouté. M. Berry a indiqué que le comité de suivi de Aïn el-Tiné a entamé ses contacts avec les chefs spirituels, dans le cadre des préparatifs du congrès national. Prié de commenter les propos de M. Walid Joumblatt, qui avait rejeté tout dialogue avec le pouvoir, le chef du Parlement a déclaré : « Une des caractéristiques de Walid Joumblatt est qu’il change » de positions. Jusqu’aujourd’hui, l’État n’a pas pris conscience du fait que le processus de rétablissement de la liberté de décision et de la souveraineté nationale, accéléré par l’assassinat de Rafic Hariri, semble bel et bien irréversible, aux plans local ou international, et qu’il n’est pas question de considérer l’assassinat de Rafic Hariri comme une simple parenthèse dans la vie politique locale. L’opposition l’a clairement fait savoir hier, aussi bien à travers les prises de position de ses ténors, place de l’Étoile, ou le sit-in, hautement symbolique, que ses membres ont organisé sur les marches du Parlement, des écharpes aux deux couleurs, rouge et blanc, symbole de « l’intifada de l’indépendance » autour du cou et des pin’s à l’effigie du Premier ministre assassiné. S’exprimant au nom de l’opposition, au terme de l’entretien avec M. Berry, le député Boutros Harb a réitéré l’appel à la mise en place d’une commission d’enquête internationale et rejeté « la légèreté avec laquelle les services et le gouvernement traitent ce dossier, puisqu’au lieu d’aider à découvrir la vérité, ils contribuent à en effacer les traces ». Tour à tour, les députés de l’opposition avaient réaffirmé inlassablement leur détermination à aller jusqu’au bout de leur mouvement de protestation, lors du sit-in qu’ils avaient observé sur les marches du Parlement. Le député Bassem Sabeh est parti en guerre contre le régime sécuritaire, dénonçant le cordon de sécurité établi autour de la Chambre, la présence des forces spéciales des FSI et des camions-citerne de la Défense civile, place de l’Étoile. Comme un seul homme, ils ont entonné l’hymne national et invité les quelques députés ayant osé entrer au Parlement par la porte principale à arborer l’écharpe rouge et blanche et le pin’s Hariri. Pour le ministre de la Justice, Adnane Addoum, le problème ne s’est pas posé : il est entré discrètement par une porte collatérale. Jamal Ismaël hésite, prudent : il affirme qu’il aurait volontiers mis le foulard si le cèdre figurait en son centre, avant de promettre de boycotter la réunion des commissions, ce qui lui vaut des applaudissements. Hélé par M. Akram Chéhayeb, Anouar el-Khalil accepte simplement, sous un tonnerre d’applaudissements, l’écharpe que Ghenwa Jalloul lui passe autour du cou ainsi que le pin’s qu’elle lui épingle sur la veste. Jihad Samad, lui, choisit de foncer sur les députés protestataires, ignorant leurs appels. Il les bouscule presque, ce qui lui vaut de vives protestations, de la part notamment du député Antoine Andraos, qu’il somme avec grossièreté et agressivité de se taire. « C’est quelqu’un comme toi qui doit se taire », rétorque le parlementaire. Le député prosyrien se fait menaçant : « Entrez au Parlement si vous vous considérez des hommes. » De vives protestations se font de nouveau entendre. Avec Samad, un avant-goût du débat de politique générale est ainsi donné. Dans les rangs des loyalistes, le seul langage en vigueur est celui des menaces. Tilda ABOU RIZK
L’opposition parlementaire a réussi à venir à bout des réticences du président de la Chambre, Nabih Berry, qu’elle a convaincu hier de suspendre l’examen du projet de loi électorale en commissions et de convoquer un débat de politique générale qui sera exclusivement consacré à l’assassinat de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, et à l’attitude du pouvoir avant et...