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Eclairage - l’opposition, Washington et Paris ignorent l’engagement pris par Assad devant Moussa d’opérer un retrait du Liban À peine née, l’annonce de Damas est déjà obsolète

Amr Moussa était-il à Damas, auprès de Bachar el-Assad, pour désoccidentaliser le combat en faveur de la souveraineté et de l’indépendance du Liban et, par conséquent, l’arabiser ? Essayait-il de ressusciter cette troïka saoudo-algéro-marocaine qui avait refusé en 1989 la conception très personnelle de la souveraineté libanaise par les autorités syriennes, auxquelles cette troïka avait demandé d’établir un calendrier de retrait de ses troupes armées ? Essayait-il de trouver à une Syrie harcelée de toutes parts une espèce de « porte de sortie honorable », ce dont parle depuis des mois Walid Joumblatt ? Est-ce que Amr Moussa a tenté de faire comprendre au dirigeant syrien que désormais, depuis le 14 février dernier, rien n’est plus comme avant et qu’il faut, par un moyen ou un autre, se réconcilier avec la communauté internationale en quittant, d’abord, le Liban ? Sans doute. Le secrétaire général de la Ligue arabe, qui commence une tournée européenne dans quelques jours, a révélé que Bachar el-Assad a la ferme volonté de réaliser «un retrait » de ses troupes du Liban conformément à l’accord de Taëf. C’est une des premières fois que le n° 1 syrien s’exprime, certes indirectement, sur cette question « centre de gravité » du dossier libanais. C’est estimable. Sauf que, d’abord, c’était en harmonie avec cette ridicule habitude arabe du « selon ses visiteurs », et qu’il est urgent que la plus haute autorité syrienne s’exprime directement sur la question. Sauf que, ensuite, ces propos rapportés, de par l’absence flagrante de détails, de mécanismes d’application, de date, ont fini par être un simple effet d’annonce, un soufflé qui retombe. Sauf que, aussi, cela fait près de quatre ans que Damas (qui met visiblement beaucoup d’eau dans son vin) multiplie la même information, comme autant de variations sur le même thème : le redéploiement de ses forces armées. « On a applaudi le premier de ces redéploiements, le deuxième, le troisième ; au quatrième, les Libanais se sont carrément moqués de nous », a dit hier, sur la LBCI, un inflexible Samir Frangié. Sauf que, également, une prise de position quasi héroïque d’une soixantaine d’intellectuels syriens a été prise hier en faveur du retrait des forces de Damas du Liban et que l’information, fait inédit, est parvenue par l’AFP de la capitale syrienne même. Sauf que, encore, des sources iraniennes autorisées interrogées par al-Hayat ont clairement fait comprendre que si l’Iran (qui n’a visiblement aucune envie de voir le Hezbollah lui échapper) se tenait inconditionnellement aux côtés de la Syrie contre Israël, il n’en demeure pas moins qu’il « n’a aucune intention de soutenir la présence syrienne au Liban, parce que l’Iran tient à l’indépendance » de ce pays. Sans compter l’ambassadeur iranien à Paris qui a révélé la teneur d’une conversation qu’il a eue avec Rafic Hariri deux semaines avant l’assassinat de l’ancien Premier ministre : « Mon but stratégique est le départ des forces syriennes et le recouvrement de la souveraineté du Liban. Mon problème n’est pas le Hezbollah, mais la présence syrienne et ses exactions », avait dit le président-martyr à l’ambassadeur Sadek Kharazi. Sauf que, enfin, pendant la déclaration à la presse de Amr Moussa ou quelques heures à peine plus tard, les Libanais, l’opposition plurielle, George W. Bush et Jacques Chirac ont infligé, tour à tour, un cuisant zéro pointé à cet engagement syrien encore une fois louable mais totalement brumeux, et dont le timing semble apparemment avoir été bien calculé pour précéder le dîner de travail en terrain belge des locataires de la Maison-Blanche et de l’Élysée. Le tandem Bush-Chirac a même été jusqu’à éviter les sujets délicats – l’Irak – pour montrer aux yeux du monde que leur réconciliation doit beaucoup à leur énergie commune en faveur du Liban, malgré quelques petites divergences vite résolvables, comme d’éventuelles sanctions financières qui frapperaient les responsables libanais prosyriens et syriens. Ainsi, d’une même voix, les deux présidents ont appelé hier – une semaine après l’assassinat de Rafic Hariri – à un retrait « immédiat » de la Syrie du Liban. Et même si bon nombre de Libanais espéraient des mesures plus concrètes, plus radicales, plus flashy, il est clair que la position franco-US constitue un tournant qualitatif indiscutable. Cette objurgation temporelle claire, nette et précise des deux coparrains de la 1559 ressemble fort à un ultimatum qui n’a pas voulu, pour quelque raison que ce soit, dire son nom. La population libanaise et l’opposition plurielle (notamment parlementaire), de plus en plus efficace, ont elles aussi très clairement demandé hier au président syrien cité par Amr Moussa et, bien évidemment, au pouvoir imposé de revoir leur copie. La marée humaine qui a hurlé hier sur toutes les télévisions du monde son ras-le-bol de la tutelle syrienne et du pouvoir « marionnette » affichait hier une immunité et une cohésion réellement arc-en-ciel (communautaire, politique, sociale, générationnelle) en faveur d’un retrait syrien immédiat et total. Sans oublier que Samir Frangié a calmement rappelé hier devant un Élie Ferzli au bord de l’apoplexie, hanté par le spectre d’une guerre civile sunnito-chiite, que plus aucun Libanais ne se laissera manipuler ou humilier. Sans oublier non plus la victoire – parce que c’en est une – des députés de l’opposition, qui ont réussi à faire reculer le pouvoir, représenté en l’occurrence par Nabih Berry, sur ce qui a semblé dimanche soir, à Aïn el-Tiné, être une irréversible position, une fondamentale erreur : la loi électorale avant la vérité sur l’assassinat de Rafic Hariri, avant l’interpellation du gouvernement place de l’Étoile. Reste une invitation à un difficile voyage, sans doute identique à celui qu’a effectué il y a quelques années le Sinn Féin en Irlande. Elle a été transmise par Walid Joumblatt à Hassan Nasrallah, invité à « rejoindre les rangs des Libanais qui réclament la liberté et l’indépendance et qui ne veulent pas d’antagonisme avec la Syrie ». Le vrai dialogue est là. Avec la tutelle en moins. Ziyad MAKHOUL
Amr Moussa était-il à Damas, auprès de Bachar el-Assad, pour désoccidentaliser le combat en faveur de la souveraineté et de l’indépendance du Liban et, par conséquent, l’arabiser ? Essayait-il de ressusciter cette troïka saoudo-algéro-marocaine qui avait refusé en 1989 la conception très personnelle de la souveraineté libanaise par les autorités syriennes, auxquelles cette...