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Actualités - OPINION

Eclairage - La tournée européenne de Bush la semaine prochaine sera cruciale L’opposition plurielle au test de l’ukrainisation

«Le Liban n’est pas l’Ukraine », s’est désolé hier l’un des rares hommes politiques en qui les Libanais placent désormais tous leurs espoirs, Walid Joumblatt. Et pourtant. Ces 10 452 km2 ne sont certes pas, comme l’ex-République soviétique aujourd’hui démocratisée haut et fort par Iouchtchenko, aux portes de l’Union européenne ; ils ne bénéficient pas, du moins directement, donc rapidement, de cette promiscuité géographique avec l’Occident. Sauf que, de par sa position sur la carte proche-orientale, de par son histoire, ses spécificités, sa nature, ce pays-message est censé être le centre de toutes les énergies, de toutes les préoccupations de cet Occident en quête, depuis le 11 septembre 2001, d’un modèle de clonage heureux, de contamination positive du monde arabe, loin des fantasmes mortifères de chocs civilisationnels. Ce modèle pluriculturel, démocratique, convivial est unique dans cette région du monde : il s’agit du Liban. Sauf que ce modèle-là reste totalement inopérant et stérile tant qu’il est soumis à la tutelle syrienne et dirigé par un Exécutif « marionnette » qui ne doit son existence politique qu’au bon vouloir de Damas. « Le Liban n’est pas l’Ukraine. » Sauf que la communauté internationale, Washington et Paris en tête, est en train de donner, lentement mais sûrement – un peu trop lentement, pensent à raison les Libanais – des signaux prouvant sa volonté de commencer à inverser le feu vert donné par Henri Kissinger à la Syrie il y a plus de vingt ans. Au lendemain de l’escale beyrouthine lourde de symboles d’un Jacques Chirac maestro dans l’art de transcender une poignante et indéfectible amitié pour adresser, mine de rien, aux autorités libanaises et syriennes des messages politico-diplomatiques d’une aveuglante clarté, George W. Bush a pris, hier, le relais. Il a ainsi appelé Damas, assailli de toutes parts, ici comme là-bas, depuis l’assassinat de Rafic Hariri, à prendre « des décisions rationnelles », en menaçant la Syrie d’isolement dans le cas contraire. Une mesure dont la première étape, selon des sources diplomatiques recueillies par L’Orient-Le Jour de Washington, serait l’expulsion pure et simple de l’ambassadeur syrien aux États-Unis, Imad Moustapha. Sans compter l’allusion de Condoleezza Rice, hier devant le Congrès US – « Le président Bush se réserve le droit de n’écarter aucune option », a-t-elle dit –, ni la demande formulée par plusieurs sénateurs en faveur de sanctions plus sévères contre la Syrie. Quoi qu’il en soit, la tournée européenne la semaine prochaine du locataire de la Maison-Blanche sera cruciale. « Le Liban n’est pas l’Ukraine. » Sauf qu’hier, par milliers, spontanément, de leur propre initiative, affluant de partout, en costume ou en baskets, avec des croix ou en tchador, les Libanais ont paraphé un immense rouleau long de plus de 150 mètres appelant à la démission du gouvernement Karamé. « Musulmans et chrétiens, tous ensemble contre la Syrie, nous voulons indépendance et liberté », scandaient-ils à la lumière de centaines de bougies. La stupeur, les larmes, la colère, et maintenant l’ukrainisation, l’engagement. Avec des rendez-vous quotidiens désormais, où il faudrait voir chaque jour encore davantage de personnes. Et si les Libanais veulent que la communauté internationale bouge, qu’elle aide à la souveraineté du pays, à la protection de ses leaders et de ses habitants, à la fin de la tutelle syrienne, s’ils veulent qu’elle mette un terme à cette « dictature » assassine dénoncée par Bkerké, il faut faire comme à Kiev. Et pour faire comme à Kiev, il faut simplement, uniquement, que l’opposition nationale plurielle épaule les Libanais, qu’elle les encadre, qu’elle les canalise, qu’elle organise leurs meetings, facilite leurs sit-in, qu’elle les approvisionne en nourriture, en boissons, en tentes, en cabinets de toilette, en écharpes et bonnets vert cèdre ou n’importe quelle autre couleur, qu’elle assure le côté financier, qu’elle prépare les législatives, bref, en un mot comme en cent, qu’elle remplisse son devoir. Composée de formidables individualités qui vont se retrouver aujourd’hui au Bristol, cette opposition plurielle, qui bénéficie désormais de la présence des fils Hariri, devra consacrer la majorité de ses discussions à cette urgence, sans oublier la coordination avec la communauté internationale. Pour que le Liban devienne l’Ukraine. Ziyad MAKHOUL
«Le Liban n’est pas l’Ukraine », s’est désolé hier l’un des rares hommes politiques en qui les Libanais placent désormais tous leurs espoirs, Walid Joumblatt. Et pourtant. Ces 10 452 km2 ne sont certes pas, comme l’ex-République soviétique aujourd’hui démocratisée haut et fort par Iouchtchenko, aux portes de l’Union européenne ; ils ne bénéficient pas, du moins...