Rechercher
Rechercher

Actualités

Eclairage - L’opposition déclare la guerre au pouvoir et à son tuteur, disqualifiés par la communauté internationale

Le hasard, s’il existe, est capable des plus cruels des pieds de nez. Dans son édition d’hier, notre confrère as-Safir publiait en une les propos suivants qu’il a recueillis de Rafic Hariri : « La présence syrienne ne garantit pas la concomitance des deux volets, et le plafond de mon opposition, c’est Taëf », disait le maître de Koraytem. Des phrases qui ont sonné quelques heures à peine après que les lecteurs les ont parcourues comme un ahurissant testament politique. D’ailleurs, de très nombreux appels avaient été lancés (d’)un peu partout – et notamment dans ces mêmes colonnes – à Rafic Hariri pour que ses mots soient en accord avec ses actes, pour qu’il dise simplement : « Je suis dans l’opposition. » On aurait préféré attendre mille ans, avec plaisir, en se contentant des signaux qu’il envoyait et qu’il estimait être suffisants, plutôt que d’en avoir une preuve aussi ignominieuse. L’assassinat d’un des hommes politiques libanais les plus incontournables depuis cet accord de Taëf (dont Rafic Hariri est d’ailleurs l’un des parrains et auquel il est resté attaché jusqu’au bout) a déclenché plusieurs orientations définitivement irréversibles. Et posé une kyrielle de questions dont les réponses pourraient être données dans les prochains jours aussi bien que dans des lustres. D’abord, l’opposition. Elle a été, hier, incontestablement, à la hauteur de l’événement, à la hauteur des attentes de la très grosse majorité du peuple libanais. En faisant assumer au pouvoir libanais et son tuteur syrien, à partir de Koraytem même, la responsabilité de l’attentat d’hier ; en exigeant le départ du « pouvoir » qu’elle a accusé d’être triplement illégal, ainsi que le retrait total des troupes de Damas avant les législatives ; en exhortant la communauté internationale à protéger et seconder cette « nation captive » qu’est le Liban ; en assénant – notamment à l’adresse d’Émile Lahoud qui avait lancé l’invitation quelques minutes à peine plus tôt – que la rencontre de Koraytem tient lieu de seul congrès national possible et envisageable, cette opposition nationale plurielle a véritablement déclaré la guerre au binôme Baabda-Anjar, décuplant sa marginalisation et son discrédit aux doubles yeux de l’opinion publique locale et mondiale. La réaction de ce Bristol 4 auquel ont naturellement participé deux des fils Hariri est saine et rassurante, et vient gifler comme un magistral soufflet les fantasmes délirants de tous ceux qui pariaient sur sa décapitation, morale, financière, concrète, après l’assassinat de l’ancien Premier ministre. D’autant qu’elle a pris l’initiative de ne pas s’arrêter en si bon chemin, demandant aux Libanais « d’exprimer leur colère ». Et aux rues druzes et chrétiennes qui l’avaient précédée, la rue sunnite, pourtant pas très prompte aux effusions, a ajouté dès hier, de Saïda à Beyrouth, une voix de stentor pour réclamer le départ de la Syrie. Il est évident que cette opposition, individuellement et collectivement, a été douloureusement amputée, mais elle a réussi à montrer, dans un sursaut instinctif de survie, que son avenir n’était pas encore ruiné. À elle désormais de faire en sorte que Rafic Hariri ne soit pas mort pour rien, que sa disparition soit vengée, le plus démocratiquement du monde. Sachant naturellement combien le sort des prochaines législatives, indispensables pour espérer faire basculer de nouveau le Liban dans l’espoir et le rêve, est devenu depuis hier particulièrement incertain. Et comme si tout cela ne suffisait pas, le tandem Baabda-Anjar s’est retrouvé immédiatement pris en tenaille, soumis de plein fouet à la sentence de la communauté internationale, qui s’est empressée de le déconsidérer sans aucun état d’âme. En demandant une enquête internationale et en proclamant leur volonté de collaborer avec l’Onu pour punir les auteurs de l’attentat, Paris, Washington, Madrid et les autres ont implicitement signifié aux autorités libanaises tutellisées qu’elles ne sont absolument pas qualifiées pour faire la lumière sur ce crime. Et si l’on prend en compte les informations rapportées par des sources diplomatiques bien informées, selon lesquelles le Conseil de sécurité de l’Onu ne se contenterait pas d’une très prochaine déclaration présidentielle, mais qu’il envisage des propositions visant à amender la 1559 en y incluant le très punitif chapitre 7, la sentence est sans appel. Même si tout le monde sait que dans ces cas-là, une enquête et des résultats sont loin d’être choses acquises. À court et moyen terme, il y a deux options, toutes aussi radicales l’une que l’autre, résume un observateur averti de la scène libanaise. « L’autarcie absolue, l’état d’urgence, peut-être un gouvernement militaire. Ou alors, la délivrance, le départ des Syriens, un cabinet d’union nationale présidé par une personnalité de l’opposition. » À voir avec quelle rapidité la tragédie d’hier a boosté cette unité nationale à laquelle tenait tant Rafic Hariri, la deuxième option est loin d’être une chimère. Ziyad MAKHOUL
Le hasard, s’il existe, est capable des plus cruels des pieds de nez. Dans son édition d’hier, notre confrère as-Safir publiait en une les propos suivants qu’il a recueillis de Rafic Hariri : « La présence syrienne ne garantit pas la concomitance des deux volets, et le plafond de mon opposition, c’est Taëf », disait le maître de Koraytem. Des phrases qui ont sonné quelques heures...