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Actualités - ANALYSE

perspectives - Le camp prosyrien n’a à proposer que le maintien d’une situation de crise chronique À défaut de discours loyaliste porteur, le pouvoir acculé à des méthodes peu honorables

C’est à un spectacle très peu honorable que se livrent régulièrement le pouvoir et son tuteur syrien depuis la fin de l’année dernière, plus particulièrement depuis la prorogation du mandat présidentiel. Invectives, accusations lancées à la légère, faux pas, initiatives malheureuses et déclarations maladroites se succèdent à un rythme effréné, reflétant ce qui pourrait être perçu comme une réaction de panique face aux bouleversements venus ébranler le « confortable » fait accompli imposé au pays depuis une quinzaine d’années. En politique, comme dans l’art de la guerre, perdre l’initiative et être acculé à se contenter de réagir simplement aux événements constituent généralement un mauvais signe. Et cela fait surtout piètre figure. Comme ce fut le cas, tout récemment, lors de la rencontre de Aïn el-Tiné qui a paru singer en quelque sorte les assises du Bristol – même la formule de « comité de suivi » ainsi que l’angle de la photo souvenir, distribuée à la presse, n’ont pas été oubliés à cet égard. Mais le plus déplorable dans la conjoncture présente est le manque de consistance du discours officiel et l’absence d’arguments rationnels et convaincants de la part du camp loyaliste face au projet de l’opposition. Pour la première fois depuis le début de la guerre libanaise, un sérieux processus de réconciliation nationale est mis sur les rails. Pour la première fois dans l’histoire contemporaine du Liban, une vaste coalition pluraliste regroupant des forces vives représentatives de différentes communautés voit le jour sur base d’un document de travail bien défini. La seule réaction du pouvoir aura été de faire feu de tout bois, de recourir à des moyens d’une époque à jamais révolue (celle des anciens régimes soviétiques), pour tenter, désespérément, de torpiller cette entreprise de rapprochement et de dialogue intercommunautaires. Quant aux problèmes de fond, au projet politique, l’opposition propose aux Libanais un programme qui n’est plus l’apanage de la seule collectivité chrétienne mais qui bénéficie maintenant de l’aval de larges fractions musulmanes et druzes : retrait des forces syriennes ; recouvrement de l’indépendance et de la souveraineté nationales ; rétablissement de l’autonomie de décision du pouvoir central ; fin de l’immixtion des services de renseignements syriens et libanais dans la vie politique et la gestion de la chose publique… En résumé : refuser désormais que le Liban soit pris davantage en otage par le tuteur syrien et placer le pays sur la voie d’une véritable réconciliation nationale. En contrepartie, le pouvoir n’a comme argument que d’accuser les opposants de « collaboration » avec les États-Unis et la France (!), se contentant de lancer des slogans creux axés sur l’alliance « stratégique » avec la Syrie, la poursuite de la « résistance » face à Israël et le refus du désarmement du Hezbollah, comme l’ont affirmé ces derniers jours Hassan Nasrallah et Naïm Kassem, lesquels n’ont pas précisé – soit dit en passant – jusqu’à quand se poursuivra leur « résistance » et pendant combien de temps ils envisagent de conserver leurs armes. En clair, tout ce que le régime propose pratiquement aux Libanais, c’est le maintien du pays dans une situation de crise chronique dans l’attente du retrait israélien du Golan et de la réalisation d’une paix globale et définitive dans la région. Au nom de la raison d’État… syrienne, les Libanais sont donc invités à attendre, à se montrer plus syriens que les Syriens, au risque d’entrer en conflit avec la communauté internationale, le Conseil de sécurité, les États-Unis, la France et l’Union européenne… La maladresse extrême du pouvoir (si tant est qu’il a son mot à dire à ce sujet) est de placer les Libanais devant une alternative totalement irrationnelle : la perpétuation de la crise pour préserver les intérêts stratégiques de Damas, au lieu de la fin d’une tutelle qui n’a que trop duré. À l’évidence, le discours officiel sur ce plan ne saurait être porteur, surtout à la veille des législatives. Et le plus grave est qu’à défaut de discours porteur, le camp prosyrien n’a d’autre choix, pour contrer la dynamique du Bristol, que d’avoir recours à des méthodes militaro-sécuritaires ou de se livrer à une manipulation des lois et de l’appareil judiciaire. D’où les pièges dont sont truffés les articles 63 et 68 de la loi électorale. D’où l’inexcusable interpellation des quatre cadres de l’association sociale de Rafic Hariri, samedi, à Beyrouth. Une interpellation qui en dit long sur les intentions réelles du pouvoir en cette période électorale. Des intentions dévoilées d’ailleurs au grand jour par les diatribes enflammées du chef du gouvernement et du ministre de l’Intérieur contre l’ensemble de l’opposition, alors même que la présidence du Conseil et le ministère de l’Intérieur sont censés se cantonner à une attitude de neutralité pour assurer le bon déroulement du scrutin. Le pouvoir risque de se livrer dans les prochaines semaines à une longue série d’abus pour juguler ce que d’aucuns qualifient de « tsunami » politique et souverainiste qui déferle sur le pays. Plus que jamais, et compte tenu de l’enjeu historique de la bataille, la communauté internationale est appelée à faire preuve de vigilance à ce propos, comme l’a souligné à juste titre le président Jacques Chirac samedi. Et plus que jamais, l’opposition plurielle, dans toutes ses composantes, est tenue de renforcer sa cohésion et de consolider l’unité de ses rangs pour contrer les coups de boutoir des inconditionnels de la Syrie. Michel TOUMA

C’est à un spectacle très peu honorable que se livrent régulièrement le pouvoir et son tuteur syrien depuis la fin de l’année dernière, plus particulièrement depuis la prorogation du mandat présidentiel. Invectives, accusations lancées à la légère, faux pas, initiatives malheureuses et déclarations maladroites se succèdent à un rythme effréné, reflétant ce qui pourrait...