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Actualités - OPINION

Achever la laïcité

Depuis l’ère coloniale, le Moyen-Orient a été partagé entre une domination de type nationaliste laïque liée à la France et une domination de type nationaliste et religieux d’inspiration anglo-saxonne. Il est arrivé assez fréquemment que les deux formes de colonisation aient coexisté sur un même territoire et pour de longues périodes de temps. Ainsi en Égypte, déjà depuis le XIXe siècle, les Anglais géraient la grande politique alors que les Français tissaient des liens beaucoup plus individualisés à travers leurs ingénieurs et leurs écoles. À partir de la révolution nassérienne, un grand nombre de pays arabes se sont dotés de régimes politiques calqués sur la République française. Même Israël, État juif créé par les Anglo-Saxons, s’est voulu lui aussi laïc et a entretenu des rapports très étroits avec la France jusqu’en 68 environ. La plupart des organisations palestiniennes enfin, et l’Autorité palestinienne elle-même, se voulaient des organisations laïques sans rapport aucun avec la religion. La laïcité n’a pas réussi cependant à assurer le passage à la modernité qu’elle promettait. Si bien que tous les régimes s’en réclamant se sont progressivement étiolés pour n’être plus finalement que des reliques qui inspirent une certaine fidélité, mais rarement un mouvement dynamique et novateur. Arafat, dans les décombres de la Moqataa, symbolisait tout à fait l’étendue de ce déclin. Le colonialisme anglo-saxon a, depuis qu’il n’a plus à combattre le communisme, tendance à s’étendre au détriment de la laïcité. Ainsi l’agression américaine en Irak ne s’est pas attaquée à Ben Laden, mais à Saddam Hussein, obligé, lui, d’être laïc pour maintenir l’unité du pays. L’opposition de la France à cette agression est la preuve que, pour elle, l’enjeu dépassait largement une question d’éthique internationale et la touchait intimement dans son extension idéologique et coloniale. Partout où cela est possible, le colonialisme anglo-saxon a commencé par distinguer les communautés présentes. S’il n’y a pas plusieurs communautés, qu’à cela ne tienne, il importe des communautés de l’extérieur. La Palestine et l’Irlande en sont deux bons exemples. Dès qu’au moins deux communautés ont été distinguées, il instille entre elles le venin de l’égalité. Le soupçon finit toujours par surgir, que l’autre est plus favorisé, ce qui entraîne inévitablement une guerre endémique. À partir de là le processus acquiert un caractère automatique. Il suffit désormais, pour le colonisateur, de se laver les mains en comptant les coups. En Irak, les communautés se sont distinguées les unes des autres dès que le voile de la laïcité baassiste a été retiré. Il ne restait plus qu’à instaurer entre elles l’égalité. Le processus électoral démocratique était particulièrement approprié à cet effet. Comme on pouvait le prévoir, les Kurdes et les chiites se sont précipités aux urnes et les sunnites sont restés chez eux. Au lendemain des élections, l’Irak est désormais divisé en trois parties « égales ». Lorsqu’elles se seront suffisamment mobilisées les unes contre les autres, les Américains pourront alors aisément retirer leurs troupes… pour les envoyer ailleurs semer la démocratie. Deux nouvelles plaies viennent de s’ajouter sur le flanc du monde arabe. Après la plaie israélienne, il y en aura d’autres. Tous les protagonistes vont probablement habiter la jalousie et la haine de l’autre au lieu de s’habiter eux-mêmes. C’est le propre du colonisé que d’habiter sa peau, objet du regard de l’autre, plutôt que d’habiter son corps. Karim JBEILI Canada
Depuis l’ère coloniale, le Moyen-Orient a été partagé entre une domination de type nationaliste laïque liée à la France et une domination de type nationaliste et religieux d’inspiration anglo-saxonne. Il est arrivé assez fréquemment que les deux formes de colonisation aient coexisté sur un même territoire et pour de longues périodes de temps. Ainsi en Égypte, déjà depuis le...