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analyse - Chaises musicales électorales Un écueil sérieux pour l’opposition : la troisième liste

Gauche, droite, centre, chrétiens, musulmans. L’opposition est pluraliste. Partis, forums, Rencontres, Fronts, courants, blocs, indépendants. Elle est aussi plurielle. Un peu trop, en termes électoraux. Des 128 sièges à pourvoir, elle peut raisonnablement briguer une soixantaine. Si jamais Hariri, l’incassable inclassable, joue franc jeu. Beaucoup d’appelés, peu d’élus, dit l’adage : c’est par brassées de milliers qu’à chaque élection législative, l’on dénombre les postulants qui se sont fendus de la caution légale. Dans ce bordereau, l’opposition se trouve paradoxalement handicapée par sa forte popularité. Qu’assument, que se partagent des pôles entrés en politique sur base d’une assiette électorale héritée. Ou qui ont su l’acquérir par le verbe ou par l’action. Cette échelle des valeurs a certes ses gradations. Mais en temps d’élections, aucun apport n’est négligeable car chaque voix compte. Ce qui signifie qu’un simple zaïm de quartier peut avoir son mot à dire. Sinon pour entrer dans une liste, du moins pour en infléchir la composition. Et des régionaux de l’étape, comme on dit en cyclisme, l’opposition en compte quarante douze centaines. Considérations psychologiques L’opération de sélection de l’équipe gagnante se présente donc comme une bien difficile gageure. D’une complexité redoutable, car elle ne se limite évidemment pas aux éléments de l’arithmétique. Et touche à ce concept volatil que sont les rapports de force, toujours objet d’une évaluation aussi approximative que subjective. Chaque grenouille a en effet, naturellement, tendance à se croire aussi grosse que le bœuf. Chaque formation, ou presque, se prend pour indispensable, d’une manière ou d’une autre. Et cela vaut, évidemment, pour les individualités. Le danger de tiraillements est accentué par le fait, regrettable, qu’hormis le départ des Syriens, l’éviction des services, le rétablissement des libertés (ne disons pas de la démocratie : ce mot n’a qu’un sens vague), la coalition opposante n’est toujours qu’une tour de Babel. Sans fondations, sans plan architectural, sans programme commun cohérent. Pour la suite, car les élections, après tout, ce n’est que le début du chemin. Dans ces conditions, chaque option « para-idéologique » se définit elle-même comme étant le meilleur choix d’avenir pour le pays. Et, d’une manière tout à fait légitime, estime que l’intérêt national bien compris lui commande d’occuper, au soleil électoral, la plus large place possible. Ce genre d’émulation est cependant, à la fois, moins nocif, moins motivant et moins déterminant que la banale ambition intéressée. La nature humaine étant ce qu’elle est, on n’empêchera pas facilement les frustrés sinon de changer leur fusil d’épaule, du moins de tenter de se la jouer solo. Et, après le tri, ils risquent d’être légion. Démarquage D’où le péril pressant d’une troisième liste. Faisant les affaires du camp loyaliste. Notamment au Mont-Liban, ce cœur central du pays politique, ce flamboyant joyau sur lequel l’opposition fonde tant d’espoirs. Mais où il y a tant de pièges à éviter. Un exemple tiré de la petite histoire : en 72, dans le caza de Aley, l’émir Magid s’était retrouvé, pour la première fois, non pas aux côtés de Chamoun, mais en face. Seulement, sur le flanc des chamouniens, s’était créée une liste, animée par les Kataëb, qui leur avait raflé quelque 3 000 voix. Et le bloc Arslane avait pu rafler la mise. Aujourd’hui, comme c’est à peu près la même configuration de découpage que l’on reprend, le risque de dérapages redevient aussi pointu. Certes, globalement le caza arrange plutôt l’opposition. Un Boutros Harb, par exemple, a moins de soucis à se faire en s’arc-boutant sur son jurd que s’il devait être tributaire du Nord tout entier. Mais dans certains cas, dans plusieurs même, le fait du caza met encore plus en relief le rôle de notables locaux dont la candidature n’intéresse pas l’opposition sur le plan national. Ce qui veut dire que le souci d’une représentation de proximité, assurée par des députés « de service », risque d’éliminer des figures politiquement capables. Comme l’était jadis un Raymond Eddé. Traitement Tous ces problèmes, l’opposition en a profondément conscience. Et le prouve par ses assurances sans cesse répétées de veiller jalousement à préserver son unité « nationale ». Ces engagements tissent ainsi une sorte de charte d’honneur. Qu’il serait sans doute bon de mettre noir sur blanc dans un nouveau manifeste solennel. C’est cependant sur le plan concret que se présentent les vraies difficultés. Pour la sélection globale, il faut en passer, nécessairement, par un processus de négociations serrées. Or le temps presse, et le premier déblayage ne semble pas toujours entamé, même en coulisses. Le comité de suivi du Bristol, ou tout autre comité de sélection, va sans aucun doute se heurter à d’innombrables objections. Si jamais, d’ailleurs, il parvient à s’entendre sans heurts, sans portes claquées. La seule solution raisonnable, c’est la Rencontre de Kornet Chehwane qui le propose en prêchant d’exemple. Elle vient en effet de se doter d’un comité d’arbitrage formé de Fouad Boutros, de Michel el-Khoury et de Mgr Youssef Béchara. Il faut de toute évidence que le front d’opposition se dote à son tour d’un tel aréopage de sages. De toutes confessions, mais non pas de tous horizons. Car pour que leurs verdicts soient sans appel, ces juges à l’antique doivent être aussi neutres qu’impartiaux. C’est du reste cette même logique élémentaire que l’opposition met en avant en réclamant le changement d’un cabinet de trente, dont vingt-deux veulent passer de ministres parachutés. À députés. Jean ISSA
Gauche, droite, centre, chrétiens, musulmans. L’opposition est pluraliste. Partis, forums, Rencontres, Fronts, courants, blocs, indépendants. Elle est aussi plurielle. Un peu trop, en termes électoraux. Des 128 sièges à pourvoir, elle peut raisonnablement briguer une soixantaine. Si jamais Hariri, l’incassable inclassable, joue franc jeu. Beaucoup d’appelés, peu d’élus, dit...