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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE Il inaugurera son exposition et signera « Jet d’encres » ce soir, à 18h30, au CCF Les émotions graphiques de Jean-Marc Nahas (photos)

Jean-Marc Nahas parle à toute vitesse, pose trois questions et interrompt pour revenir assez rapidement à la réponse qu’il n’oublie jamais de donner. L’artiste libanais, qui s’apprêtait mardi dernier, entre deux quintes de toux, à achever l’immense fresque de dix mètres de long et deux de large qui orne l’un des murs de la salle d’expositions du CCF, est très satisfait de son travail, entre deux pirouettes enfantines. «Avec un pinceau et un encrier, j’ai voulu rendre hommage au dessin, précise-t-il d’emblée. D’ailleurs, je ne peins pas, je continue de dessiner.» Quand on admire les oranges ou les rouges dont il recouvre une partie de ses encres en noir et blanc, il rétorque, mi-amusé mi-sérieux: «La couleur, c’est du coloriage. Les pigments, un articfice. Le dessin parle pour lui-même.» Plus tard dans la conversation, il s’explique: «Je ne m’attarde pas sur l’accessoire.» Aucun doute, cet homme-là est fait pour l’encre, qu’il décrit à sa manière en se révélant quelque peu: «C’est une matière à la fois fluide et dense, je dirais un peu comme une force tranquille. Avec l’encre, on s’expose à une expression très rapide avec beaucoup de réflexion derrière.» Si bien qu’en un mois, Jean-Marc Nahas, immense travailleur, réussit à produire 1500 rectangles de taille égale qu’il décide de rassembler en une fresque intitulée Beyrouth mon amour. Même si le clin d’œil à Marguerite Duras est évident, l’artiste veut être clair: «Ce sont des émotions graphiques, pas littéraires.» Mais attention d’avancer un malheureux rapprochement avec la bande dessinée. «L’ensemble est une unité qui raconte qui je suis. C’est un travail séquentiel réalisé inconsciemment, qui va avec mes sentiments.» Dessinateur infatigable depuis l’âge de quinze ans, il montre avec une parfaite confiance dans sa technique ce qu’il appelle son «contrôle du noir». Alors qu’on s’étonne de l’entendre décrire son travail comme étant «abstrait», il s’explique: «Avec une tache, j’arrive à traduire une expression. À partir de là, je regarde un dessin dans son entier. Par la suite, tout s’installe tout seul. La tache, mais aussi le noir et le trait vibrent en moi.» Fantômes Cette fresque, avec quelques autres encres, a été en quelque sorte recomposée par Bassam Kahwagi, fondateur des Éditions Alarm, qui a publié, sous le titre Jet d’encres, les œuvres de son ami de longue date. «J’ai fait, finalement, un exercice inconscient dans lequel j’ai sorti mes tripes d’un jet, comme la couverture l’indique.» «Inconscient»: très employé par Jean-Marc Nahas, ce mot semble, pour lui, avoir la même signification que «douleur», «fantômes», autant de souffrances qui cachent poliment les souvenirs du conflit libanais. «Je n’ai pas eu envie de montrer des morts humains, alors je passe, par le biais de la pornographie, des cadavres de chiens.» C’est ainsi que de magnifiques hordes de chiens haineux, mais aussi des vaches – «celles qui ont tué les enfants pendant la guerre», confie-t-il mystérieusement –, des oiseaux, symbole de «tendresse», et bien d’autres motifs, ceux de l’univers intérieur de l’artiste, se déploient sur dix mètres. Jean-Marc Nahas aurait aimé bien plus. «Pendant le temps de l’exposition, à travers une projection, mes travaux seront collés les uns aux autres, à l’infini, comme s’ils crevaient l’écran.» Magnifique puzzle d’émotions vives, Beyrouth mon amour est une nouvelle incursion de Jean-Marc Nahas dans une société qui fait tout pour ne pas regarder ses souvenirs en face. Diala GEMAYEL Jusqu’au 4 mars, du lundi au vendredi, de 13h à 19h.

Jean-Marc Nahas parle à toute vitesse, pose trois questions et interrompt pour revenir assez rapidement à la réponse qu’il n’oublie jamais de donner. L’artiste libanais, qui s’apprêtait mardi dernier, entre deux quintes de toux, à achever l’immense fresque de dix mètres de long et deux de large qui orne l’un des murs de la salle d’expositions du CCF, est très satisfait de...