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Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB Vol d’essai

Quatre années de perdues – et avec elles plus de quatre mille vies humaines – puis, au bout du compte, l’inéluctable nécessité de repartir à zéro et même à moins de zéro. On n’a sans doute pas fini d’épiloguer sur les séquelles de cette provocante promenade d’Ariel Sharon sur l’esplanade de la mosquée al-Aqsa, laquelle mit le feu aux poudres dans les territoires palestiniens et entraîna une vague sans précédent d’attentats-suicide en Israël et une répression israélienne non moins barbare. Où en serait-on de la paix aujourd’hui en effet si le fatal engrenage ne s’était mis en mouvement, si la violence n’avait implacablement appelé la violence, si les attaques terroristes contre l’Amérique n’avaient achevé de sceller à outrance son alliance avec l’État hébreu, si, si ?... Parce qu’il a depuis longtemps son idée sur la question, ce qui lui valait d’ailleurs les crocs-en-jambe de Yasser Arafat alors qu’il n’était encore que Premier ministre, parce c’est lui-même qui a désormais charge de nation, Mahmoud Abbas vient d’arrêter les frais. Cessation totale et mutuelle des opérations militaires, libération de quelques centaines d’activistes palestiniens sur les 8 000 détenus dans les geôles israéliennes, évacuation prochaine de cinq villes majeures de Cisjordanie : c’est, grosso modo, un retour progressif à la situation prévalant à la veille de l’intifada qui a été convenu hier au sommet de Charm el-Cheikh. On reste évidemment sur sa faim quand on pense à l’impasse faite sur tous les dossiers politiques « chauds » (le mur de séparation, la colonisation juive, Jérusalem, le sort des réfugiés, etc...) ; et c’est cependant énorme. Pourchassés jusque dans leurs habitations par une machine militaire israélienne emballée et peu soucieuse des « dommages collatéraux», leur maigre infrastructure en ruines, les Palestiniens ont avant toute chose besoin, en effet, de reprendre leur souffle ; et de tenter une nouvelle fois, malgré les déceptions passées, de récupérer leurs terres par la seule voie de la négociation. Autant que de normalité toutefois, les Palestiniens ont besoin de considération internationale : celle-là même qu’avait su leur gagner jadis Arafat avant de disparaître en séquestré, en pestiféré, condamné sans appel qu’il était par l’unique superpuissance mondiale. Abou Mazen, lui, est persona grata à Washington, il a droit à l’admiration de George W. Bush et même Sharon se promet de l’accueillir dans sa ferme du Néguev. Il reste que le président de l’Autorité palestinienne va très vite devoir affronter ce même et cruel dilemme que ne pouvait se résoudre à trancher son historique prédécesseur : l’obligation de trêve vaut-elle ou non une action militaire contre les radicaux du Hamas et du Jihad avec tous les risques de guerre civile qu’elle peut impliquer ; surtout quand l’Autorité autonome bénéficie, comme ce sera bientôt le cas, des services d’un haut gradé américain, le général Ward, nommé coordinateur spécial en matière de sécurité ? C’est dire que l’accord de Charm el-Cheikh a surtout valeur de test et que même installé aux commandes, Mahmoud Abbas est dans la situation hasardeuse d’un pilote d’essai. Le banc d’essai – Sharon l’a clairement laissé entendre hier –, ce sera pour lui ce misérable bidonville de Gaza où les exactions et destructions israéliennes ne laissent que haine et rancune : Gaza, ce coupe-gorge où pullulent intégristes et jusqu’au-boutistes et que s’apprête à évacuer unilatéralement Israël avant toute réactivation sérieuse de la « feuille de route » établie par les puissances et prévoyant la création, cette année même, d’un État palestinien indépendant... Et les intentions de Sharon, qui donc se chargera de les tester ? L’Égyptien Moubarak et le roi de Jordanie, qui participaient au sommet de Charm el-Cheikh, n’auront pas attendu les premiers résultats pour décider le retour à leurs postes de leurs ambassadeurs en Israël, rappelés dès le début de l’intifada. Pour finir se pose, avec une acuité particulière pour nous Libanais, la question de savoir si ce premier pas franchi hier peut à son tour susciter d’autres percées régionales. Autant peuvent impressionner en effet la détermination des États-Unis et de la France à obtenir l’application de la résolution 1559 de l’Onu, de même que leur exigence d’élections « transparentes » dans notre pays, autant porte à l’inquiétude l’ostensible oubli dans lequel restent confinés les territoires syriens occupés, malgré les appels répétés de Damas à une négociation sans plus de conditions préalables. Vous voulez vraiment neutraliser la Syrie et ses menées « déstabilisatrices », Mrs Rice ? Cessez alors de la menacer d’isolement, ce qui ne fait en réalité que la pousser à se cramponner plus farouchement encore à ce même butin libanais que votre pays lui concéda naguère en reconnaissance de ses mérites, eh oui, « stabilisateurs ». La carotte libanaise a vécu ? Thank you America ; mais que cela ne vous empêche pas d’aller chercher quelque chose là où il faut : du côté du Golan !

Quatre années de perdues – et avec elles plus de quatre mille vies humaines – puis, au bout du compte, l’inéluctable nécessité de repartir à zéro et même à moins de zéro. On n’a sans doute pas fini d’épiloguer sur les séquelles de cette provocante promenade d’Ariel Sharon sur l’esplanade de la mosquée al-Aqsa, laquelle mit le feu aux poudres dans les territoires...