Rechercher
Rechercher

Actualités - RENCONTRE

L’ancien président de l’Ordre des ingénieurs appelle Hariri à déclarer publiquement son statut d’opposant Assem Salam : « Ce sont les ingérences des services syro-libanais qui ont paralysé les institutions »

«On met longtemps à devenir jeune. » La phrase est de Pablo Picasso, mais force est de constater qu’elle va comme un gant à Assem Salam. À plus de 80 ans, l’ancien président de l’Ordre des ingénieurs, doyen de l’opposition, déborde de fraîcheur. Et s’il a fait jusqu’à présent un parcours sans faute, caractérisé par la constance, l’audace, le franc-parler, une intégrité à toute épreuve et un sens de la discrétion et de l’humilité qui est l’apanage des grands, ce pilier de la scène beyrouthine semble bien parti pour vivre une nouvelle jeunesse. Ainsi, d’aucuns aimeraient le voir porter les couleurs de l’opposition plurielle – il réussit d’ailleurs le tour de force d’entretenir de bonnes relations avec toutes les parties de l’opposition, sans pour autant faire de concessions sur ses principes – à Beyrouth, dans la première circonscription. Ce qui est sûr, c’est qu’il serait bon de voir Assem Salam, qui suscite le respect partout, occuper plus souvent les devants de la scène. Et, pourquoi pas, faire bientôt ses premiers pas dans l’hémicycle du Parlement. Mais, loin d’avoir l’enthousiasme souvent peu mesuré de certains de ses cadets dans l’arène politique, M. Salam se démarque par son sens des nuances et sa lucidité. Pressenti pour former la liste d’opposition à Beyrouth pour les dernières municipales, il s’était finalement rétracté, n’ayant pas réussi à réunir autour de lui toutes les forces de l’opposition. Il est vrai qu’à l’époque, Rafic Hariri était l’adversaire désigné, mais que certains opposants refusaient de croiser le fer avec lui. Certes, tout est différent maintenant, et M. Hariri se retrouve l’allié de l’opposition. Ce qui ne réconforte pas pour autant Assem Salam, sceptique, prudent quant à la position de l’ancien Premier ministre, qui fit autrefois l’objet de ses critiques sur sa gestion sociale et politique du pouvoir. Qu’à cela ne tienne, M. Salam n’est pas rancunier. Il applaudit ainsi à l’élargissement des rangs de l’opposition, en mettant toutefois un bémol à son enthousiasme : « Le document du Bristol comporte une série de points, notamment un accord sur le principe de souveraineté et des libertés, une divergence de position sur la 1559 et une vision sociale et économique de la situation. Jusqu’à présent, Rafic Hariri n’a pas pris position clairement sur l’un de ces trois points. Il est insuffisant d’axer la bataille sur la prorogation. M. Hariri se rapproche petit à petit de l’opposition, qui a fait un effort considérable pour se retrouver sur des points communs. S’il veut nous rejoindre vraiment, il faut qu’il déclare ses intentions. » Et de préciser qu’il songera à se porter candidat au cas où il existe un consensus de tous les courants de l’opposition sur sa candidature. Et quel serait son programme politique ? « Je suis attaché aux positions du Renouveau démocratique, dont je suis membre », dit-il, à commencer par le rétablissement de la souveraineté et l’indépendance du pays, sans oublier l’exigence de justice sociale. Et, concernant le retrait syrien, il indique : « Ce qui me gêne, ce n’est pas le soldat syrien au check-point, mais l’ingérence des SR syriens dans les affaires politiques au quotidien. S’il est possible d’avoir une relation saine avec la Syrie, et de restituer aux Libanais la gestion de leur pouvoir, il n’y a pas de problème. Mais il nous faut retrouver notre indépendance totale, recréer le consensus interlibanais, en réédifier les institutions. » « Khaddam aussi était diplomate... » Interrogé sur la visite hier du vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Moallem, Assem Salam fait une fois de plus preuve de lucidité. « Il me semble qu’il s’agit là d’une ouverture vis-à-vis du Liban qui va dans le bon sens. Mais il ne faut pas oublier qu’autrefois, le dossier libanais était entre les mains de M. Abdel Halim Khaddam, qui était lui aussi un diplomate, comme M. Moallem. On peut dire que les résultats n’étaient pas très concluants. Peut-être que la conjoncture actuelle favorise plus l’ouverture », estime-t-il. Une manière comme une autre de plaider en faveur d’actes concrets de dialogue, à l’instar, hier, de M. Nassib Lahoud. Commentant par ailleurs les propos du président Bachar el-Assad sur l’incapacité des Libanais à édifier des institutions durant les quinze dernières années, M. Salam estime « que ce sont les ingérences des SR syriens et libanais au niveau de la présidence de la République, du Conseil des ministres et de la Chambre qui ont paralysé les institutions ». Le pouvoir des barricades Pour Assem Salam, les élections du printemps prochain pourraient être un tremplin en faveur d’un changement réel. Mais encore faut-il, pour cela, que la gestion par le pouvoir des élections soit impartiale et transparente : « La loi électorale reste insuffisante, même s’il est vrai que le caza est un plus pour l’opposition. Il faut que les élections soient réellement libres, ce qui, a priori, reste difficile, à voir les déclarations de certains ministres. Sauf que ceux qui ont le pouvoir de manipuler les élections doivent comprendre qu’il y aura un prix à payer si le scrutin n’est pas libre, parce qu’ils sont désormais sous surveillance internationale. » Concernant, dans ce cadre, le retour du général Michel Aoun au Liban, M. Salam met en garde contre le jeu auquel les autorités pourraient se livrer à travers ce dossier pour tenter de semer la confusion dans les rangs de l’opposition. « Si le général rentre pour faire front commun avec l’opposition, il est le bienvenu. La ligne politique du courant aouniste est claire depuis quinze ans, plus claire que celle des nouveaux opposants, en tout cas », souligne-t-il. Au sujet du découpage de Beyrouth, Assem Salam affirme qu’il s’oppose à un découpage confessionnel de la capitale, mais n’est guère étonné par la décision du pouvoir de suivre ce procédé. « Que peut-on attendre d’un pouvoir qui n’a pas initié la réconciliation nationale, et dont l’un des objectifs a été de transposer les vieilles barricades de la guerre dans l’esprit des citoyens. Au fil des années, à titre d’exemple, la marginalisation des chrétiens a consacré ces barricades », dit-il. Mais il ne pense pas pour autant qu’il soit bon de sacrifier l’ensemble de la loi électorale pour protester contre le découpage de Beyrouth. De l’audace, encore de l’audace... Assem Salam reste avant toute chose un démocrate, qui rejette « le sous-développement dans lequel les régimes arabes ont plongé le monde arabe ». Estimant que les Libanais ont tiré les leçons de la guerre, et qu’ils sont parvenus à un consensus sur « l’arabité et la finalité » du Liban, consacré par Taëf, il avoue, sans se départir un instant de sa laïcité, se demander souvent pourquoi certains Libanais hésitent encore à revendiquer la souveraineté du pays, loin de toute ingérence étrangère. « Je crois que les Libanais, toutes tendances confondues, sont attachés à la finalité du Liban, même si certains, notamment dans les milieux musulmans, continuent à manquer de courage pour revendiquer ouvertement leur attachement à la souveraineté. Certes, certains ont intérêt à ne pas le faire, et d’autres sont victimes de l’avortement de la réconciliation nationale que le pouvoir aurait dû réaliser après la guerre », dit-il. Est-il moins facile pour certains de dénoncer la tutelle syrienne sur le Liban ? « C’est une question que je me pose. Il se peut effectivement qu’il y ait un manque de courage. Mais les propos de Walid Joumblatt à l’USJ sont éloquents, dans ce sens : il a avoué qu’il n’avait pas l’audace, autrefois, de tenir un tel discours, mais qu’il se sent maintenant libre et réconforté », répond-il. Un aveu qui devrait en amener plus d’un, quelle que soit son appartenance, à faire son examen de conscience. Michel HAJJI GEORGIOU
«On met longtemps à devenir jeune. » La phrase est de Pablo Picasso, mais force est de constater qu’elle va comme un gant à Assem Salam. À plus de 80 ans, l’ancien président de l’Ordre des ingénieurs, doyen de l’opposition, déborde de fraîcheur. Et s’il a fait jusqu’à présent un parcours sans faute, caractérisé par la constance, l’audace, le franc-parler, une...