Spot - Sans l’opposition, les sanctions seraient déjà tombées L’intérêt enterré...

Le mot intérêt est intéressant. Distingué, il accepte au moins quatre acceptions distinctes. – D’abord, le bien, l’avoir, l’acquis, le potentiel à préserver ou à décrocher. – Ensuite, l’attention soutenue que l’on porte à quelqu’un, à quelque chose, à une cause, ou à la rose. – Ou, inversement, l’attrait que présente sa propre personne aux yeux d’autrui ou des truies. (Exemple : « Face à l’évêque, le Père Dupanloup soignait l’intérêt de sa dévotion », Philippe Émile, La Bergerie). – Enfin, le taux de bénéfice (à tant pour cent) que réserve un crédit. Ou une action... L’intérêt va donc du quasi-sublime, quand il est général, ou mieux encore national, au trivial et au sordide quand il est bassement matériel. Les deux concepts, et leurs innombrables intermédiaires, pouvant d’ailleurs se mélanger allègrement. Quand on parle rentrées dites touristiques en Thaïlande, par exemple. Il est possible, l’Adha le montre, que l’intérêt noble soit sacrifié à l’autel du sacré. Mais il est rare qu’il le soit (comme dans le film Samouraï où le seigneur franc-tireur met sa vie aux pieds de l’Empereur) à des fins de sujétion. Et le phénomène est unique quand il s’agit d’un État, comme le Liban. Même Vichy n’avait pas franchi ce pas de renoncement national face au voisin dominant, Pétain se retrouvant en fin de compte déporté par les Allemands. Aujourd’hui, le tableau est clair : le monde sensé offre à ce pays de le dissocier d’un conflit régional où, personnellement si l’on peut dire, il n’a plus rien à faire. Rien du tout : en mai de l’an 2000, le gouvernement libanais a bel et bien signé, à l’adresse de l’Onu, un quitus pour la 425 et pour la ligne bleue. Chebaa est une trouvaille, un prétexte, sans aucune valeur juridique. Mais qui, il faut le reconnaître, suffit pour garder le front du Sud demi-ouvert. Comme le souhaite la Syrie. Et comme le Liban, désespérément en quête de ressources, ou d’investissements, parce que la tutelle lui a tout pompé ou presque, ne devrait jamais le vouloir. Autre chose : la 1559. Le pouvoir et ses mentors étrangers veulent la rattacher comme un wagon-remorque au convoi du processus régional. Alors qu’il ne s’agit pas, pas du tout, d’une résolution ouvrant explicitement la voie à des négociations sur la terre. Mais d’un verdict sec. Car, répétons-le, le Liban n’a plus de contentieux territorial à négocier. Et ce n’est quand même pas à lui de récupérer ce Golan qui reste si soigneusement calme. Enfin, aux approches des élections, les loyalistes accusent presque l’opposition de trahison, au titre qu’elle s’appuie sur la 1559. En oubliant que s’il n’y avait pas eu cette même opposition, et les espoirs de démocratisation libertaire qu’elle porte, on n’aurait laissé au Liban aucune chance, aucun répit. Et il aurait été lourdement puni. Jean ISSA