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Actualités - OPINION

perspectives - L’option du caza, un piège, une manœuvre ou le fruit d’une volonté syrienne de redéfinir les relations avec le Liban ? Deux conditions simultanées pour assurer le succès de l’opposition plurielle

C’est donc cette semaine, sauf revirement de dernière minute, que le Conseil des ministres devrait débattre du projet de loi électorale qui sera transmis dans les vingt-quatre heures par le ministre de l’Intérieur aux membres du gouvernement. La fronde des ministres « arslanistes » et celle des ministres représentant Nabih Berry ne devraient pas empêcher, en principe, le cabinet d’avaliser la proposition de Sleimane Frangié d’organiser le scrutin du printemps prochain sur base des cazas, conformément à la formule de 1960. Comme l’a souligné le ministre de l’Intérieur lui-même, l’option du caza place le pays devant un paradoxe quelque peu désemparant : le président de la République et l’opposition plurielle, plus particulièrement le Rassemblement de Kornet Chehwane (qui a été le premier à réclamer un retour à la loi de 1960) se retrouvent dans le même camp quant au choix de la circonscription électorale, tandis que des fractions considérées comme étant très proches du régime, notamment l’émir Talal Arslane et le PSNS, mènent campagne contre l’option prônée ouvertement par le président Émile Lahoud. Le soutien de Baabda à la très ancienne requête de Bkerké et de Kornet Chehwane concernant un retour à la loi électorale de 1960 constitue-t-il un piège tendu à l’opposition, une manœuvre habile, ou reflète-il, au contraire, une volonté syrienne d’ouvrir, enfin, une nouvelle page dans ses rapports avec le Liban ? Dans la mesure où Damas continue toujours, malgré les allégations contraires, de tirer les ficelles sur la scène libanaise, le régime de Bachar el-Assad a-t-il abouti à la conclusion qu’il ne peut négliger indéfiniment les spécificités du Liban et ignorer plus longtemps la nouvelle attitude de la communauté internationale, telle qu’exprimée par l’incontournable résolution 1559 ? Auquel cas, un tel sursaut serait-il le signe avant-coureur d’un revirement plus global, plus stratégique, de Damas, portant sur ses options régionales et internationales ainsi que sur sa politique économique ? La dernière proposition du régime syrien, via des émissaires occidentaux, de relancer les négociations de paix avec Israël serait-elle sérieuse ou n’est-elle que de la poudre aux yeux, une tentative de désamorcer quelque peu la pression internationale ? Difficile d’apporter une réponse tranchée à de telles interrogations. Mais force est de relever, dans le registre de la politique économique, que l’un des proches conseillers du président Assad, Abdallah Dardari, président de l’Autorité de planification de l’État, a souligné en octobre dernier, dans une interview parue dans as-Safir, que l’adhésion de la Syrie au partenariat euro-méditerranéen signifie que le pouvoir syrien a définitivement fait le choix d’engager le pays sur la voie de l’économie de marché et de l’ouverture, avec tout ce que cette option implique (et nécessite) comme réformes impératives aux plans politique, judiciaire et administratif. Ce changement (historique) de cap, s’il se confirme dans la pratique, aurait-il des incidences sur la perception qu’avait Damas, jusqu’à présent, du dossier libanais ? Le ministre Albert Mansour estime, comme il l’a déclaré le week-end écoulé dans une interview à la LBCI, que le pays se trouve effectivement devant une opportunité sérieuse de redéfinir sur des bases plus équilibrées, plus rationnelles, les relations libano-syriennes. Le projet de loi électorale serait l’une des manifestations de cette nouvelle opportunité. Mais les plus sceptiques, en bons disciples de saint Thomas, craignent que l’alignement du président Lahoud sur la proposition du caza ne cache en réalité un piège ou une quelconque manœuvre. Le leader du PSP, Walid Joumblatt, a mis en garde à la fin de la semaine dernière contre une éventuelle « métamorphose » que risquerait de subir à la Chambre le texte approuvé par le gouvernement. Le Premier ministre n’a pas écarté une telle éventualité, à l’instar du chef du Législatif qui s’est subitement souvenu, pour les besoins de la cause, du principe de la séparation des pouvoirs. Si une telle manœuvre se confirme, le régime se serait ainsi dédouané aux yeux de la communauté internationale, de Bkerké et de l’opposition, rejetant sur la « majorité parlementaire » la responsabilité du parachutage d’un découpage des circonscriptions façonné sur mesure, à la taille des alliés de la Syrie. Un autre scénario est également avancé par certains observateurs : la persistance des divergences autour de la loi électorale au sein du Parlement pourrait avoir pour conséquence... un report pur et simple du scrutin. Mais dans un cas comme dans l’autre, la ficelle serait trop grosse, du fait que ce sont précisément les alliés les plus fidèles de Damas qui font de l’obstruction pour court-circuiter toute velléité de donner satisfaction à Bkerké. Se trouverait-on, donc, face à un piège tendu à l’opposition ? Ce cas de figure n’est pas à écarter, car l’option du caza pourrait être une arme à double tranchant si le pouvoir fait fi de la position de la communauté internationale et s’emploie à faire usage de toute la batterie de moyens dont il peut disposer pour contourner la volonté réelle des électeurs. Avec les petites circonscriptions, les naturalisés acheminés par bus à travers les frontières syriennes ont ainsi plus de poids, d’un point de vue numérique, que dans le cas de circonscriptions élargies. En outre, avec les cazas, le pouvoir est en mesure de jouer plus aisément la carte des notabilités traditionnelles régionales pour juguler la dynamique du Bristol. Et les Services militaro-sécuritaires, aussi bien libanais que syriens, peuvent plus efficacement exercer des pressions sur les électeurs pour influencer leur comportement le jour du scrutin. Autant de facteurs sur lesquels les décideurs espèrent sans doute miser mais qui peuvent être facilement neutralisés si la communauté internationale fait preuve d’un haut degré de vigilance, comme ne cessent de l’affirmer les dirigeants et les ambassadeurs français et américains et comme l’a souligné il y a quelques jours la troïka de l’Union européenne. Ces mêmes paramètres peuvent aussi être en grande partie neutralisés si les diverses composantes de l’opposition plurielle font preuve de maturité, si elles montrent qu’elles sont capables de demeurer solidaires, d’unifier leurs rangs, de s’organiser et de planifier minutieusement la bataille électorale. La vigilance de la communauté internationale et la maturité politique de l’opposition plurielle : deux conditions simultanées qui, si elles sont satisfaites, peuvent engager, enfin, le Liban sur la voie de l’indépendance, de la souveraineté, de la décision libre. Et de la démocratie enfin retrouvée. Michel TOUMA
C’est donc cette semaine, sauf revirement de dernière minute, que le Conseil des ministres devrait débattre du projet de loi électorale qui sera transmis dans les vingt-quatre heures par le ministre de l’Intérieur aux membres du gouvernement. La fronde des ministres « arslanistes » et celle des ministres représentant Nabih Berry ne devraient pas empêcher, en principe, le cabinet...