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Actualités - OPINION

EN DENTS DE SCIE - Le naturel au galop

Troisième semaine de 2005. Les voies du duopole Baabda-Anjar sont décidément encore plus impénétrables que celles du Seigneur. Après avoir leurré et trompé l’opinion publique pendant de longues années en faisant croire que le caza dynamiterait à la fois l’union nationale, la coexistence et les fondements mêmes de la société libanaise, le pouvoir et son tuteur décident, à quelques retouches près, d’adopter, au cœur de la future loi électorale, le... caza. Et peu importent les cris d’orfraie d’un Nabih Berry tétanisé par la simple idée d’une disparition pure et simple de ses bulldozers et autres tracteurs-pelleteuses électoraux, et qui devra se battre désormais – du moins en principe – avec les moyens légaux pour prouver sa popularité, notamment au sein de sa communauté... Peu importent aussi ceux, moins exhibés certes, d’un Omar Karamé persuadé que cette petite circonscription permettra à l’un ou à l’autre (notamment de ses ministres) de le poignarder dans le dos, maintenant que semble s’évanouir toute chance d’une quelconque alliance avec la très populaire Nayla Moawad... Peu importent, surtout, les mises en garde et les appréhensions pour une fois justifiées d’un Rafic Hariri qui semble avoir compris, mieux vaut tard que jamais, que l’argent ne fait certes pas le bonheur, mais qu’il ne peut pas non plus tout acheter. Ce bienvenu lapin que le pouvoir et son tuteur ont tiré de leur chapeau à tiroirs – mais qui reste encore à confirmer, bien avant le Conseil des ministres ou le Parlement, puisque tout le monde connaît la propension de ce régime à multiplier, en les mouillant de curare, les ballons d’essai – est depuis quelques jours au cœur de toutes les conversations. Naturellement. D’aucuns, un peu candides, naïfs, pétris de bons sentiments, voient dans ce deus ex machina aux relents d’eau de rose une intervention divine, qui s’est dépêchée d’inculquer au duopole Baabda-Anjar et à ses lieutenants le sens des responsabilités, la conscience du service public, la flamme démocratique... D’autres se demandent si le très puissant – et très « gâté » si l’on en croit le cinglant effendi – ministre de l’Intérieur ne serait pas finalement, en digne petit-neveu de Hamid Frangié et petit-cousin de Samir Frangié, un démocrate qui s’ignore – à moins qu’il ne soit déjà en train de préparer le terrain et les esprits, au sein de sa communauté, « pour dans trois ans »... D’autres encore rappellent, au sujet de l’attachement que l’on dit indiscutable d’Émile Lahoud au caza, qu’en leur temps, chacun des présidents de la République depuis l’indépendance (Camille Chamoun et Élias Sarkis notamment...) s’est souvenu, plus ou moins tôt, des préoccupations, des attentes, des doléances et des obsessions de la communauté à laquelle il appartient. Quant à ceux qui restent – la majorité des Libanais –, ils regrettent sincèrement que le régime et son tuteur aient attendu d’être sous le microscope international et dans l’œil du cyclone 1559 pour enclencher ce que tout le monde attendait d’eux : un nécessaire, un salvateur sursaut républicain. Qui passe obligatoirement – qui commence même – par une loi électorale saine, juste et représentative, centrée, par exemple, sur ce fameux caza. Reste à savoir désormais si le but de tout cela – ballon d’essai ou décision irrévocable – n’est pas finalement de diviser une opposition de plus en plus soudée, de plus en plus plurielle, même si Pierre Gemayel a raté cette semaine une magnifique occasion de se taire... Reste à savoir si ce pouvoir, qui vient de sortir sa panoplie de pompier, ne s’en retournera pas très vite à ses amours pyromanes... Reste à savoir, surtout, dans quelle mesure cette loi à venir s’accompagnera sur le terrain d’un scrutin aussi propre et aussi démocratique. Un contrôle international est d’ailleurs indispensable si l’on veut éviter que ne soient rallumés des feux dans tous les cas mal éteints. Parce que, même quand il est chassé... Ziyad MAKHOUL
Troisième semaine de 2005.
Les voies du duopole Baabda-Anjar sont décidément encore plus impénétrables que celles du Seigneur.
Après avoir leurré et trompé l’opinion publique pendant de longues années en faisant croire que le caza dynamiterait à la fois l’union nationale, la coexistence et les fondements mêmes de la société libanaise, le pouvoir et son tuteur décident, à...