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Actualités - OPINION

Analyse - Le gouvernement espère semer la confusion dans les rangs de l’opposition Un projet de vingt-huit circonscriptions avec pour unique critère le caza

La balle est désormais dans le camp du Parlement. En dépit des divergences, des considérations politiques ou personnelles et des contraintes régionales, le ministre de l’Intérieur présentera au cours des prochains jours le projet de loi électorale qu’il a préparé et qui sera soumis au Conseil des ministres avant d’arriver au Parlement au début du mois. Contrairement à tout ce qui se dit dans la presse sur la réunion quadripartite tenue lundi dernier à Baabda pour étudier les différentes formules proposées, l’atmosphère y était calme et détendue. Selon une source quasi officielle, Lahoud, Berry, Karamé et Frangié se sont mis d’accord pour un découpage électoral qui serait basé sur les cazas actuels, sans aucune modification. Ce ne serait donc pas la loi de 1960, qui avait admis quelques exceptions, certains cazas ayant été regroupés en un seul (Baalbeck-Hermel, Hasbaya-Marjeyoun et Rachaya et Békaa-Ouest) et d’autres divisés. Tel le cas de Saïda et Zahrani qui ne forment qu’une seule région administrative. À la redécouverte des cazas Le projet qui sera soumis au gouvernement respecte donc les divisions administratives actuelles et fait des 25 cazas du Liban 25 circonscriptions électorales, auxquelles il faut ajouter les trois circonscriptions de Beyrouth. Ce qui donne le découpage suivant : Liban-Nord : 7 circonscriptions : Akkar, Bécharré, Tripoli, Zghorta, Batroun, Koura, Denniyé-Minyé. Békaa : 5 circonscriptions : Hermel, Baalbeck, Zahlé, Békaa-Ouest et Rachaya. Sud : 7 circonscriptions : Saïda-Zahrani, Tyr, Jezzine, Bint Jbeil, Nabatiyé, Marjeyoun et Hasbaya. Mont-Liban : 6 circonscriptions : Jbeil, Kesrouan, Chouf, Aley, Metn et Baabda. L’objectif ? Assurer d’abord une meilleure représentativité en mettant en valeur les liens de proximité existant entre les électeurs et leurs élus et satisfaire aussi les exigences du patriarche maronite, comme l’avait promis le chef de l’État. Beyrouth n’étant pas divisé en cazas, les découpages administratifs sont là aussi retenus, avec le souci déclaré d’empêcher qu’une majorité ne dicte sa volonté aux minorités. Ce qui donne le paysage suivant : trois circonscriptions à découpage vertical, comme en 1960 ; la première à dominante chrétienne : Achrafieh, Rmeil, Saïfi, Médawar, Minet el-Hosn, port ; la seconde à dominante sunnite : Mazraa, Mousseitbé, Ras Beyrouth ; la troisième où les Arméniens et les chiites se partageront l’électorat : Zokak el-Blatt, Bachoura, Aïn Mreissé. Pour le gouvernement, promesses tenues Par ce projet, le gouvernement et le pouvoir considèrent qu’ils ont tenu leurs promesses : un critère identique pour toutes les circonscriptions, sans manœuvre et arrangements qui pourraient laisser croire qu’il s’agit de favoriser une partie par rapport à une autre et un découpage qui devrait assurer une meilleure représentativité ouvrant ainsi la voie parlementaire aux divers courants de l’opposition. Mais au-delà de ces considérations générales, ceux qui ont concocté ce projet ont voulu aussi provoquer une redistribution des cartes sur la scène politique libanaise. Ce n’est pas par hasard que le ministre de l’Intérieur, Sleimane Frangié, avait déclaré la semaine dernière que lors de la publication du projet, certains loyalistes deviendront opposants et des opposants se retrouveront dans le camp des loyalistes. En fait, le pouvoir a voulu montrer que face au projet, les candidats n’auront plus qu’un souci : trouver les bonnes alliances qui leur permettront de remporter la victoire. De la sorte, l’opposition ne pourra pas se présenter aux élections en rangs unifiés. À Beyrouth par exemple, les parties opposantes chrétiennes n’auront pas besoin de s’allier à l’ancien président du Conseil, Rafic Hariri. Il en sera de même pour les Arméniens et les chiites. De plus, ce découpage devra ouvrir la voie à des dissensions au sein de chaque camp, puisque la rivalité se fera entre candidats d’une même communauté et parfois d’un même camp politique. Bref, selon certains observateurs, ce projet devrait provoquer de grands bouleversements sur la scène politique, dont le pouvoir et le gouvernement espèrent tirer profit pour crédibiliser leurs options. Selon eux, le véritable problème ne sera donc plus ni dans les interventions syriennes ni dans les manœuvres sécuritaires, mais bien dans la mentalité de la classe politique libanaise et les slogans retentissants ne devraient pas résister longtemps face aux intérêts personnels. Un changement éventuel des équilibres parlementaires Les experts estiment toutefois qu’il s’agit là d’un jeu dangereux qui pourrait se retourner contre ceux qui croient le mener. D’abord, le découpage en cazas ouvrira la voie à l’entrée au Parlement de divers courants de l’opposition, et même s’ils n’ont pas noué des alliances pour remporter la victoire, ils n’en seront pas moins là et pourront s’allier en tant que députés pour modifier l’équilibre parlementaire. Ensuite, la petite circonscription favorise les discours extrémistes et communautaires. On commence d’ailleurs à l’entrevoir dans les propos de certains candidats potentiels : la radicalisation des positions, l’appel aux instincts communautaires ; bref, cela annonce un climat malsain pour les prochains mois. Malgré tout, le pouvoir semble décidé à tenter l’aventure, convaincu que son intérêt réside dans le démantèlement des grands blocs parlementaires et dans une diversité politique, qui empêchera l’émergence de grands fronts. Et il reste convaincu qu’il obtiendra la majorité des sièges parlementaires, quelle que soit la formule adoptée. Sans compter le fait que ce découpage lui permettra de redorer plus ou moins son image auprès de la communauté internationale. Restent les dissensions intergouvernementales et entre le gouvernement et le président de la Chambre. Selon la source quasi officielle, Berry n’aurait pas été hostile à la formule lors de la réunion de Baabda, étant déjà assuré de conserver son leadership, après s’être entendu sur ce point avec le Hezbollah. Ses protestations seraient donc essentiellement destinées à la consommation interne. De leur côté, certains ministres se sentiront certes lésés par ce découpage, mais il n’est pas non plus question d’adopter une formule faite sur mesure pour ceux-là. Ni la situation internationale ni les enjeux internes ne justifieraient une telle démarche. Enfin, le sort du projet sera définitivement scellé au Parlement et nul n’empêchera les députés d’y apporter les amendements qu’ils désirent. La balle est dans leur camp. Scarlett HADDAD
La balle est désormais dans le camp du Parlement. En dépit des divergences, des considérations politiques ou personnelles et des contraintes régionales, le ministre de l’Intérieur présentera au cours des prochains jours le projet de loi électorale qu’il a préparé et qui sera soumis au Conseil des ministres avant d’arriver au Parlement au début du mois. Contrairement à tout ce qui...