Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Société - Les frais exorbitants des mariages sont contraires à l’islam, affirme le responsable d’un parti islamiste Au Pakistan, les noces somptueuses sont interdites pour protéger les pauvres (Photo0

Uzma Riaz était radieuse dans sa robe de soie rouge, les mains recouvertes de henné pour le jour le plus important de sa vie. Nerveuse aussi, car elle ne pouvait offrir à ses invités... qu’un bol de soupe, sur ordre de la Cour suprême pakistanaise. Uzma, 23 ans, et Mohammed Mohsin, 26 ans, mariés depuis décembre, sont parmi les premières victimes d’une récente décision de la plus haute instance judiciaire du Pakistan interdisant les fastueuses célébrations de mariage qui avaient cours dans ce pays. Comme ailleurs en Asie du Sud, ces épousailles opulentes duraient parfois jusqu’à cinq jours, accompagnées de divers rituels, de mets raffinés et de danses qui permettaient jusque-là d’asseoir un statut, et constituaient une part très importante de la vie sociale. Elles endettaient aussi des familles à vie, au point que la cour suprême a décidé en novembre 2004 qu’une loi de 1997 interdisant les mariages dans des lieux publics devait être strictement appliquée. Les hôtels et halls de cérémonie ne peuvent désormais servir que des rafraîchissements, et les repas doivent être pris en privé et servis uniquement aux invités venus d’ailleurs. « Nous n’avons servi que de la soupe dans le hall de cérémonie, puis un repas chez nous, ce qui nous a coûté le double », explique le père d’Uzma, Riaz Ahmed, fonctionnaire de niveau moyen. La décision de la cour suprême a entraîné un vif débat. Les organisations de défense des droits de l’homme et les religieux y voient une avancée importante qui permettra de combattre la misère touchant près d’un tiers des 150 millions de Pakistanais. Traiteurs, hôtels et fournisseurs affirment pour leur part frôler la banqueroute, et des familles comme celle d’Uzma déclarent que l’interdiction a renchéri le prix de la célébration tout en lui enlevant son charme. Au Pakistan, les familles épargnent pour la noce dès la naissance des enfants. Un mois avant le mariage, il y a les « dholkis », des danses pour les amis des promis. Puis le « mayoun », où l’on enduit la fiançée d’herbes, suivi du « mehndi », la cérémonie du henné. Enfin on invite au « shadi », fastueuse célébration organisée par la famille de la promise, qui se termine sur le « valima », fête préparée le lendemain par celle de l’époux. Les célébrations les plus ordinaires ne coûtent pas moins de 100 000 roupies (1 679 dollars), soit trois fois et demi le salaire annuel du Pakistanais moyen. Une famille de classe moyenne dépense au moins cinq ou dix fois plus, tandis qu’un mariage de haute volée revient souvent à plusieurs millions de roupies. Ces dépenses représentent une « grande menace sociale », estime Naeem Mirza, membre d’une association de défense des droits de la femme, Aurat Foundation. De tels frais sont aussi contraires à l’islam, selon Ghafoor Ahmed, vice-président du principal parti fondamentaliste, le Jamaat-i-Islami. « L’esprit de la décision est de soulager les gens pauvres », argumente-t-il. Mais les mariages alimentent aussi une activité économique importante. « C’est une catastrophe absolue pour les entreprises de mariage et pour les familles », se plaint Nadeem Qadir, directeur général de l’Holiday Inn de Lahore, en ajoutant qu’il serait préférable de limiter les banquets à un plat. L’interdiction affecte la base même de la société pakistanaise, où l’alcool est interdit, et la socialisation se fait essentiellement autour des repas, ajoute-t-il : « Ces mariages, c’est la principale distraction ici. » Adnan Bari, directeur d’Hanif Rajput, un traiteur d’Islamabad, affirme pour sa part avoir déjà dû licencier du personnel. « Laissez-les souffrir. Ils ont déjà fait beaucoup de bénéfices sur le dos des pauvres, répond M. Mirza. Cette industrie fait la promotion de la gloutonnerie, qui est péché dans toutes les religions. »
Uzma Riaz était radieuse dans sa robe de soie rouge, les mains recouvertes de henné pour le jour le plus important de sa vie. Nerveuse aussi, car elle ne pouvait offrir à ses invités... qu’un bol de soupe, sur ordre de la Cour suprême pakistanaise.
Uzma, 23 ans, et Mohammed Mohsin, 26 ans, mariés depuis décembre, sont parmi les premières victimes d’une récente décision de la plus...