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Actualités - OPINION

Le choix du code électoral, une réponse à l’opposition et à la communauté internationale Le pouvoir perméable aux pressions extérieures autant qu’intérieures

L’accord conclu entre les dirigeants au sujet du code électoral, qui reprend les bases cazas de 1960, prouve que le pouvoir obéit à des considérations extérieures autant qu’intérieures. Il s’agit, tout à la fois, de faire risette aux Franco-Américains et de contenir la grogne de l’opinion locale qu’illustre la montée en puissance de l’opposition. Gommant leurs différends, pourtant vifs, les trois présidents s’en remettent au ministre de l’Intérieur, Sleimane Frangié. Pour une mouture retenant le caza (24), Beyrouth devant être divisé en trois à la verticale, pour éviter que l’Est ne tombe dans l’escarcelle de l’Ouest. Il faudra également plafonner les dépenses de campagne. Dont les mécanismes médiatiques seront réorganisés. À travers une refonte du fameux article 86, jugé inique par la plupart des politiciens, dont on s’était servi pour saquer la MTV. Ces dernières années, le député Salah Honein avait vainement tenté de faire amender cet article qui semble désormais promis au pilon. Dans l’ensemble, le pouvoir, se sachant sous étroite surveillance internationale, a voulu éviter de prêter le flanc à un surcroît de critiques. C’est pourquoi il s’est résolu à adopter le caza, formule populaire, soutenue par de grands pôles comme Bkerké ou Baabda. Le pouvoir sait en effet que l’Occident sait qu’il se trouve déjà accusé de parti pris flagrant. À cause du fait, rédhibitoire en démocratie consensuelle, que les deux tiers des ministres d’un cabinet transitoire d’élections sont candidats à la députation. En adoptant le caza, les responsables s’épargnent l’accusation de chercher à procéder à un découpage électoral sur mesure, pour favoriser les loyalistes. Il bénéficie ensuite du crédit de l’histoire, dans ce sens que la formule de 1960 s’était montrée si valable qu’elle avait pu servir jusqu’en 1992. Sur le plan strictement local, l’orientation imprimée par le chef de l’État a sans doute été déterminante. Le président Émile Lahoud a tenu en effet à ce que l’on ménage le point de vue de Bkerké. Mais aussi, étrangement, celui d’Omar Karamé et de Hussein Husseini qui, au sortir des élections de l’an 2000, avaient dénoncé le mohafazat et réclamé à cor et à cris le caza. Une fois (re)devenu président du Conseil, Karamé a oublié ses précédentes récriminations, pour s’inscrire comme partisan du mohafazat. Il a cependant, ainsi que Berry, fini par entendre raison (d’État). Lorsqu’on lui a fait remarquer que le pouvoir serait soupçonné de triche anticipée s’il procédait, encore une fois, à un découpage discrétionnaire des circonscriptions. Le président Lahoud a fait valoir que la petite circonscription répond le mieux aux critères de vraie représentation de proximité. En empêchant la reprise de la douce manie des bulldozers, des bus et autres parachutages massifs de parfaits inconnus. Pour compenser, le camp loyaliste lorgne vers un avantage théorique : le caza devrait rendre plus difficile la constitution de grands blocs parlementaires. Certes, le fidèle Berry pourrait en pâtir. Mais les loyalistes espèrent que ni Rafic Hariri ni, surtout, Walid Joumblatt ne se retrouveraient à la tête de groupes compacts. Un calcul peut-être un peu simpliste. Car, par le jeu des alliances, l’un et l’autre leaders semblent en mesure de garder leurs forces intactes. Quoi qu’il en soit, le retour à la formule de 1960 (légèrement amendée) n’est, selon un ministre, qu’un pis-aller, un expédient commode. Car le temps manque, affirme ce cadre, pour élaborer une loi vraiment moderne. Surtout qu’au départ, il y avait tant de tiraillements au sujet du contour des circonscriptions. Ainsi, lors de la réunion décisive de lundi, Berry a-t-il plaidé pour le mohafazat. Selon une source informée, Frangié lui aurait alors répondu que son problème n’était pas avec la dimension des circonscriptions, mais avec le Hezbollah. S’il devait y avoir alliance, a ajouté le ministre de l’Intérieur, les objections relatives au découpage envisagé n’auraient plus lieu d’être. Toujours est-il que le caza est une victoire de l’opposition. Qui se promet de poursuivre la lutte, afin que les élections soient vraiment libres et propres. Cet objectif, répète un pilier de Kornet Chehwane, implique de toute évidence qu’il faut changer le gouvernement, que sa composition monochrome autant que les candidatures de ses membres disqualifient. Il faut donc le remplacer par un cabinet neutre, impartial, formé de personnalités fiables. Retour au code électoral. Selon des sources informées, Frangié ne va pas adopter pour Beyrouth la formule de 1960, mais un système tenant compte des mutations géodémographiques. Ainsi, selon ces sources, la troisième circonscription serait renforcée, pour englober le poids arménien (Medawar) et le poids chiite (Hezbollah) avec Bachoura et Zokak el-Blatt. Cette circonscription pourrait disposer de 8 sièges et devrait être favorable au pouvoir, par l’électorat arménien et chiite. Ce qui affaiblirait Hariri dans la capitale. Il aurait quand même 6 sièges dans la deuxième circonscription, sunnite. Et 5 sièges seraient réservés à la première circonscription, chrétienne. Les mêmes sources informées précisent toutefois que rien n’a encore été tranché définitivement pour ce qui est de Beyrouth. Philippe ABI-AKL
L’accord conclu entre les dirigeants au sujet du code électoral, qui reprend les bases cazas de 1960, prouve que le pouvoir obéit à des considérations extérieures autant qu’intérieures. Il s’agit, tout à la fois, de faire risette aux Franco-Américains et de contenir la grogne de l’opinion locale qu’illustre la montée en puissance de l’opposition.
Gommant leurs différends,...