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Actualités - OPINION

Caza… nostra ?

On serait presque tenté de « leur » dire merci, si de telles largesses n’avaient été, en réalité, arrachées au forceps : c’est dans l’intimité de son caza que l’on votera cette fois. Retour à la case départ donc, après toutes les formules bâtardes expérimentées depuis la fin de la guerre : lesquelles, jointes à d’autres pratiques parfois carrément mafieuses, ont passablement travesti la volonté nationale et défiguré la représentativité populaire, s’avérant finalement aussi dévastatrices que le canon. Ce qu’ambitionnait de réaliser l’accord de Taëf, c’est une union nationale véritable se traduisant notamment par la possibilité, pour les chrétiens et les musulmans de ce pays, d’élire conjointement des représentants des deux communautés plutôt que de voter chacun pour soi. Mais ce sont les chrétiens que l’on s’est ingénié à pénaliser, à marginaliser ; et cela même pas par fanatisme religieux, mais pour la simple raison que tout au long de ces années, la pax syriana faisait l’objet d’une contestation exclusivement, désespérément chrétienne. Les autres voix discordantes en effet, on s’était chargé de les faire taire. Dès lors, si les nobles objectifs arborés à Taëf ont vécu, la faute en rejaillit entièrement sur la classe dirigeante opportuniste, complaisante jusqu’à la servilité et souvent corrompue de surcroît, qu’a produite le même Taëf. Ces responsables ont jonglé avec les circonscriptions, ici mohafazat et là caza, ils ont aménagé – et se sont ménagé – des aires électorales taillées sur mesure ; et au nom de l’unité nationale, ils sont naturellement les premiers à murmurer ou à tempêter contre l’option caza apparemment retenue lundi soir, et qu’il reste encore à officialiser. Elle est de nature à favoriser le vote sectaire la petite circonscription, puisque les candidats à l’Étoile sont naturellement tenus de prêter l’oreille aux aspirations et préoccupations propres aux habitants du lieu ? Sans doute. Mais par ses sempiternelles querelles d’intérêts (y compris ceux bassement matériels), le pouvoir collégial de l’après-guerre n’est-il pas le premier responsable des tensions communautaires qui n’ont fait paradoxalement que s’amplifier une fois la paix revenue ? Et dans une démocratie consensuelle qui reste la seule praticable au Liban, quelle union nationale crédible et durable peut-il y avoir quand une communauté a le sentiment tenace de n’être pas authentiquement représentée : pire encore, qu’elle est brimée parce qu’il y va de la pérennité de la mainmise syrienne ? Le caza c’est important, mais ce n’est pas tout. Jusqu’à nouvel ordre, cette décision, si elle se trouve confirmée, montre que la Syrie, consciente de la haute surveillance internationale dont elle est actuellement l’objet, consent à lâcher du lest. Que le président Émile Lahoud ait réservé au cardinal Sfeir la primeur de la nouvelle est par ailleurs de bonne politique, à la veille des importants entretiens que doit avoir le patriarche maronite au Vatican et à l’Élysée. Proche allié de Damas, le ministre Sleimane Frangié marque lui aussi des points en se donnant visiblement pour modèle son grand-père, homonyme, lointain prédécesseur à l’Intérieur et par la suite président, à qui l’on doit pourtant les mémorables législatives de 1968 qui sonnèrent le glas du chéhabisme et du règne des Renseignements. Cela dit, bien du chemin reste à faire pour que la consultation de mai prochain tienne ses promesses. Car ces cazas, il reste encore à les délimiter avec honnêteté : en plus d’un point la guerre a modifié les données démographiques, et on peut parier sur la détermination de Damas et du pouvoir local à réduire les effectifs parlementaires de Hariri et Joumblatt partout où cela sera possible. De même, l’établissement des listes d’électeurs reste sujet à fraude même si la manipulation des urnes paraît plus improbable cette fois, car vraiment trop voyante. Reste le plus important, et c’est la solidarité, la cohésion d’une opposition plurielle que l’on s’emploie déjà à diviser. Celle-ci en effet détient aujourd’hui ce que les Libanais ont de plus précieux, c’est-à-dire l’espoir d’une renaissance nationale. Voilà qui lui confère un ascendant extraordinaire, mais aussi des responsabilités historiques envers les citoyens. Elle aussi, l’opposition est observée à la loupe. Issa GORAIEB
On serait presque tenté de « leur » dire merci, si de telles largesses n’avaient été, en réalité, arrachées au forceps : c’est dans l’intimité de son caza que l’on votera cette fois. Retour à la case départ donc, après toutes les formules bâtardes expérimentées depuis la fin de la guerre : lesquelles, jointes à d’autres pratiques parfois carrément mafieuses, ont...