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Actualités - OPINION

Errances romaines

L’Italie est sans conteste une nation amie : mieux, une nation qui nous est des plus sympathiques, et avec laquelle nous partageons plus d’un de ces traits exubérants qui font la spécificité méditerranéenne. Mieux encore, l’Italie est notre premier partenaire commercial et pas seulement parce que les Libanais raffolent de pasta : en matière de mode comme de design ils ont une allure folle, ces Romains et ces Milanais. Oui, nous aimons tout naturellement les Italiens, qui nous le rendent bien d’ailleurs. Et c’est bien pourquoi des propos tels que ceux formulés jeudi par le ministre italien des Affaires étrangères Gianfranco Fini ne manquent pas de surprendre. De peiner. De choquer. Si la diplomatie est un art qui se limite à ne débiter aux gouvernements étrangers que ce qui leur est doux à l’oreille, alors il faut reconnaître que M. Fini est un fin diplomate. L’ennui, c’est que tout cela sonne passablement faux, un peu comme un contre-ut raté à la Scala. Visiblement impressionné par les arguments qu’il venait tout juste d’entendre à Damas, le ministre a ainsi usé de savantes circonlocutions pour nous rappeler que de nombreuses résolutions de l’Onu sont contradictoires, tandis que beaucoup d’autres sont demeurées lettre morte. Et qu’au lieu de se concentrer sur la 1559, il vaut mieux œuvrer à un règlement global de la crise du Proche-Orient : étant entendu – c’est l’amère cerise sur le gâteau ! – que le retrait syrien du Liban est une question syro-libanaise. Ces perles qu’on ne saurait dire de culture, le chef de la diplomatie les a énoncées au moment précis où les États-Unis et la France, coauteurs de la résolution 1559, réaffirment tous les jours (et pas plus tard qu’hier) que ce texte est absolument incontournable, qu’il n’est pas sujet à un quelconque ordre chronologique et qu’il n’attendra pas, pour être appliqué, la paix globale. Le gouvernement de M. Berlusconi, qui n’est certes pas ce que la belle Italie a produit de meilleur, chercherait-il à faire oublier de la sorte son soutien forcené à la guerre irakienne de George W. Bush, surtout après la tentative d’attentat terroriste contre l’ambassade d’Italie de l’été dernier ? S’agirait-il plutôt de marquer des points face à la France en s’attirant d’aussi évidente manière les bonnes grâces de Damas et Beyrouth ? Et par seul égard pour la dignité romaine, le conseil des ministres ne pouvait-il vraiment pas attendre un autre moment pour liquider illico presto le litige financier qui, depuis des années, opposait le Liban à des entreprises italiennes ? Non sapiamo. Ce que l’on sait très bien, en revanche, c’est que les thèses de M. Fini ne sont pas seulement insensées, mais de surcroît inamicales : aussi faut-il les dénoncer deux fois plutôt qu’une. Ce que paraît recommander le distingué ministre, en effet, c’est que notre pays reste plongé dans les limbes jusqu’au règlement d’un conflit arabo-israélien qui dure depuis la première moitié du 20e siècle et qui, vu les prétentions de Sharon et la terrible inconsistance des gouvernements arabes, promet de parcourir allègrement le 21e. Et qu’il doit donc se débrouiller tout seul, comme un grand, pour établir avec ses voisins, alliés – et hôtes ! –, des rapports acceptables pour tous les Libanais que trois décennies de présence militaire puis de mainmise politique n’ont pas été capables, pourtant,de générer. Dans ces conditions, l’Amérique aurait dû attendre la fin de ses déboires en Corée puis au Vietnam, puis la chute du mur de Berlin ou l’effondrement de l’URSS pour retirer d’Italie les troupes qu’elle y avait débarquées durant la dernière phase de la Seconde Guerre mondiale. Toujours est-il, et c’est tant mieux pour vous Signore Fini, que l’Amérique n’a jamais avancé des prétentions historiques sur l’Italie, qu’elle n’a jamais revendiqué le pouvoir tout naturel d’y nommer présidents, députés et ministres. L’histoire, le premier potache venu vous le dira, n’est pas seulement affaire de chronologie. Issa GORAIEB
L’Italie est sans conteste une nation amie : mieux, une nation qui nous est des plus sympathiques, et avec laquelle nous partageons plus d’un de ces traits exubérants qui font la spécificité méditerranéenne. Mieux encore, l’Italie est notre premier partenaire commercial et pas seulement parce que les Libanais raffolent de pasta : en matière de mode comme de design ils ont une allure...