Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Deux et deux !

On doit certes à Walid Joumblatt d’avoir considérablement élargi l’éventail de l’opposition œuvrant à l’émancipation du pays et à la disparition de toute forme de tutelle syrienne : d’avoir donné poids et consistance à cette opposition, de l’avoir surtout œcuménisée, si l’on peut dire, en la débarrassant d’une étiquette chrétienne qui lui collait à la peau et qui en limitait fatalement l’audience. Il y a là davantage cependant qu’une simple affaire de rapport de force entre partisans et adversaires de la mainmise syrienne : par ses déclarations on ne peut plus directes et même parfois abruptes, par ses formules à l’emporte-pièce, Joumblatt a surtout le mérite d’avoir brisé plus d’un tabou. Et fait voler en éclats plus d’un slogan que l’on érigeait naguère en intransgressible commandement. Un seul peuple dans deux États, professait ainsi le président défunt Hafez el-Assad : équivoque « erreur » de calcul, regrettable – et redoutable – omission que le leader druze entreprenait de réparer mercredi dans ces colonnes en soulignant que Syriens et Libanais, malgré leurs nombreux liens de parenté, forment deux peuples absolument distincts. En réalité, c’est tout le drame des relations syro-libanaises qui se trouve résumé, condensé, concentré dans cette aberrante ronde des peuples et des États. On vous affirmera bien sûr, la main sur le cœur, qu’en évoquant deux entités étatiques, la Syrie a magnanimement reconnu l’irréversible réalité d’un Liban qui fut longtemps partie intégrante de son aire naturelle. Avec la même candeur d’ailleurs, d’aucuns vous brandiront la visite officielle à Beyrouth du président syrien – effectuée par la voie des airs, qui plus est ( ?) – comme preuve éclatante de cette même reconnaissance. Il reste que même dans son acception la plus sincère et généreuse, l’axiome de Damas reste bien en deçà de la vérité : dans cette bien singulière paire en effet, il n’y a pas deux États, mais, dans la meilleure des hypothèses, un et demi : on a là un État – dominant, pour ne pas dire dominateur – et un État vassal, un État-croupion. Mais il y a plus grave encore : s’il est vrai que les États naissent de la volonté des peuples, ils peuvent aussi disparaître, se diluer dans un plus vaste ensemble dès lors qu’est captée, arraisonnée, défigurée cette même volonté nationale par le biais, notamment, de parlements factices. Que la résolution 1559 de l’Onu fasse son œuvre ou que l’on se résigne à appliquer « volontairement », bien que sur le tard, l’accord de Taëf, c’est l’élimination définitive de toutes ces mortelles ambiguïtés, de cette somme de malentendus et de pervers sous-entendus que l’on est en droit d’espérer en ce début de 2005. Comment a-t-on pu croire durant toutes ces années qu’à défaut d’une impensable ambassade, et malgré la présence d’un Conseil supérieur syro-libanais voué au chômage, une officine de renseignements était l’organe le plus adéquat pour assurer la bonne marche de la coopération ? Et de quelle coopération peut-on décemment parler quand cette même officine, dont la tâche consiste à veiller très légitimement (et très exclusivement aussi !) à la sécurité des troupes syriennes, se charge de régenter le pays, de transmettre la consigne aux présidents, ministres et députés, d’aller jusqu’à intervenir dans les nominations des fonctionnaires ? Le problème, on le voit bien, n’est pas, n’a jamais été de faire admettre aux Libanais la nécessité impérieuse de relations privilégiées avec leurs voisins syriens. Le problème est, a toujours été d’amener les Syriens à constater qu’un tel objectif ne pourra jamais être pleinement atteint que dans la dignité, le respect mutuel et la sauvegarde des particularités nationales. C’est simple, c’est logique, c’est rigoureusement mathématique : c’est aussi vrai que deux et deux ne feront jamais que quatre. Issa GORAIEB
On doit certes à Walid Joumblatt d’avoir considérablement élargi l’éventail de l’opposition œuvrant à l’émancipation du pays et à la disparition de toute forme de tutelle syrienne : d’avoir donné poids et consistance à cette opposition, de l’avoir surtout œcuménisée, si l’on peut dire, en la débarrassant d’une étiquette chrétienne qui lui collait à la peau et qui...