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Actualités - OPINION

Le découpage, bataille première et primordiale

Tout se joue maintenant autour du découpage des circonscriptions dont la configuration finale dévoilera forcément les intentions du pouvoir, juge et partie. On verra s’il va tenir ses promesses de produire une loi juste, assurant à l’électorat sa pleine liberté d’expression, pour une vraie représentation de proximité. On verra s’il va s’interdire cette pratique devenue traditionnelle de façonner le costume aux mesures de ses poulains. Et, dans le même esprit, s’il va s’abstenir d’interventions abusives dans la fabrication des listes, pour isoler et affaiblir l’opposition. Celle-ci, pour sa part, demande le caza, tout comme le font d’ailleurs nombre de loyalistes, écoutant l’avis du patriarche Sfeir qui a certifié dans son dernier sermon que « les élections ne peuvent prendre leur sens de représentation qu’à travers la petite circonscription ». « Afin que l’électeur sache pour qui il a voté, qu’il y ait en quelque sorte relation personnelle avec le candidat de son choix, dont il sera sûr qu’il va bien défendre ses droits et ses intérêts, comme ceux de sa région, a souligné Mgr Sfeir. Faute de quoi, il pourrait lui réclamer des comptes, et refuser, le cas échéant, de le réélire à l’édition électorale suivante. » Mais, cette fois, c’est le camp du pouvoir qui est divisé sur la loi électorale. Certains veulent garder le mohafazat, ou même les deux, comme cela s’est produit au Sud. D’autres veulent le diviser en deux, ou plus. D’autres, comme nous l’avons indiqué plus haut, sont pour le caza. Certains sont pour le scrutin simplement majoritaire. D’autres pour la proportionnelle. Cependant, le mot de passe syrien, aussi présent que par le passé, quoique l’on en dise, privilégie la circonscription moyenne. C’est ce qui transpire à travers les propos du président Omar Karamé. Jadis, en 2000, il était pour le caza parce qu’il se noyait dans le mohafazat. Arrivé au pouvoir, c’est le mohafazat qu’il a prôné. Et maintenant, il se rabat sur la formule médiane. Le ministre de l’Intérieur, Sleimane Frangié, a laissé entendre indirectement qu’il est pour le caza. Cela en proclamant qu’il souhaite redonner leurs droits aux chrétiens, notamment à Bécharré, à Beyrouth et à Jezzine. Ce qui implique l’adoption du caza. Aujourd’hui, il a l’air d’attendre les effets des consignes des décideurs, en guettant les prises de position des partis ou blocs parlementaires loyalistes. Qui, de plus en plus, se prononcent évidemment pour la circonscription moyenne, voulue apparemment par les tuteurs. Mais les jeux ne sont pas encore faits. Car le président Lahoud, favorable au caza et qui désire ménager Bkerké, pourrait agir pour renverser la tendance, en s’entendant à ce propos avec la direction syrienne. Toujours est-il que l’opposition affûte ses armes, en prévision de ce que le Conseil des ministres va décider au sujet du découpage. S’il devait se confirmer que c’est la moyenne circonscription, soit plus d’un caza, qui est retenue, cela signifierait que le pouvoir manipulerait la loi pour favoriser largement ses partisans. En s’appuyant sur les recommandations immixtionnistes des décideurs. La réaction de l’opposition serait alors dure. Et elle se trouverait sans doute soutenue par les ministres qui veulent le caza, ou même le caza divisé. Qui, de leur côté, pourraient aller jusqu’à claquer la porte, comme l’a laissé entendre cheikh Farid el-Khazen. Puis, surtout, il y aurait une riposte de la part de Bkerké, de Mgr Sfeir comme de l’Assemblée des évêques maronites. Instance qui pourrait condamner la loi électorale, si elle était injuste, et juger dès lors que les élections ne peuvent être considérées comme régulières et démocratiques. Ce qui fâcherait la communauté internationale et les grandes puissances, qui ont mis le Liban sous observation. En exigeant que le peuple libanais puisse s’exprimer vraiment, choisir ses représentants, sans parachutages et sans contrainte extérieure. Une injonction récemment reprise dans le communiqué sévère de l’ambassade américaine, suite à un entretien de l’ambassadeur Feltman avec le président Lahoud. D’où le risque de voir la légitimité du prochain Parlement contestée au dehors comme à l’intérieur. Ce qui entraînerait à terme une disqualification légale généralisée du système en place. De plus, même si l’on adoptait le caza, les puissances voudraient veiller de près à la régularité du scrutin. Et n’attendraient sans doute pas l’approbation du gouvernement libanais pour envoyer des observateurs. Initiative d’autant plus justifiée à leurs yeux que ce même gouvernement libanais est bourré de candidats à la députation, donc suspect a priori de parti pris. Et qui en donne d’ailleurs de premières preuves par la vindicte avec laquelle il traque les opposants. Émile KHOURY
Tout se joue maintenant autour du découpage des circonscriptions dont la configuration finale dévoilera forcément les intentions du pouvoir, juge et partie. On verra s’il va tenir ses promesses de produire une loi juste, assurant à l’électorat sa pleine liberté d’expression, pour une vraie représentation de proximité. On verra s’il va s’interdire cette pratique devenue...