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Actualités - ANALYSE

Des poursuites semblables, dans leur esprit, à la campagne contre les FL et les aounistes après Taëf La cabale contre les joumblattistes, une réédition de l’erreur politique des années 90

Les débuts de l’ère Taëf avaient été marqués durant la première moitié de la décennie des années 90 par une véritable chasse aux sorcières menée par les services contre les Forces libanaises et les militants fidèles au général Michel Aoun. Cette cabale s’est poursuivie, par vagues successives et irrégulières, pendant plus de dix ans. Elle n’a cependant pas réussi à entamer ou affaiblir l’assise populaire, et par conséquent le poids politique potentiel des Forces libanaises ou du courant aouniste. Bien au contraire, elle n’a fait que renforcer, dans une certaine mesure, ces deux mouvements. Et pour cause : nul ne peut annihiler l’inconscient collectif d’une communauté. D’une manière quelque peu similaire, le nouveau mandat du régime Lahoud débute par une vaste campagne d’intimidation qui vise cette fois-ci Walid Joumblatt, ses proches collaborateurs et ses partisans. Pas plus tard qu’hier, un attentat à l’explosif a pris pour cible un cadre du PSP à Choueifate. Et après la tentative d’assassinat de Marwan Hamadé et la mise aux arrêts du président de la municipalité de Choueifate, voici que les forces occultes militaro-sécuritaires sortent de leurs vieux tiroirs et dépoussièrent d’anciens dossiers remontant à une vingtaine d’années, aux pires moments de la guerre. Une quinzaine de membres du PSP ont ainsi été convoqués par le parquet pour répondre d’actes de violence datant de la période qui avait été caractérisée par une situation conflictuelle entre le président Amine Gemayel et Walid Joumblatt ou, d’une manière plus générale, entre le PSP et le camp chrétien. À l’évidence, la ficelle est très (très) grosse, d’autant qu’une véritable réconciliation nationale s’amorce dans le sillage d’une action politique qui n’a pas son précédent depuis le début de la crise libanaise. Cette dynamique politique s’est traduite par l’émergence de la vaste coalition du Bristol, bâtie sur un dénominateur commun, ciblé, simple, mais crucial, voire historique : le recouvrement de l’indépendance, de la souveraineté et de l’autonomie de décision du pouvoir central, d’une part, et le rejet de l’ingérence continue des services dans la vie publique, d’autre part. La réaction visant aujourd’hui les joumblattistes n’a, certes, pas la même ampleur que la chasse aux sorcières lancée aux débuts des années 90 contre les Forces libanaises et les aounistes. Elle paraît être, toutefois, l’œuvre du même cerveau maléfique ; elle semble être le fruit de la même logique, de la même approche militaro-sécuritaire qui sévit depuis près de quinze ans. Ces méthodes de type stalinien s’étaient manifestées, notamment, lors des rafles du 7 août 2001 et du tabassage public du 9 août qui avaient visé les militants des Forces libanaises et les partisans du général Aoun à la suite de la première tentative de réconciliation druzo-chrétienne. Le plus surprenant dans le contexte présent est que de telles pratiques se poursuivent, alors que l’expérience des dernières années a prouvé l’impossibilité de modifier ou d’occulter les réalités sociopolitiques et communautaires sur le terrain. Il est possible d’imposer un rapport de force de façon temporaire, en tirant profit d’une conjoncture internationale ou régionale. Mais un tel fait accompli, de par sa nature éphémère, ne saurait changer les donnes historiques et sociologiques du pays. Le leadership de Joumblatt – ou, plus précisément, le leadership joumblatti – est solidement et historiquement enraciné dans le tissu social de la montagne libanaise. Partir en guerre contre lui reviendrait à commettre la même grave erreur politique que celle qui a entaché le pouvoir dans les années 90, ce qui ne manquerait pas de provoquer un inéluctable effet boomerang. Cela reviendrait aussi à heurter de front l’inconscient collectif druze, lequel (à l’instar, d’ailleurs, des autres inconscients collectifs chrétien, chiite, arménien...) est immanquablement ravivé et exacerbé lorsqu’il se sent agressé. Les débordements sécuritaires ont dépassé à un tel point la cote d’alerte que, pour la première fois depuis Taëf, une personnalité sunnite de premier plan réclame ouvertement l’accélération du redéploiement syrien en direction de la Békaa et, surtout, la fin de l’immixtion des services dans la gestion de la chose publique. En joignant sa voix à ceux qui réclament haut et fort un réexamen des rapports libano-syriens et une réévaluation de la présence et de la durée des troupes de Damas au Liban, l’ancien Premier ministre Sélim Hoss a incontestablement donné une impulsion nouvelle à la dynamique enclenchée par l’opposition plurielle lors de la rencontre du Bristol. À la suite de la formation, à la fin de la semaine dernière, du comité de suivi chargé de cristalliser l’action future du mouvement de contestation, Walid Joumblatt a défini de façon on ne peut plus claire et limpide la nature de l’étape vitale dans laquelle est engagé le pays : les Libanais doivent choisir entre la souveraineté et les libertés, d’un côté, ou la tutelle et les services, de l’autre. Un leitmotiv qui résume avec éloquence l’enjeu du prochain scrutin législatif. Dans une perspective historique, le pouvoir ne peut qu’être perdant, à long terme, s’il se laisse piéger dans une telle équation. D’où la tentation qui est sans doute grande de façonner les élections du printemps à sa propre mesure pour éviter un sérieux revers qui sonnerait le glas du suivisme pavlovien en vigueur depuis quinze ans. Michel TOUMA
Les débuts de l’ère Taëf avaient été marqués durant la première moitié de la décennie des années 90 par une véritable chasse aux sorcières menée par les services contre les Forces libanaises et les militants fidèles au général Michel Aoun. Cette cabale s’est poursuivie, par vagues successives et irrégulières, pendant plus de dix ans. Elle n’a cependant pas réussi à...