Rechercher
Rechercher

Actualités

Université - Sit-in des enseignants, des étudiants et de leurs parents Les professeurs refusent toute solution partielle (PHOTOS)

«Il est absurde de parler de succès simplement parce que le Conseil des ministres a enfin décidé de faire figurer à l’ordre du jour la question de l’UL», s’offusque Charbel Kfoury. En réponse à la question de savoir si la Ligue des professeurs à plein temps qu’il préside était « satisfaite » de voir que le gouvernement examinera aujourd’hui deux des multiples revendications formulées par le corps enseignement, alors que, jusqu’à vendredi dernier, la question de l’UL ne figurait même pas à l’ordre du jour, M. Kfoury affirme : « Qu’ils n’aillent surtout pas croire qu’ils nous font une faveur. C’est un devoir et une responsabilité que le gouvernement doit de toute manière assumer. Il aurait fallu que le Conseil des ministres consacre une réunion extraordinaire pour l’université ».
Venu rejoindre dans la soirée d’hier les étudiants qui observent depuis mercredi dernier un sit-in devant l’immeuble administratif de l’UL, le président de la ligue affirme que les professeurs ne se contenteront pas de « solutions partielles » à une crise qui dure depuis des années.
Pour leur part, les étudiants, qui se sont très tôt solidarisés avec le mouvement de grève, affirment que c’est désormais leur avenir qui est en jeu autant que celui des professeurs qui réclament, outre ce qu’ils considèrent être « leurs droits les plus élémentaires », une réforme de la seule université publique.
Déployée en force sur les lieux, l’armée, secondée par des éléments de la brigade antiémeute, surveillait avec vigilance une douzaine d’étudiants avec leur sac de couchage, venus réclamer haut et fort le droit à un enseignement universitaire digne de ce nom.
Mobilisés nuit et jour dans le froid, ces jeunes espèrent pouvoir influer un tant soit peu sur les décisions que prendra aujourd’hui le Conseil des ministres. Dès dix heures du matin, un sit-in général, qui regroupera les universitaires, leurs parents, les professeurs et les enseignants du secondaire dans le secteur public, est prévu devant le siège du Conseil des ministres. Cependant, ce dernier n’examinera que deux dossiers figurant parmi une dizaine de revendications formulées par la Ligue des professeurs : le projet de loi concernant la réhabilitation des conseils représentatifs et le projet de décret visant à amender l’article 2 du règlement du statut de la mutuelle des professeurs, dans le but de faire bénéficier de la Sécurité sociale les familles de ceux d’entre eux qui seraient décédés en cours de carrière. Il s’agit certes de deux points essentiels, mais qui ne représentent « qu’une partie de nos demandes », commente Charbel Kfoury en signifiant clairement que la grève se poursuivra de toute manière tant que l’ensemble des problèmes n’auront pas été soulevés. « Même si le Conseil des ministres approuve les deux points qui lui sont soumis, nous ne pouvons pas nous contenter de ces résultats. Nous sommes contre la politique sélective dans la recherche des solutions », poursuit le président de la Ligue en soulignant que le problème des indemnités de fin de service notamment est une question centrale et incontournable. Celles-ci, rappelle le professeur, sont calculées sur la base de quarante ans de carrière au lieu de trente, ce qui réduit de près de 40 % les indemnités perçues. Issam Khalifé, membre du bureau de la ligue, abonde dans le même sens en affirmant : « Nous ne faisons que réclamer notre droit. Il faut à tout prix que l’opinion publique comprenne qu’il ne s’agit pas d’une revendication financière, à savoir que nous ne demandons rien d’autre au ministre des Finances que de rectifier l’injustice dont nous sommes victimes. Nous ne réclamons pas de l’argent au Trésor, mais tout simplement que nos indemnités – pour lesquelles nous avons cotisé durant toutes ces années – nous soient versées de manière équitable. »
« Le drame de l’université ne saurait être traité au cas par cas comme font les commerçants au détail », dit-il en relevant que cette crise doit être résolue de manière globale. « Il faut que les responsables reconnaissent d’abord l’existence du problème et définissent une fois pour toutes une vision générale pour l’université afin qu’on sache s’ils veulent la maintenir ou non. »
M. Khalifé doute toutefois qu’il y ait unanimité dans la poursuite de la grève car, dit-il, comme toute institution démocratique, la ligue recèle plusieurs opinions et comprend des personnes qui, « dès le début, n’approuvaient pas la grève ».
Une chose est pourtant sûre, c’est que si les responsables tiennent leur promesse concernant les conseils représentatifs – « tous ont affirmé être en faveur de leur réhabilitation », indique M. Khalifé –, la majeure partie des problèmes serait résolue. Du moins c’est ce que pensent les membres de la ligue qui estiment que c’est un premier pas vers la réforme. Cela signifierait que l’UL regagnerait son autonomie, confisquée depuis des années par le pouvoir central pour des besoins clientélistes. Malgré les quelques réserves émises par la ligue sur le projet de loi que vient de soumettre le conseil de l’université au ministre concerné, la simple transmission de ce texte au Parlement sera considérée par les professeurs comme un demi-succès « jusqu’à son adoption finale par l’Assemblée ». Il s’agit d’un texte qui, une fois amendé selon le souhait de la ligue, restituera à l’UL toute sa dignité en lui redonnant sa capacité à se développer.
C’est la cinquième grève que les professeurs entament pour réclamer la remise sur pied des conseils consultatifs. Dès 1991, le Conseil des ministres avait décidé de s’emparer des prérogatives de l’université en allant jusqu’à nommer les professeurs au sein de certaines facultés-clé, ce qui a abouti à une politisation totale de l’institution. Un dysfonctionnement qui n’a pas tardé à se répercuter sur la qualité de l’enseignement, notamment dans les facultés où les ingérences se sont multipliées. Depuis deux ans, une quatrième grève a relancé l’affaire, les professeurs réclamant à cor et à cri que l’UL soit enfin libérée de l’emprise politicienne et qu’elle soit seule maître de sa décision. Aujourd’hui, et malgré les promesses du chef de l’État en faveur de la redynamisation de ces conseils, l’institution est toujours privée d’autonomie et donc de son fonctionnement normal.
Quoi qu’il en soit, et malgré quelques dissonances qui apparaissent au sein des grévistes, sur le terrain, le mouvement continue de s’amplifier, les étudiants ainsi que leur parents ayant fait bloc avec les professeurs.
Samedi, le comité des anciens de l’UL a publié un communiqué dans lequel il a appelé tous les anciens à venir participer au sit-in. Même réaction chez les parents d’étudiants qui ont affirmé vouloir participer massivement au sit-in et à la grève en général. « Nous descendrons dans la rue pour faire comprendre aux responsables que l’UL est plus puissante que tous leurs complots réunis », ont-ils affirmé dans un communiqué. Ils ont en outre déploré la légèreté avec laquelle le gouvernement traite une affaire « qui met en danger l’avenir de nos enfants et porte atteinte à la justice sociale ».
« C’est pratiquement le quart de la société libanaise qui est touchée par cette crise », affirme Najwa Nasr, professeur de linguistique et ancienne directrice du département d’anglais, et qui rappelle que ce sont quelque 70 000 étudiants, 3 000 professeurs et 2 000 fonctionnaires qui sont actuellement en grève. « Si l’on ajoute leur famille, nous aurons des centaines de milliers de personnes qui sont, depuis des années, dans l’insécurité et l’incertitude. »
Jeanine JALKH
«Il est absurde de parler de succès simplement parce que le Conseil des ministres a enfin décidé de faire figurer à l’ordre du jour la question de l’UL», s’offusque Charbel Kfoury. En réponse à la question de savoir si la Ligue des professeurs à plein temps qu’il préside était « satisfaite » de voir que le gouvernement examinera aujourd’hui deux des multiples...