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Rapatriement - 300 Irakiens ont pris le chemin du retour, grâce à un accord entre la Sûreté et une délégation spéciale venue de Bagdad L’ambassade, siège d’activités occultes, sous l’ancien régime ?(PHOTO)

Ils n’osaient pas vraiment l’espérer. Depuis des jours, ils attendaient dans leurs cellules à la prison centrale de Roumié l’annonce de leur départ imminent vers l’Irak. Une délégation officielle du Conseil intérimaire du gouvernement, dirigée par le vice-ministre des Affaires étrangères, M. Abdelilah Fukaki, est venue spécialement à Beyrouth pour organiser leur rapatriement. Mais il s’agissait d’abord de vérifier leurs identités, car les nouvelles autorités irakiennes sont très méfiantes à l’égard de ceux qui pénètrent sur leur territoire. Et finalement, après plus de deux heures d’attente, près de 300 réfugiés irakiens ont pris les sept bus affrêtés par la Sûreté générale libanaise en direction du poste-frontière irakien, al-Walid, à quelques kilomètres de la frontière syrienne.
Depuis six heures du matin, on leur avait dit de rassembler leurs maigres effets et de se tenir prêts pour le grand départ. Ils s’étaient exécutés à la vitesse de l’éclair, comme si leur hâte pouvait accélérer les formalités officielles. Mais entre le Liban et l’Irak, rien n’est jamais bien simple et la moindre initiative nécessite de longs pourparlers avant de se concrétiser. Ayant fui l’Irak sous le régime de Saddam Hussein, ils étaient entrés au Liban, via la Syrie, clandestinement, et avaient été arrêtés par les autorités, dans l’attente d’une formule acceptable pour leur rapatriement. Mais la plupart d’entre eux préféraient la sécurité de l’emprisonnement, au retour au pays sous un régime honni, ou à la clandestinité au Liban, à la merci d’une ambassade omniprésente et dotée de pouvoirs et de moyens puissants.
On ne l’avait jamais dit auparavant, mais maintenant les langues se délient ; le siège de l’ambassade d’Irak au Liban aurait été un véritable centre d’activité pour l’ancien régime, avec pas moins de 25 officiers des services de renseignements et cinq à six diplomates, très influents, au sein de la nomenklatura baassiste. Au sous-sol, selon certains témoignages, il y aurait eu aussi une prison et une chambre de torture, très utilisées, dans la plus grande discrétion et sous le couvert de l’immunité diplomatique. D’ailleurs, à peine arrivée sur place, la nouvelle représentation diplomatique, qui compterait moins qu’une dizaine de personnes, envoyée par le CIP, se serait empressée d’effacer les traces de ces activités insolites au sein d’une ambassade. De même, selon les mêmes témoignages, tous les documents et courriers internes et secrets, qui terrorisaient les réfugiés irakiens au Liban, ont été brûlés, afin de tourner la page du passé, sans laisser la voie ouverte à des règlements de comptes sans fin. Selon certaines sources, il y aurait eu, à l’ambassade, des dossiers sur tous les volontaires arabes, désireux d’aller combattre en Irak, à partir du Liban, ainsi que des fichiers sur les opposants installés au Liban et sur certaines personnalités libanaises. Une véritable mine de renseignements, qui aurait été détruite par la nouvelle équipe, afin d’éviter des problèmes futurs.

Visites discrètes
et rencontres secrètes
Les mêmes sources affirment que des personnalités irakiennes, telles que M. Iyad Allaoui par exemple, seraient venues au Liban récemment, dans la plus grande discrétion, afin d’examiner la situation sur place et établir éventuellement des contacts avec des responsables et autres figures arabes de passage à Beyrouth.
C’est donc ainsi que serait venue l’idée de rapatrier les prisonniers irakiens au Liban, qui sont près de 300. Une délégation conjointe des ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères est donc arrivée au Liban au cours du week-end, afin de mettre au point les modalités du rapatriement. Il fallait d’abord vérifier les identités des futurs rapatriés et, pour cela, les membres de la délégation les ont rencontrés un à un dans la prison de Roumié pour voir s’ils ont aussi envie de rentrer, localiser leurs familles, etc.
Les listes ont donc été finalisées lundi et le grand départ a été fixé à hier matin, à huit heures. En principe, ils auraient dû être regroupés au siège de l’ambassade, mais le programme a été modifié. Il a été question d’un rassemblement dans la région de Sfeir, dans la banlieue sud, mais en définitive ils sont partis de Roumié, en direction de la frontière syro-irakienne. Visiblement, il y a eu un cafouillage de dernière heure, qui a retardé le départ jusqu’à plus de midi. Selon certaines sources, l’ambassade des États-Unis à Beyrouth aurait demandé que le convoi ne parte pas, affirmant qu’il n’aura pas l’autorisation d’entrer sur le territoire irakien. Le chef de la délégation, le vice-ministre des Affaires étrangères, M. Abdelilah Fukaki, aurait alors entrepris des contacts avec son ministre, M. Hochyar Zebari, actuellement à New York, et obtenu les pleins pouvoirs pour agir. M. Fukaki a donc décidé que le rapatriement aura lieu comme prévu, à la charge des autorités libanaises jusqu’à la frontière irakienne, puis de-là-bas les rapatriés seront pris en charge par le ministère irakien de l’Intérieur. Il aurait toutefois proposé d’envoyer une liste des noms, à partir des formulaires remplis par les Irakiens eux-mêmes, aux autorités américaines.
Prochaine étape : le rapatriement des familles irakiennes installées au Liban, sous la protection de diverses associations internationales de bienfaisance. Il y aurait encore quelque 700 personnes, dispersées sur l’ensemble du territoire libanais. Interrogé sur l’intérêt qu’il porte aux exilés irakiens et son souci de les rapatrier, M. Fukaki a répondu : « J’en ai moi-même souffert. Mon frère avait dû se réfugier à Londres en 1991 et, lorsqu’il est mort, nous l’avons enterré en Syrie, grâce à une autorisation du président Assad, parce que nous n’avons pas pu le faire en Irak. Je comprends la peine que l’on peut ressentir à vivre loin de son pays... »
Scarlett HADDAD
Ils n’osaient pas vraiment l’espérer. Depuis des jours, ils attendaient dans leurs cellules à la prison centrale de Roumié l’annonce de leur départ imminent vers l’Irak. Une délégation officielle du Conseil intérimaire du gouvernement, dirigée par le vice-ministre des Affaires étrangères, M. Abdelilah Fukaki, est venue spécialement à Beyrouth pour organiser leur...