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Place de l’Étoile - Trois interpellations à l’ordre du jour de la réunion parlementaire Encore une promesse gouvernementale de développer l’agriculture

La Chambre a adopté une recommandation dans laquelle elle a demandé au gouvernement d’établir un plan global pour le développement agricole et le gouvernement a promis d’en tenir compte. Combien de fois ce scénario s’est répété place de l’Étoile et combien de fois assistera-t-on encore, sous la coupole du Parlement, à des débats portant sur l’importance de l’agriculture pour la stabilité sociale et l’équilibre économique et débouchant sur de sempiternelles propositions de solutions jamais retenues ? La réponse est la suivante : elle dépend d’une série de « si ». Il va falloir ainsi attendre pour voir si le gouvernement s’attaquera incessamment à ce dossier en Conseil des ministre, comme il a promis de le faire, et ensuite, si les décisions qu’il adoptera verront le jour, et encore s’il aura le temps de s’occuper du dossier de l’agriculture à l’heure où l’on parle de plus en plus d’un changement du gouvernement après le vote du budget de l’an prochain.
Durant la réunion parlementaire d’hier, il n’a été question que d’agriculture, la séance étant consacrée à trois interpellations portant sur ce dossier. L’une d’elles, présentée par M. Boutros Harb, remonte à 2001. C’est dire l’efficacité du contrôle exercé par la Chambre sur l’action de l’Exécutif, ce que M. Harb n’a pas d’ailleurs manqué de souligner en exposant le texte de son interpellation. Celle de M. Farid el-Khazen porte sur le même sujet alors que celle des députés de la Békaa se rapporte au rétablissement des subventions à la betterave sucrière.
Le problème qui se pose est résumé par M. Harb dont les idées principales sont repris ensuite par M. Khazen : l’État n’a jamais considéré l’agriculture comme un secteur ayant une fonction économique. « Le plus grave est que le gouvernement affirme être en voie de résoudre les problèmes qui se posent dans le pays, mais en réalité, il continue de négliger l’agriculture, estimant que le Liban est un petit pays, que le secteur agricole n’est pas rentable, que les crédits qui peuvent lui être consacrés seraient plus rentables s’ils sont transférés vers le secteur des services », dit-il.
Comme plusieurs autres députés qui prendront la parole par la suite, M. Harb souligne que si l’agriculture pose aujourd’hui un problème à cause de toutes les difficultés auxquelles elle est confrontée, elle constituera à l’avenir un véritable danger pour la stabilité sociale et économique dans le pays au moment de l’ouverture du marché libanais, à partir du 1er janvier 2005, à tous les produits agricoles des pays arabes. « Nous nous dirigeons droit vers la catastrophe et le gouvernement brille par son absence, tout plongé qu’il est dans les tiraillements et les conflits », poursuit-il.
Soucieux de ne pas endosser gratuitement le rôle d’oiseau de mauvais augure, il étaye ses prévisions apocalyptiques de chiffres, expliquant que depuis la conclusion, en 2000, de l’accord arabe sur l’abolition des barrières douanières et la libre circulation des produits agricoles, le Liban a bénéficié d’une période de grâce de cinq ans pour se préparer à cette échéance, mais il n’en a pas profité. À partir du 1er janvier 2005, les produits provenant de pays arabes vont noyer le marché libanais qui reste loin d’être compétitif, explique M. Harb. « Prenons les légumes, le coût de la production d’un kilo de tomates au Liban est de 330 livres contre 160 LL en Syrie et 131 en Jordanie. En 2001, lorsque notre marché s’est ouvert aux produits jordaniens, nous avons été noyés sous 30 000 tonnes de fruits et de légumes. L’huile d’olive libanaise est soumise à la concurrence déloyale de l’huile syrienne introduite en contrebande dans le pays. Son coût de production est de 966 livres contre 565 LL en Syrie et 163 à 412 LL en Jordanie. » Et voilà, le doigt est mis sur la première plaie : le coût élevé de la production agricole locale, sur laquelle plusieurs députés insisteront en demandant au gouvernement d’œuvrer pour réduire les intérêts servis sur les crédits agricoles et diminuer le coût de l’eau d’irrigation, des engrais et des semences...
Il reste que cette mesure n’est pas suffisante pour en finir avec les problèmes liés à l’agriculture. Les députés s’arrêtent sur la qualité des produits plantés au Liban, estimant qu’elle ne satisfait plus les importateurs arabes et européens et qu’il est temps d’introduire de nouvelles variétés, les efforts déployés dans ce sens par certains agriculteurs étant toujours modestes. Le problème est que toutes les propositions de règlement, aussi pertinentes soient-elles, ne peuvent déboucher sur des résultats positifs que si elles s’inscrivent dans le cadre d’une stratégie générale aux finalités bien précises, dont les grandes lignes ont été précisées dans la recommandation parlementaire appelant à l’établissement d’un plan d’action. L’idée principale défendue est que le secteur agricole est un facteur de développement, une composante principale de la vie économique, mais sans en être le principal moteur. C’est le ministre de l’Agriculture, Ali el-Khalil, qui s’en est fait l’avocat tout en dressant un état des lieux. « L’agriculture est un facteur de développement à trois dimensions, sociale, économique et écologique, et doit être soutenue, directement à court terme et indirectement à long terme », affirme-t-il d’une voix vibrante, rappelant que les États-Unis et l’Union européenne (300 milliards d’euros par an) continuent de subventionner le secteur agricole.
Il rappelle que le Liban importe pour 2 000 milliards de livres de fruits et de légumes par an, et en exporte pour moins de 300 millions de livres, alors que sa production au total se chiffre à près de 1 000 milliards de livres. « Si nous établissons une carte agricole tenant compte des besoins du marché libanais, de la diversité climatique du pays, des nouvelles techniques et de la répartition des cultures dans les terres arables, nous pouvons parvenir à un certain équilibre », dit-il, avant de plaider en faveur d’une collaboration entre les secteurs privé et public pour stimuler la production et l’exportation.
Un développement de l’agriculture commence par une restructuration de son département dont 63 % des postes sont vacants. « Toute la Békaa est desservie par deux orienteurs agricoles, et le Liban-Nord par un seul », poursuit-il, et ce n’est qu’à la fin de son discours qu’il a révélé avoir soumis un plan de développement agricole au gouvernement « qui le fera figurer à l’ordre du jour de sa prochaine réunion ». Le chef du gouvernement, Rafic Hariri, hoche la tête en signe d’approbation.
C’est ensuite au tour du Premier ministre de prendre la parole pour assurer que le gouvernement considère le secteur de l’agriculture comme étant fondamental et pour plaider en faveur d’une complémentarité agricole avec la Syrie et d’une révision des cultures existantes.
Président de la commission parlementaire de l’Agriculture, M. Hussein Hajj Hassan dresse également un état des lieux, doublé de propositions de règlement qui seront jointes à la recommandation parlementaire. Les députés multiplient les remarques avant que le ministre de l’Économie, Marwan Hamadé, ne rappelle que les accords conclus avec les pays arabes et l’Union européenne ne concernent pas que l’agriculture.
Selon ses explications, « les exportations agricoles vers les pays arabes ont sensiblement augmenté entre 1998 et 2002 : 35 % financièrement et 45 % quantitativement, alors que les importations des pays arabes ont diminué, en dépit de la contrebande de 18 % financièrement et de 46% quantitativement, ce qui signifie pratiquement que le secteur privé a entrepris d’exporter des produits à valeur ajoutée et d’importer des marchandises qui ne coûtent pas cher ».
Tout en soulignant la nécessité de passer aux cultures à valeur ajoutée, M. Hamadé a annoncé qu’il compte réclamer la convocation du Conseil économique et social relevant de la Ligue arabe pour lui soumettre les plaintes libanaises relatives aux ennuis administratifs rencontrés par les exportateurs libanais.
Deuxième point examiné durant la réunion: le rétablissement de la subvention qui était accordée à la betterave sucrière réclamée – à cor et à cri dans le cas de M. Élie Ferzli – par les députés de la Békaa. Des considérations électorales doivent sûrement se greffer sur cette requête qui a fait dire au vice-président de la Chambre, lancé dans un discours on ne peut plus démagogue, que le retour aux subventions, qui ne peut pas attendre selon lui l’établissement d’une politique agricole, est de nature à résoudre les problèmes de dumping. On se demande bien comment.
Le gouvernement a promis de soutenir de nouveau la betterave, et la réunion, qui avait bien commencé, s’est achevée sur un retour à la case départ : l’incohérence et la désorganisation restent de mise.

Tilda ABOU RIZK
La Chambre a adopté une recommandation dans laquelle elle a demandé au gouvernement d’établir un plan global pour le développement agricole et le gouvernement a promis d’en tenir compte. Combien de fois ce scénario s’est répété place de l’Étoile et combien de fois assistera-t-on encore, sous la coupole du Parlement, à des débats portant sur l’importance de...